Le grand dossier RMC Sport (partie 8) - Gil Vicente, comme un air de déjà-vu pour Luis Campos

Motivé et rassuré par le projet visant à "consolider le Gil Vicente en Liga portugaise", Luís Campos – qui s’est engagé sur les trois prochaines années - est plus actif que jamais. L’été 2004, il est sur tous les fronts. Au Sénégal pour superviser des joueurs, à Ofir pour le stage de présaison, dans son bureau du nouveau stade inauguré en mai de la même année. Et il y a du taf. Une douzaine d’arrivées, autant de départs et des dossiers que Campos suit individuellement et personnellement.
En juillet, lors de la présentation officielle, il envoie: "Je suis ambitieux et nous allons chercher la huitième ou neuvième place." Quelques jours après la finale perdue par le Portugal lors de son Euro, Campos déroule: "J’espère que nous allons jouer un football plus beau que celui de la Grèce mais qu’on gagnera autant que la Grèce. J’aimerais qu’on termine avec la troisième meilleure défense et la troisième meilleure attaque." Une enflammade partagée par le président adjoint, António Fiúza: "Sincèrement, je pense qu’aujourd’hui il y a peu de clubs qui sont devant le Gil Vicente."
Les éloges pleuvent sur le professeur Campos: "C’est un homme avec un grand H. Un professionnel exemplaire, un entraîneur moderne. Ce projet va lui apporter une grande stabilité. Nous pensons qu’il aura un grand avenir." LC se dit qu’il peut enfin bosser. Il fignole son modèle de jeu, à Ofir, et prévient: "Quand on a l’expérience de ce genre de choses, on sait qu’il est impossible de construire une structure consistante dans un délai aussi réduit, avec tant de nouveaux éléments."
"Ferme-là, putain, toi et tes mauvais résultats!"
La saison officielle démarre à Alvalade. Le Sporting l’emporte 3-2 mais le score ne reflète pas la souffrance des Coqs. L’audace tactique de Campos – en 3-4-3 – est contrariée par "le tissu de bêtises" commises par son équipe, illustrée par le but contre son camp de Marcos António (futur joueur d’Auxerre). Quelques jours plus tard, c’est Rui Baião qui va commettre, de son propre aveu, "la plus grosse erreur de [sa] carrière".
Lors d’une séance d’entraînement, le créatif joueur du Gil Vicente – que Campos avait déjà dirigé à Varzim – est lassé des petits coups infligés par ses coéquipiers et le fait savoir à son coach. Campos laisse couler. Les taquets continuent de tomber. Rui continue de gueuler. Campos lui demande de se taire et lui ordonne de continuer de jouer. Le ton monte. Baião qui racontera l’épisode dans un entretien concédé au Expresso en 2021 explose "devant tout le groupe": "Ferme-là, putain, toi et tes mauvais résultats, vous allez aller vous faire foutre de ce club avant moi!" Le prof renvoie son poulain au vestiaire. Rui Baião qui s’excuse dans la foulée, est mis à pied.
Les résultats sont aussi plombants que l’ambiance. Défaites contre Boavista et le Beira-Mar. La réussite fuit les Gilistas et le président Martins se voit (déjà) obligé de conforter Campos à son poste: "Ce serait préoccupant si nous ne jouions pas bien et que nous n’avions pas d’occasions de buts, ce qui n’est pas le cas." En signe de soutien, les ultras Kaos Barcelos vont jusqu’à offrir à leur entraîneur une écharpe restée trois jours au cœur de l’église Santo António. Le banni Rui Baião est de retour et le Gil Vicente s’impose enfin (3-1 face au Moreirense). Première victoire pour le club dans son nouvel écrin. Amen. La première convocation en sélection de Jorge Ribeiro (frère de Maniche) serait-il un autre message d’espoir? Que dalle. Le Gil replonge à Coimbra (1-2), alors qu’il mène 1-0. L’Académica vient de refiler le bonnet d’âne à son opposant. Le Estudante Zé António tient à féliciter le professor: "Bravo au Gil Vicente. Les équipes de Luís Campos jouent toujours très bien." L’intéressé, lui, déplore l’arbitrage. Il renforce les séances, organise des matches d’entraînement dont les résultats servent aussi bien à rassurer ses attaquants (5-0 contre Ribeirão) qu’à faire cogiter sa défense (5-5 contre Aves).
"Je suis un homme avec de grosses tomates"
Après 5 journées, la direction du GVFC en est déjà à deux messages de soutien envers son entraîneur pris dans une spirale infernale. Revers contre Braga (0-1) sur un nouveau csc. Un match au cours duquel l’arbitre signale puis annule un péno en sa faveur. Du coup, bah, Luís Campos dégoupille: "On veut m’exclure du football mais on n’y arrivera pas! Un jour, ils tomberont et je serai encore là. Je suis un homme avec de grosses tomates [expression familière portugaise désignant les testicules]." Le président adjoint Fiúza le (rere)confirme à son poste avant l’autre derby contre Guimarães. Et une autre déconvenue (1-2), avec un pénalty loupé et (encore !) un csc d’’António. Le lendemain, dans Record: "Le Gil Vicente devrait commencer à penser à recourir à un parapsychologue pour renforcer son staff et exorciser son manque de chance."
Rien ne va plus à Barcelos. L’élimination en Coupe du Portugal face à Odivelas – qui évolue au troisième échelon – ne fait que le confirmer. Mais cette fois, plus personne pour confirmer Campos à son poste. Luís est viré. A coup de hache. L’homme "avec un grand H", la tête de gondole "du projet pour le futur Gil Vicente", saute après sept journées. Comme un air de déjà-vu… Ce coup-ci, ils n’ont même pas attendu Noël pour l’envoyer sur la bûche.
"Les résultats n’étaient pas là et Luís Campos a eu la dignité de demander sa démission. C’est dommage parce que le professeur Luís Campos est un bon technicien qui n’a pas eu de chance", tente de justifier Fiúza. Quelques jours plus tard, lors d’une assemblée générale, les sócios gilistas demandent des explications à leurs décideurs. Ulisses Morais qui prend place sur le banc aura plus de réussite. Il maintiendra le club en Liga. Au même moment, Luís Campos s’est embarqué dans une nouvelle galère. En bord de mer…
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