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Elle est le nouveau visage de la gymnastique: qui est Kaylia Nemour, la pépite de l'Algérie attendue aux Mondiaux

Kaylia Nemour lors des JO de Paris 2024.

Kaylia Nemour lors des JO de Paris 2024. - Iconsport

Championne olympique aux barres asymétriques à Paris l’année dernière, Kaylia Nemour sera la tête d’affiche des Mondiaux de gymnastique artistique, qui se sont ouverts dimanche à Jakarta (Indonésie). Née et formée en France, la gymnaste de 18 ans a décidé de représenter l’Algérie après un conflit de longue date entre son ancien club d’Avoine-Beaumont et la Fédération française de gym.

En l’absence de Simone Biles et Rebeca Andrade, elle sera la star des Mondiaux de gymnastique artistique, qui ont débuté ce dimanche à Jakarta (Indonésie). Kaylia Nemour, inoubliable championne olympique aux barres asymétriques à Paris 2024, part grande favorite vendredi pour le titre mondial de cet agrès pour sa deuxième participation à la compétition chez les seniors. Mais l'Algérienne peut également viser une médaille, voire le titre, au concours général jeudi. A Paris l'an dernier, la gymnaste de 18 ans avait pris la cinquième place de l'épreuve. Or, les quatre premières du concours olympique (Biles, Andrade, Sunisa Lee et Alice D'Amato) font l'impasse sur la compétition indonésienne, offrant à Nemour une occasion rêvée d’étoffer son palmarès mais surtout de continuer à marquer les esprits.

Après une rentrée réussie aux Internationaux de France mi-septembre, où elle a remporté la médaille d’or aux barres asymétriques, l'Algérienne a néanmoins préféré faire preuve de prudence. "Je vais juste faire le maximum", a-t-elle annoncé. "Je veux juste faire les routines que je sais faire et me faire plaisir. Donner le meilleur de moi-même et après si je fais un très bon exercice, le résultat suivra."

Kaylia Nemours lors des Internationaux de Paris en septembre 2025.
Kaylia Nemours lors des Internationaux de Paris en septembre 2025. © Iconsport

Des relations brisées avec la Fédération française de gym

Pourtant, son sacre aux Jeux olympiques l’a fait entrer dans une nouvelle dimension, non seulement au sein de sa discipline, mais surtout en Algérie, le pays qu’elle a choisi de représenter en 2023 après un conflit entre son ancien club et la Fédération Française de gym. En 2021, alors que Kaylia Nemour n’a que 14 ans et vient d’être fraîchement sacrée championne de France aux barres asymétriques, elle subit une opération des deux genoux pour traiter une ostéochondrite sévère, qui entraînera huit mois de rééducation mais surtout un énorme imbroglio. Autorisée à reprendre la gym par son chirurgien, Nemour doit essuyer le refus du médecin de la FFGym en mars 2022. La gymnaste ayant la double nationalité franco-algérienne, elle entame finalement les démarches pour rejoindre la Fédération algérienne de gymnastique et obtient son changement de nationalité en juillet 2022. Sauf que rien n’est simple dans ce dossier: la FFGym émet son véto et la jeune gymnaste doit respecter une année de carence avant de pouvoir officiellement représenter l’Algérie. Après de nombreuses mobilisations de son club de l’époque, l’Avoine-Beaumont Gymnastique, de sa famille et de l’ancienne ministre des Sports Amélie, Oudéa-Castéra, Kaylia Nemour évolue donc sous les couleurs algériennes depuis juin 2023.

Toute cette affaire ne l’a pourtant pas perturbée sur le plan sportif, puisque la collection de médailles d’or s’enrichit au niveau national, continental et international. Pour sa première participation aux Mondiaux seniors à Anvers en 2023, elle remporte l’argent aux barres asymétriques, quelques semaines après avoir présenté un élément inédit qui porte désormais son nom.

Devenue une icône en Algérie

S’en suit une série de premières pour Kaylia Nemour: première Africaine sur un podium aux Mondiaux, première Africaine médaillée en gym aux JO, la jeune femme de 18 ans est devenue une source d’inspiration. "Depuis les JO, la gymnastique s’est beaucoup développée en Algérie. Il y a eu énormément d’inscriptions et rien que pour ça, je suis très fière. J’ai un soutien extraordinaire du peuple algérien", explique-t-elle auprès du site Olympics.com.

Auréolée de cinq victoires en 2025 (or à la poutre et aux barres asymétriques lors des World Cup Series au Caire et au World Challenge Cup Series à Tashkent et titrée aux barres asymétriques aux Internationaux de France), Kaylia Nemour a choisi délibérément d’avoir un calendrier chargé, alors que d’autres stars font le choix de couper après les JO. Une volonté pour elle, mais surtout un besoin. "Je n'avais pas envie de faire une pause. Prendre des vacances un ou deux mois, il n'y a pas de souci mais un ou deux ans... Soit je ne fais pas de pause, soit j'arrête. Déjà pour moi, ce serait extrêmement dur de revenir. Je ne trouve pas que ça m'aurait servi d'arrêter un ou deux ans. Soit j'arrête, soit je continue et j'ai décidé de continuer", a-t-elle confié quelques jours avant le début de la compétition.

Et d’ajouter: "C'est les Championnats du monde post-JO. Il n'y a pas beaucoup d'athlètes olympiques à Jakarta car l'année post-olympique est très difficile. Rien que pour ça, je suis extrêmement heureuse d'être ici. Je veux juste donner le meilleur de moi et montrer de la belle gym et montrer que je suis là, que je prends du plaisir."

Sortie médiatique fracassante et mise au point

Motivée par deux piliers pour sa progression, "le travail et l’envie", Kaylia Nemour vient surtout de clore un chapitre qui a duré presque toute sa vie. Née à Saint-Benoît-la-Forêt (Indre-et-Loire), détectée et formée au club d'Avoine-Beaumont, dont sa maman Stéphanie a été présidente, elle a fait le choix de quitter le club en mai dernier, quelques mois après son titre olympique. Critiquée pour cette décision, elle a sèchement répondu pour dénoncer des "rumeurs et des mensonges". "Dans mon esprit, les choses étaient claires: j’avais dit au revoir et merci. Seulement, tout le monde m’a tourné le dos, on attaque ma maman. J’ai besoin d’évacuer ce que j’ai en moi pour rétablir ma vérité et me concentrer sur mes prochains objectifs. Et qu’on laisse ma maman tranquille", expliquait-elle en juillet dernier auprès de L’Equipe et Spot Gym.

J’ai vécu des humiliations, comme de devoir faire le tour de la salle pour m’excuser d’avoir raté un élément auprès de chacun des entraîneurs présents

Elle ne cautionne plus les méthodes de ses entraîneurs de toujours, Marc et Gina Chirilcenco, qui l’ont menée au titre à Paris. "On était tellement tous sous emprise… Les filles, les parents. Quand tu es là-bas, tu ne sais pas, tu ne vois pas… Et comme on n’a vécu que ça, toute notre vie, ça nous semble normal. J’ai vu, ailleurs, des gymnastes rigoler avec leurs entraîneurs, sans que ça les empêche de performer. Je n’oublierai jamais d’où je viens, ni ce que j’ai vécu. Je ne renie rien mais je ne veux plus cautionner certaines méthodes."

Désormais entraînée par Nadia Massé, qui fut sa chorégraphe à Avoine-Beaumont, Kaylia Nemour entame une nouvelle partie de sa carrière qui la mènera jusqu’au Jeux olympiques 2028 de Los Angeles. Alors que le programme est déjà établie jusqu’aux Etats-Unis, la gymnaste veut franchir une étape supplémentaire en Indonésie. "Pour Kaylia, s'aligner sur les quatre agrès (poutre, saut de cheval, sol et barres asymétriques) lui tient à cœur. Elle est déterminée et veut qu'on la voit comme une gymnaste complète. Pas seulement comme une barriste", assure Nadia Massé auprès de L’Equipe. La championne olympique est attendue ce lundi (12h, heure française) pour le début des qualifications.

Analie Simon Journaliste RMC Sport