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EXCLU RMC SPORT

National 1: qui sont les (si discrets) actionnaires de l'ambitieux FC Versailles ?

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Avec un recrutement XXL, une épopée en Coupe de France la saison dernière et une promotion en N1, les nouveaux - et très discrets - investisseurs du FC Versailles, arrivés au club en 2021, ont du mal à rester dans l’ombre. Pour RMC Sport, Christophe Petit, l’un des deux co-actionnaires, a accepté de sortir du silence pour la première fois depuis sa prise de contrôle du club. Il dépeint un projet bien éloigné de l’image de "Qatar du foot amateur" que certains collent au club, parmi les plus grands de France en termes de licenciés.

Dans la ville rendue mondialement célèbre par le Roi Soleil, leur discrétion à toute épreuve est paradoxale. Au faste et à la lumière incarnée par le château, eux ont préféré le silence et l’ombre. Entrer en contact avec les nouveaux actionnaires du FC Versailles, arrivés au club en 2021, est un long chemin de croix. Lorsque l’on s’approche du club, tous ont la même réponse: "Les actionnaires ? Ils ne parlent pas et ils ne veulent pas qu’on parle d’eux."

Cette volonté de rester à tout prix en retrait a volé en éclats à deux reprises au cours des derniers mois. D’abord à la fin de l’hiver dernier, quand, au terme d’un parcours mémorable, la formation des Yvelines se hisse jusqu’en demi-finale de la Coupe de France (défaite 2-0 à Nice). Puis en plein cœur de l’été, lorsque l’arrivée de Jeremain Lens, international néerlandais aux 34 sélections, est officialisée par le club, promu en National 1.

Le recrutement de l’ailier batave, alors en fin de contrat avec Besiktas, attise forcément la curiosité, d’autant qu’il est venu compléter un recrutement déjà extrêmement solide. Septième budget de National 1 (sur 18 clubs) avec 3,5 millions d’euros, malgré un statut de promu, le FC Versailles a attiré de nombreux joueurs d’expérience, à l’instar de Fabien Lemoine (ex-Lorient) Pierre-Yves Polomat (Saint-Etienne, Auxerre), Pierre Gibaud (Sochaux, Le Havre), Grégoire Lefebvre (Auxerre, Red Star, Nancy) ou encore Loïc Damour (Strasbourg). Difficile, dans ce contexte, de continuer à se cacher. Et pourtant…

"Nous ne sommes pas venus au FC Versailles pour faire parler de nous ou de notre entreprise, clame Christophe Petit, co-actionnaire du club, qui a accepté pour RMC Sport de sortir du silence pour la première fois depuis sa prise de contrôle du club. Nous préférons travailler sereinement et dans le temps sur les projets structurants pour le club et laisser le rôle du sportif aux gens dont c’est la compétence. Nous ne voulons pas nous mettre de pression inutile au quotidien en annonçant une ambition quelconque qui ne correspondrait pas à la réalité de notre projet", a poursuivi l'homme d'affaires, qui a souhaité s'exprimer seulement par écrit.

Un projet ancré localement

En 2021, il est arrivé à la tête du club aux côtés de Julien Ridon via City, promoteur immobilier et constructeur dont le siège de l’activité construction est situé… à Versailles. "Nous cherchions un projet dans lequel s’investir sur notre territoire, en parallèle de nos activités professionnelles, rembobine Christophe Petit. Le club de Versailles a connu plusieurs montées successives grâce à un excellent travail de l’équipe dirigeante de l’association, et nous sommes arrivés au moment où il fallait investir un peu pour lutter à armes égales dans un championnat de N2 très compétitif et dont les budgets sont en augmentation. C’est aussi un club et une ville avec des valeurs qui nous correspondent, et nous nous sommes lancés progressivement dans l’aventure. D’abord en aidant l’association la première année en observant et en prenant le temps de mieux connaître le club, puis en début de saison dernière avec la création d’une SAS dédiée à la gestion de l’équipe première."

Lorsque l’on évoque le FC Versailles, impossible de ne pas mentionner Youssef Chibhi, l’entraîneur. En poste depuis 2014, alors que le club évoluait alors en DH (ex-Régional 1, le sixième échelon français), le technicien est au centre du nouveau projet. Lors des premières prises de contact avec le service communication ou le directeur général, Jean-Luc Arribart, ancien joueur du Stade Rennais et de l’OM, nos sollicitations sont à chaque fois renvoyées vers lui. "Nous avons un fonctionnement simple avec un entraîneur qui a un rôle étendu et une volonté assumée pour notre part de ne pas s’immiscer dans le sportif en cours de saison", explique Christophe Petit.

En 2021, Youssef Chibhi, par ailleurs actuellement visé par une enquête pour atteinte à l'intimité de la vie privée et enregistrement d'image pornographique d'un mineur, a accueilli l’arrivée des nouveaux investisseurs avec soulagement. "Nous venions d'accéder au championnat de National 2 avec des moyens limités et la croissance de nos effectifs s'accélérait, se souvient l’entraîneur. Le développement de notre club était en plein essor, mais le budget stagnait, voire diminuait. Il était vital pour l'avenir de notre association de trouver un nouveau souffle et d'enclencher un nouvel élan. J'ai été convaincu par un discours clair, humble avec une ambition mesurée et adaptée dans le temps."

Christophe Petit: "Sur le long terme nous n’avons pas d’objectif fixé"

Forcément très attentive à ce que l’image de la "marque" Versailles ne soit pas écornée, l’arrivée de ces nouveaux actionnaires a également été vue d’un très bon œil par l'équipe municipale. Leur discrétion à toute épreuve convient parfaitement à la Ville. "Ce ne sont pas des gens qui, dans le milieu professionnel, font énormément d'esbroufe, assure Nicolas Fouquet, adjoint aux Sports à la mairie de Versailles. C’est un petit dans le monde de la construction et dans le monde des foncières. Ils restent prudents. Le monde professionnel, ça n’a jamais vraiment été dans l’ADN de Versailles, donc ça nous convient très bien qu’ils communiquent prudemment."

Actuellement, la mairie et le club travaillent main dans la main pour tenter de faire revenir les matchs à Versailles, que la formation yvelinoise a dû déserter pour s'exiler à Jean Bouin, l'habituel stade du Stade Français. En cause, l’interdiction de pouvoir jouer de nuit au stade Montbauron, les Bâtiments de France refusant jusqu’à la toute source de lumière - et construction trop haute - à proximité du château. "Il y a eu des évolutions technologiques autour de l’éclairage LED, ce qui nous a permis d’arriver à un compromis avec le groupe d’architectes des Bâtiments de France pour avoir des mâts qui ne soient plus à 24-27 mètres mais à 18 mètres, ce qui nous permet de respecter leurs attentes en termes de discrétion", confie Nicolas Fouquet. Le dépôt de permis de construire a été affiché début août et les travaux ont d’ores et déjà commencé. Selon l’adjoint aux sports à la mairie, tout devrait être prêt au premier trimestre 2023. De quoi permettre au FC Versailles d’envisager un futur proche dans son fief.

Pour la suite, justement, l’état-major versaillais ne se fixe pas d’objectifs précis. Là encore, pas question de faire des annonces retentissantes. Malgré ses moyens, le club des Yvelines ne veut en aucun cas brûler les étapes. "Sportivement, nous avons connu une saison dernière au-delà de nos espérances, assure Christophe Petit. Nous prenons ça comme une chance et la nécessité de devoir se mettre rapidement au niveau dans un championnat de National 1 très relevé, avec six descentes cette année, et de très beaux clubs avec pour certains des palmarès impressionnants. Sur le long terme nous n’avons pas d’objectif fixé et continuer à jouer au troisième échelon du football français serait déjà une réussite en soi. Notre rôle sera de monter une équipe et un budget compétitif en allant chercher tous les acteurs du territoire avec nous et en attirant le grand public au stade à chaque match."

Un club formateur devenu un "Qatar du foot amateur" ?

Entre un club à pérenniser à ce niveau, un engouement populaire à déclencher et un territoire à mobiliser, les enjeux sont nombreux. En dehors de ces objectifs, les dirigeants versaillais devront également slalomer entre les nombreuses critiques. L’arrivée des investisseurs a en effet ému certains observateurs, agacés par le virage pris ces derniers mois. Alors que le FC Versailles est l’un des plus grands clubs de France en termes de licenciés (1 200) et que la formation de jeunes joueurs en fait l’ADN, le recrutement XXL est parfois mal perçu, au point que le club des Yvelines est par moments comparé à un "Qatar du foot amateur".

"En dehors de la proximité géographique avec Paris, nous n’avons pas grand-chose de comparable, rétorque Christophe Petit. Nous sommes promus en N1, loin des plus gros budgets de la division, sans stade ni centre d’entraînement, et avec un seul bureau qui est partagé entre les salariés et les joueurs comme salle polyvalente ! On constate une arrivée d’investisseurs étrangers - en National 1 également - Américains ou de pays du Golfe. Nous, nous avons monté pour notre part un modèle très classique et un projet collectif, avec une recherche de partenaires, de sponsors, et globalement tous les acteurs économiques de la région qui voudront nous rejoindre pour monter progressivement le budget du club", poursuit l'actionnaire.

Pour lui, le recrutement de "joueurs d’expérience" répond à une urgence: "combler le retard" et aider le club à être compétitif. Avec 10 points après cinq journées et une place sur le podium de National 1, l’effectif construit par le FC Versailles réalise pour l'instant un début de saison prometteur. En attendant la suite, toujours avec mesure et discrétion.

Felix Gabory Journaliste RMC Sport