Mahrez à Man City, un transfert comme une récompense

- - AFP
Tout vient à point à qui sait attendre, une formule toute faite que Riyad Mahrez aurait sans doute pu inscrire au-dessus de son lit, pour faire passer la pilule – ou plutôt la boîte entière – qu’il fut contraint d’avaler durant de longs mois de ce qui s’était transformé en purgatoire. L’international algérien n’est pas de la petite virée à Evian de ses coéquipiers de Leicester, exempté par le club selon le Daily Telegraph. Le joueur poursuit un programme personnel d’entraînement et son transfert devrait être officialisé dans les prochains jours.
Un soulagement auquel il ne croyait sans doute plus. Le transfert de Riyad Mahrez n’est pas dans l’air depuis seulement quelques semaines: il traîne depuis deux ans. Les premières rumeurs sont nées après le titre surprise des Foxes en 2016, au terme d’une saison exceptionnelle de l’ancien Havrais (17 buts, 11 passes décisives). Mais les prétendants avaient rapidement été éconduits, l’ailier algérien ayant finalement accepté de prolonger son contrat jusqu’en 2020.
La délicate saison post-titre
Sauf que la saison post-titre est délicate pour Leicester: contre-performances, vestiaire lassé, difficulté à gérer Premier League et Ligue des champions… Claudio Ranieri est limogé en cours de route, trahi par une partie de ses joueurs et remplacé par l’intérimaire Craig Shakespeare, l’équipe ne passe le troisième tour d’aucune des deux coupes nationales, termine 15e du classement après avoir longtemps craint une relégation et ne connaît l’embellie qu’avec un quart de finale de C1 et l’étiquette de dernier pensionnaire de Premier League en lice…
C’est après cette saison en demi-teinte – six buts seulement en championnat et moins d’impact sur le plan personnel – que la situation a commencé à s’envenimer. Lors de la signature de son nouveau contrat après le titre conquis en 2016, Riyad Mahrez avait reçu des gages de la part de ses dirigeants. Et notamment l’assurance de pouvoir quitter le club, si un prétendant arrivait avec une belle offre. Les rumeurs évoquaient de grands noms (le Barça par exemple) mais dans les faits, les équipes intéressées étaient finalement assez rares.
Un manque d’offres l’été dernier
Les exigences financières des Foxes en auront rebuté plus d’un. Il restait tout de même une option : la Roma, qui serait allée jusqu’à proposer un montant autour de 40 millions d’euros. Pas suffisant pour Leicester. Mais une nouvelle fois, Riyad Mahrez se voit assurer que si un cador met le paquet lors du mercato suivant, il pourra partir. En attendant, l’ailier tente de faire bonne figure au sein d’un effectif qui ne va pas mieux. Le début de saison est délicat et le champion d’Angleterre 2016 se retrouve une nouvelle fois en position de relégable.
Claude Puel est nommé sur le banc dès octobre et tente de redonner un fond de jeu à cette équipe qui vivote. A l’arrivée du Français, Riyad Mahrez ne compte qu’un seul but au compteur en championnat. Pendant ce temps, Manchester City affole les compteurs et marche littéralement sur la concurrence. En décembre, plus personne ne doute du fait que les Cityzens soulèveront le trophée à l’issue de la saison. Mais Pep Guardiola souhaitant bénéficier d’un effectif plus large avec tous les postes doublés par des joueurs de haut niveau pour jouer sur tous les tableaux (notamment la Ligue des champions), le club mancunien tente un gros coup l’hiver dernier.
L’imbroglio hivernal et la bouderie
En fin de mercato, les Skyblues tentent d’arracher Riyad Mahrez, emportés dans un jeu d’enchères dans lequel Leicester prend un malin plaisir à faire gonfler l’addition. Le joueur le vit mal : il veut partir, rejoindre un club qui lui offrirait un deuxième titre de champion d’Angleterre et lui permettrait surtout de s’épanouir dans le jeu, de tâter du ballon, de dribbler, de déborder, d’allier vitesse, percussion et technique bref… de faire ce qu’il sait faire et qu’il peut moins réaliser chez les Foxes, entourés de coéquipiers ayant pour certains une palette limitée. Manchester City va jusqu’à proposer 70 millions d’euros selon la presse anglaise. Leicester refuse et tente encore de faire grimper la note. Les Cityzens abandonnent, Riyad Mahrez ne digère pas.
L’international algérien tente le passage en force et opte pour la grève. Et agite les débats. "Riyad Mahrez mérite actuellement mieux que Leicester", estimait début février dans Goal celui qui était alors sélectionneur de l’Algérie. Tout en reconnaissant le rôle de Leicester dans l’éclosion de la star des Fennecs. "Il ne faut pas oublier non plus que c'est Leicester qui l'a mis sur les bons rails, poursuivait-il. Je pense qu'une conversation sérieuse avec ses dirigeants s'impose. Lui souhaite partir dans un plus grand club anglais. Je ne sais pas ce qui s'est vraiment passé concernant son transfert. Moi, je lui conseille de reprendre l'entrainement et de travailler dur, même si le transfert a échoué." Comme un recadrage paternel.
Ne pas "ruiner son héritage"
"S’il continue à se déclarer indisponible, il risque de ruiner sa réputation et son héritage à Leicester, estimait même Jamie Redknapp dans sa chronique de l’époque pour le Daily Mail. Aussi difficile que cela puisse être, il doit rester un joueur d’équipe, continuer à s’entraîner dur et tout donner pour la cause. S’il continue à performer, les grands clubs reviendront à la charge cet été." Les dirigeants des Foxes lui infligent une amende mais Riyad Mahrez poursuit sa bouderie. Claude Puel reste ferme… sans maintenir porte close. "Nous avons pris une décision pour le bien du club, expliquait alors le manager français. J’espère que Riyad parviendra à se nettoyer la tête et à revenir avec nous, parce que c’est un joueur important."
Le 9 février, Riyad Mahrez accepte de reprendre l’entraînement. Entré en jeu une demi-heure dans le match face à… Manchester City (défaite 5-1 de Leicester), il retrouve sa place de titulaire sept jours plus tard, pour la réception de Sheffield United en FA Cup. "Je suis parti quelques jours car j’avais besoin de réfléchir, confiera finalement le maitre à jouer de Leicester à Sky Sports en mars. Manchester City serait un bon club pour n’importe qui mais c’est du passé. C’est derrière moi. Se remettre à en parler s’est revenir au mercato et moi j’essaye d’aller de l’avant et de donner le meilleur pour mon équipe." Leicester achève la saison à la huitième place et l’ailier de 27 ans avec un bilan de 12 buts en Premier League.
Tout ça pour ça?
La fin du purgatoire semble finalement venue. Pour l’instant muet sur le marché des transferts (hormis sur le cas Jorginho, pas encore réglé), Manchester City n’a pas oublié Riyad Mahrez. Selon le Daily Telegraph, les derniers détails sont sur le point d’être conclus et l’officialisation du transfert – pour un montant de 68 millions d’euros environ et avec un salaire hebdomadaire de près de 230 000 euros – pourrait être officialisé avant ce week-end. Son prix n’aura finalement pas chuté malgré des performances en dents de scie mais une question se pose : qui aura gagné quoi au terme de ce feuilleton ? Leicester aura peiné durant deux saisons, jusqu’à craindre la relégation. Le joueur aura connu deux ans délicats, sportivement et émotionnellement. Manchester City aura tout de même bouclé le transfert, à peu près au tarif prévu il y a quelques mois. Tout le monde est content mais on ne sait plus très bien ce qui a cloché au départ…