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Pogba doit-il rester à Manchester United ? Le Barça, est-ce vraiment une bonne idée ?

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Annoncé comme le taulier d’un Manchester United en reconquête, Paul Pogba semble très courtisé par le Barça, qui s’est pourtant déjà bien renforcé dans ce secteur de jeu. Quel serait le meilleur choix pour le Français, champion du monde ?

Il doit être agacé par la situation, lui le discret, qui préfère ses notes et ses plans de jeu aux questions incessantes sur un sujet sur lequel il n’a finalement que peu d’emprise. Ernesto Valverde n’est pas à la manœuvre sur le dossier Paul Pogba et ne s’attarde guère dessus en conférence de presse. Le manager espagnol s’était contenté d’un "Il y a toujours beaucoup de noms qui circulent, ce sont des grands joueurs mais on respecte leurs clubs", samedi. Depuis, la rumeur d’une possible arrivée du Français au Barça a encore pris de l’ampleur.

Est-ce une pure manœuvre de l’agent du milieu de terrain, l’influent Mino Raiola, ou une tentative catalane de faire un coup, tandis que son rival madrilène n’a pas encore véritablement sorti le chéquier? Difficile de trancher. Mais quel est l’intérêt du joueur lui-même? N’est-ce pas un pari trop risqué de choisir un aussi gros transfert incluant un changement de championnat, alors que la reprise de la saison est imminente?

"Je pouvais très bien aussi aller au Real Madrid ou à Barcelone, qui étaient intéressés"

Le Mondial remporté par les Bleus a donné à Paul Pogba une aura toute autre: son étiquette de leader de vestiaire, son acceptation d’un rôle moins flamboyant et plus défensif pratiqué avec discipline et sérieux, son profil, ont refait de lui ce joueur attractif qu’il était un peu moins. Car la saison (et plus globalement son retour) à Manchester United fut loin d’être un long fleuve tranquille, entre blessures, passages sur le banc, embrouilles diverses avec un José Mourinho dont l’étoile s’est ternie en Angleterre…

Il est pourtant attendu comme le taulier des Red Devils cette saison, sur la lancée de la fin de sa saison dernière et de la Coupe du monde, avec un vrai rôle de capitaine dans l’attitude et de récupérateur à forte projection sur le terrain. Cinq buts et quatre passes décisives en 30 matchs de Premier League lors de sa première saison, six buts et dix caviars en 27 matchs en 2017-2018 : les chiffres s’améliorent mais dénotent d’une progression en cours, pas achevée. Sauf que les rumeurs de son départ pour le Barça se font de plus en plus insistantes… Ironique, quand on se souvient de ses propos il y a un an et demi. "Je pouvais très bien aussi aller au Real Madrid ou à Barcelone, qui étaient intéressés. J’ai choisi de revenir ici parce que je l’avais dans le cœur, assurait-il en janvier 2017 sur les antennes de RMC Sport. J’ai envie de gagner avec Manchester United, je n’ai jamais gagné avec eux."

Son palmarès mancunien? Un échec relatif

Il a gagné… une Ligue Europa et une League Cup. Modeste pour un mastodonte comme Manchester United, surtout quand ses rivaux – Manchester City et Liverpool – battent record sur record en Premier League ou se hissent en finale de la Ligue des champions. Après son départ houleux du club pour la Juve en 2012 sur fond de brouille avec Alex Ferguson et sans avoir signé de contrat professionnel à la sortie de sa formation, Paul Pogba bouclerait donc la boucle… sans avoir atteint son objectif. Les partisans du verre à moitié vide diront que son retour et ses deux saisons en Premier League furent un échec.

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- © AFP

Partir est un risque. Un énorme risque même pour Paul Pogba. Surtout à ce moment du mercato. On ne parle pas d’un départ très préparé, anticipé, comme l’aurait été celui d’Antoine Griezmann s’il avait opté pour ce même Barça juste avant la Coupe du monde. En ce début août, quand la plupart des joueurs ont repris, le Français fait partie de ce lot de joueurs qui doivent encore retrouver le chemin de l’entraînement collectif. En Catalogne, les derniers joueurs attendus arrivent ce lundi.

Accepter d’être dans l’ombre

Nouveau club, nouveaux coéquipiers, nouveau championnat… De gros défis pour un joueur qui, cette fois, n’arriverait pas comme la star absolue. En 2016, au moment de sa signature à Manchester United, Paul Pogba devenait le joueur le plus cher du monde, le deuxième seulement à franchir la barre des trois chiffres après Gareth Bale. En cas de transfert, il rejoindrait inévitablement, peu importe ses performances derrière, l’ombre de Lionel Messi.

En a-t-il besoin? S’il a toujours semblé assumer et apprécier la lumière et le statut de star, Paul Pogba a performé durant le Mondial dans un rôle moins en strass et paillettes qu’en mailloche, associé à un N’Golo Kanté qui a fait de l’ombre son habitat naturel. Et s’il s’est longtemps rêvé numéro 10, le Français a peut-être compris qu’il n’avait pas l’étoffe (du moins pas encore) d’un véritable chef d’orchestre, poste entièrement dévolu à Lionel Messi au Barça.

Le Barça a déjà beaucoup d’options au milieu

Autre risque, conjoint au Barça: la concurrence. L’an dernier, le champion d’Espagne était peu en mesure d’instaurer un turn-over, contraint par un banc famélique d’aligner un onze de départ assez constant. Sauf que ce manque, le club catalan l’a comblé. La situation était critique au milieu de terrain, avec le départ d’Andrés Iniesta. Les arrivées d’Arthur et Arturo Vidal, couplées à la première saison complète d’un Philippe Coutinho recruté pour remplacer Iniesta ont offert subitement à Ernesto Valverde une avalanche de possibilités dans ce secteur: Busquets, Vidal, Rakitic, Arthur, Coutinho, le jeune Riqui Puig ou Sergi Roberto devraient ainsi se disputer les places derrières le duo Messi-Suarez. Costaud et varié.

Un pied de nez au Real?

Quel intérêt pour le Barça de recruter Paul Pogba? Le prix (120 millions?) ne paraît même plus exorbitant compte tenu de l’explosion des tarifs. Et le champion d’Espagne gagnerait là encore un peu plus en prestige, en aura médiatique. Il s’offrirait aussi les services d’un prétendant au Ballon d’or à moyen terme, au potentiel indéniable… et qui était sur les tablettes du Real Madrid ces deux dernières saisons. Un Real qui a connu une saison très étrange l’an dernier – avec ce troisième sacre d’affilée en Ligue des champions mais des prestations à oublier en Liga – et qui s’est plus déplumé que renforcé depuis l’ouverture du mercato avec le départ de Cristiano Ronaldo et la situation délicate de Luka Modric. Envoyer un signal au Real est toujours un plaisir pour le Barça.

Paul Pogba peut-il réussir au Barça? La question n’est pas tellement là. Si sur le papier son jeu semble plus anglais qu’espagnol dans ses capacités dans les duels et son jeu long, le milieu de terrain français a le talent pour s’adapter. Mais pas sûr que le moment soit propice. Tandis que le club catalan s’est largement renforcé dans ce secteur, le joueur de 25 ans se voit enfin proposer le statut de taulier à Manchester United. Et le deuxième de Premier League la saison dernière en a bien besoin, compte tenu de son mercato très discret et du siège éjectable sur lequel s’installe peu à peu José Mourinho (favori des bookmakers pour être le premier coach limogé cette saison).

"Paul remerciera Mourinho"

"Il doit gagner en régularité, estimait Paul Scholes sur BeIn Sports fin juillet. C'est le genre de joueur qui est bon tous les trois ou quatre matchs. Mais si vous voulez gagner le championnat, ce n'est pas suffisant, tout simplement." En avril dernier, Luis Campos estimait que Paul Pogba devait apprendre à accepter les consignes de José Mourinho, en oubliant les tensions. "Cela va faire du bien à Paul, mais aussi à la France, estimait l’ancien scout du Real dans Transversales sur les antennes de RMC Sport avant le Mondial. Parce que le niveau de jeu de Paul a baissé et il (Mourinho) a fait sonner l’alarme. Je suis sûr qu’un jour, Paul remerciera José." Changer de club et de pays ne garantit surtout pas une telle régularité. Sans parler de s’installer dans du coton, il faut parfois savoir fouler le sentier battu pour arriver au sommet. Moins excitant mais moins risqué.

A.Bouchery