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"Les images renvoyées par le Stade de France sont catastrophiques": un an après le chaos de la finale, un sénateur se confie

Après les incidents du Stade de France, le 28 mai 2022, en marge de la finale de Ligue des champions Liverpool-Real Madrid (0-1), le Sénat a joué un rôle central pour mettre en lumière les défaillances de l’organisation française. Un an après ce fiasco, Michel Savin, sénateur de l’Isère et président du groupe pratiques sportives et grands évènements sportifs, se confie sur cette journée qui a écorné l’image de la France aux yeux du monde. À un an des Jeux olympiques 2024 à Paris, le parlementaire se veut tout de même rassurant.

Michel Savin, quelle est la première image que vous retenez de ces incidents au Stade de France le 28 mai 2022 ?

La première image que j'ai en mémoire, ce sont les événements qui se passent à l'extérieur de l’enceinte. Une situation un petit peu d’incompréhension entre les images qu'on avait de l'intérieur où la préparation du match se faisait assez normalement, et des images de ce qui se passait à l'extérieur. 

Très rapidement, sur Twitter, un message du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, est publié. Il dit que c’est de la faute des supporters de Liverpool. Sur le moment, vous le croyez ?

Oui, parce qu'on voit qu'il y a des incidents qui se déroulent à l’extérieur de l’enceinte. On peut donc s’imaginer qu'il y a un problème à l'entrée du stade, avec peut-être aussi des faux billets et d’autres problèmes. Et surtout, des personnes qui n’ont rien à faire ici et qui essaient de pénétrer dans l’enceinte. Donc oui, pourquoi remettre en cause la parole du ministre au moment où il s’exprime ? Sur le moment, on peut imaginer qu’entre des supporters anglais et espagnols il y a aussi eu des altercations. On peut tout imaginer à ce moment-là.

Si on reste sur cette soirée, le coup d’envoi est retardé de 35 minutes, il y a ces incidents. On arrive au dimanche 29 mai, où nous sommes dans l’analyse de ce fiasco. Et là, on comprend un peu mieux la soirée, vous commencez à douter ?

Le doute arrive avec l’expression des supporters anglais et espagnols qui remettent en cause tout de suite la parole du ministre de l'Intérieur et qui disent qu’ils ne sont pas à l’origine de ces événements. Au contraire, ils remettent en cause l'organisation, la préparation de cet événement, notamment l'accueil des supporters à proximité et à l'entrée du stade, et donc là tout de suite, il y a un doute qui se met en place pour comprendre les vraies raisons. 

Et puis, les jours passent et on comprend mieux le fiasco…

Les jours passant, on voit bien qu'il y a des incohérences entre les discours qui sont tenus et les images qu'on a pu voir. Lorsqu'on annonce des milliers de personnes à l'extérieur du stade au moment où le match doit commencer, et que sur les images de TF1 on cherche les 30.000 ou 40.000 personnes qui auraient été la cause de tous ces événements... Donc oui, là y a un doute qui commence à arriver. 

La France a manqué de respect aux supporters de Liverpool avec les accusations rapides… 

Oui, je trouve qu’on a manqué de respect au moment où ça s'est fait et même après. Lors des auditions, le ministre, et les autorités françaises, ont continué à mettre en doute et en cause les supporters anglais. Je trouve que c'était quelque chose de très négatif envoyé à ces supporters anglais et espagnols. On a pu voir au moment des auditions que les choses étaient très claires. Le maire de Liverpool, lui-même, a subi une agression à l'entrée du stade, et remettait donc en cause la parole de la France. Et ça, c’est quand même assez grave. 

Les supporters de Liverpool empêchés d'entrer dans le Stade de France
Les supporters de Liverpool empêchés d'entrer dans le Stade de France © AFP

Au Sénat, vous avez répondu rapidement à ces problèmes avec le lancement de cette commission d’enquête.

On est totalement dans notre rôle, notre rôle de parlementaire est double : on doit voter la loi, mais aussi contrôler l’action du gouvernement. Dans cette situation, on est dans une action de contrôle. Et puis notre volonté a été de dire rapidement : "attention, nous sommes dans le cadre de la préparation de grands événements avec la Coupe du monde de rugby et les JO 2024". Cet événement a jeté une image très négative sur la France. On s'est demandé comment y remédier, quelles ont été les fautes et surtout, comment peut-on corriger ce qui s'est déroulé dans le cadre de la préparation de ces événements. 

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué lors de ces auditions ?

Les auditions des supporters de Liverpool. Ils ont pris la parole pour exprimer l’image qu’ils ont de la France et de l’accueil français depuis cette finale. Je trouve que ça, c'est très négatif. J'espère que les choses vont vite se corriger parce que l'image qui a été renvoyée est mauvaise. Aujourd’hui, il faut dire qu’on peut venir tranquillement en France assister à des rencontres sportives en toute sécurité, en toute sérénité.

Donc vous diriez aujourd’hui à un supporter de Liverpool de venir aux JO ?

De revenir en France, car j’espère qu’on a tiré les leçons de tout ça. Il y a une loi qui a été débattue et qui a été votée pour mettre en place des systèmes de sécurité et de protection autour de ces événements sportifs. Bien sûr, moi j'appelle l'ensemble des supporters du monde entier à venir assister à ces grands événements qui auront lieu en France dans les prochains mois. Voilà, il y a eu un dysfonctionnement, il y a eu des erreurs et il faut les reconnaître. Il faut dire la vérité, surtout, et maintenant, il faut qu'on corrige les dysfonctionnements afin d’accueillir ces supporters dans les meilleures conditions. 

C'est l'objectif aussi de la réussite de ces Jeux olympiques et paralympiques. Accueillir le monde entier dans les meilleures conditions possibles, donner une image très positive de la France. Avec la cérémonie d'ouverture, on va avoir des images extraordinaires, qui vont mettre en avant et en lumière tout le patrimoine parisien et français. Donc oui, on a tout intérêt à réussir ces deux compétitions dans les prochains mois.

Et vous pensez qu'on a appris des leçons de l'année dernière ?

Je pense que si on n'a pas retenu les leçons du Stade de France, ça pose vraiment des questions. Donc j'espère encore une fois qu'on a tiré toutes les leçons. Il y a eu des propositions qui ont été faites sur la mise en place de la sécurité. C'est vrai qu'aujourd'hui, au moment où on se parle, on a quand même quelques inquiétudes. Sur le nombre de policiers et de gendarmes qui vont être mobilisés en même temps, ça risque de remettre en cause certains événements qui auront lieu sur le l'ensemble du territoire français, notamment sur les événements culturels, concerts et autres.

On peut aussi voir qu'on a des difficultés à recruter dans le domaine de la sécurité privée avec un manque de personnel pour les mois qui viennent. Le ministre l'a dit lui-même, on devra peut-être mobiliser une partie de l'armée pour assumer des missions de sécurité autour de ces Jeux olympiques. 

Pouvez-vous comprendre la crainte des Français sur la sécurité avant ces Jeux ? 

On peut comprendre que les Français se posent des questions, oui. Il faut qu'on renvoie les bonnes réponses, sans crainte, et qu'on continue à venir dans un stade en famille, entre amis. Parce que le sport, c'est la fête, c'est de la convivialité, c'est le partage et on doit tout faire pour que ces Jeux se déroulent dans cet état d'esprit. Mais oui, les images renvoyées par le Stade de France sont catastrophiques. C'était un vrai chaos sur l'organisation d'un événement. Et c'est vrai que les Français peuvent se demander si nous sommes en capacité d'organiser aujourd'hui en France ce type d'événements. Je pense que oui, mais il faut s'en donner les moyens. 

Propos recueillis par Nicolas Pelletier