Premier League : le Manchester United de Mourinho va-t-il enfin offrir du jeu?

- - AFP
Le jeu. C’est un mot qu’on dirait inventé pour décrire Manchester United. Le grand Manchester United. Celui de Sir Alex Ferguson, des titres, et du rêve. Parce que depuis l’arrivée de José Mourinho à la tête de l’équipe en 2016, exit la beauté, et "hello" le manque de saveur. Après une deuxième saison qui s’est conclue sur une deuxième place en Premier League, le manager n’a plus à prouver qu’il peut faire de ses joueurs des concurrents tenaces. Il est temps en revanche de montrer qu’ils peuvent constituer une belle équipe de football.
Des absences qui posent problème
En Angleterre, beaucoup critiquent le manque de jeu proposé par United depuis l’arrivée du charismatique José. Ces mêmes détracteurs qui pensent d’ailleurs que deux saisons, c’est assez pour imposer sa philosophie et être jugé. "On a le côté bleu de Manchester sous la direction de Pep, rappelle l’ancien milieu Lee Sharpe, dont les propos sont repris par The Independent. On a Jürgen Klopp qui produit l’un des meilleurs jeux du championnat à Liverpool, et puis il y a United qui joue lentement, de manière pragmatique, ennuyeuse, et qui propose un football dépassé." Pour y remédier cette année, cela s’annonce déjà compliqué.
Les Red Devils n’ont pas eu à disposition leurs éléments les plus décisifs pour préparer la saison. Il y a bien évidemment le champion du monde Paul Pogba qui manquait à l’appel, mais aussi les Three Lions Jesse Lingard, auteur d’un Mondial canon, et Marcus Rashford, entre autres. Autant d’absents qui empêchent tonton José de mettre en place du jeu. "Je suis inquiet parce que je ne m’entraîne pas avec tout le monde et je n’aurai pas mon effectif complet pour le début du championnat" lâche le Portugais en conférence de presse.
Une recrue pour du changement?
Lassé par la situation, le Mou semble préparer le terrain au cas où certains se plaindrait des Mancuniens cette saison. "C’est une très mauvaise pré-saison, s’insurge le Special One. Le seul point positif est pour les jeunes joueurs qui ont la superbe occasion de s’entraîner avec nous." Si on a pu croire que le transfert d’Alexis Sanchez allait changer la donne, en vain, la recrue Fred, elle, pourrait faire la différence au sein d’un groupe qui s’est adapté à la "patte mourinhesque". Le Brésilien va apporter qualité technique, justesse dans les passes, rythme, et vitesse. Ce qu’il faisait au Shakhtar, tout simplement. De la fraîcheur pour le club du nord de l’Angleterre et son principal rival Ander Herrera, en difficulté. Le jeu passera inévitablement par lui.
Toutefois, dans sa carrière, le coach a toujours eu du mal avec ses meneurs de jeu et ceux qui le créent. C’a été le cas à Chelsea avec Eden Hazard et Kevin De Bruyne, qui avait avoué avoir perdu le goût du jeu à cause de sa relation avec le Special One. Mais aussi au Real Madrid avec Mesut Özil, et plus récemment à Old Trafford avec Henrikh Mkhitaryan. Il s’agit pourtant de ses joueurs les plus importants pour produire. En voulant essayer de mettre Sanchez au cœur de sa tactique l’hiver dernier, le manager a commencé à s’ouvrir (avec peu de réussite) au jeu. Avec Fred, l’erreur ne sera pas permise et Mourinho devra faire confiance à son créateur s’il souhaite donner un nouvel élan à son groupe.
Mourinho a fait son choix
Quand on parle de jeu outre-Manche, un nom vient automatiquement à l’esprit de chacun. Pep Guardiola. Le Catalan est de ceux qui feraient aimer le football à n’importe quel détracteur de la discipline. Chez ses rivaux du nord, on peine à retenir l’attention des amoureux de la discipline. Souvent, on s’ennuie devant les rencontres de la bande de Mourinho. Celui-ci se défend tout de même, et plaide en faveur de la fin plutôt que des moyens. D’un point de vue comptable, il résiste encore.
"Il y a beaucoup de poètes dans le football, admet le Portugais sur BT Sport. Mais les poètes ne gagnent pas beaucoup de titres…" Pas de place pour le romantisme, mais pour les titres. Les chiffres ne mentent pas. Depuis son arrivée, il a guidé les siens vers un succès européen en C3, la finale de la FA Cup la saison dernière, en plus qu’une deuxième place en championnat, synonyme de qualification directe pour la Ligue des champions.
On a connu pire bilan pour les Red Devils. Sous Louis van Gaal, par exemple, l’équipe ne produisait pas de jeu… mais ne gagnait pas non plus derrière. Le facteur victoire apporte de l’eau au moulin de Mourinho et donne raison à ses choix de placer parfois ses 11 hommes derrière pour sécuriser, comme ç’a été le cas face à des formations du ventre mou (!) comme West Ham ou Burnley. Inquiétant? Non, stratégique.
Les Red Devils en perte d’identité?
Le tournant pris par le club ces deux dernières années peut inquiéter les supporters. Manchester United suit une nouvelle philosophie, et pour les amoureux de la grande époque, la tradition se perd grandement. "Je ne comprends pas pourquoi United a engagé un manager qui joue de manière défensive, s’interroge l’ancienne star mancunienne Eric Cantona dans un entretien accordé à la BBC. Ce n’est pas l’identité du club. J’adore Mourinho, mais je préfère la façon de jouer de Guardiola."
C’est un fait. Le patron de United soigne l’apport défensif de ses joueurs. Il préfèrerait d’ailleurs, selon les médias britanniques, se concentrer sur la vente d’un défenseur pour en attirer un autre cet été, Harry Maguire. Il a aussi déjà scellé l’arrivée de Diogo Dalot, latéral droit. Mais Mourinho peut s’appuyer sur son fan club, qui n’hésite pas à justifier ses choix.
"Mourinho a une approche qui est plus old-school en ce qui concerne le jeu, explique Gary Lineker dans un entretien accordé à Planet Football. Garder ses rangs resserrés, frapper fort en contre-attaque, et il n’y a rien de mal à ça. Ses équipes sont solides, difficiles à battre, et gagnent beaucoup de trophées. Il laisse trois ou quatre joueurs libres, et le reste doit être solide, mais ce n’est pas une manière négative de jouer au football. On dit souvent que Mourinho fait la promotion d’un football défensif et négatif, et les gens ont du mal à dépasser ça. Je trouve que c’est injuste."
Mourinho a ses disciples
D’autant plus que ses joueurs eux-mêmes sont convaincus de la qualité de management de leur boss et persistent à dire qu’ils proposent du jeu, ce qu’on aime appeler "la méthode United" (The United way). Un football beau à regarder, offensif, bien maîtrisé sur les ailes, né sous les règnes de Sir Matt Busby puis Sir Alex Ferguson.
"Mourinho a changé, assurait alors Juan Mata début 2017. (…) Ce club a toujours eu conscience qu’il jouait un certain football, basé sur le domaine offensif et les occasions créées. C’est ce que l’on fait et le manager est ravi de nos performances."
"United a joué un bon football offensif d’après ce que j’ai pu voir, pense Lineker. Mourinho développe une équipe à United et nous voyons qu’il la construit pièce par pièce." Patience, donc, à ceux qui veulent voir de la fluidité à gogo et du jeu à foison à Old Trafford, parce que le Manchester United de Mourinho évolue à son rythme, et joue. A sa manière.