JO 2021 (gym): Aït Saïd a fini quatrième malgré une "rupture partielle du biceps"

C’est l’histoire d’un rendez-vous manqué avec les Jeux. Il y a eu la blessure avant l’édition 2012, qui l’avait privé du voyage à Londres, et celle horrible pendant les qualifications à Rio en 2016. Il y aura désormais la blessure… avant la finale de l’édition 2020 disputée en 2021. Troisième des qualifs avec 15.066, Samir Aït Saïd visait une médaille olympique aux anneaux à Tokyo, celle promise à son père décédé d’un cancer début 2019. Avec un score de 14.900 en finale, le porte-drapeau de la délégation tricolore lors de la cérémonie d’ouverture – avec Clarisse Agbégnénou – a échoué juste avant son objectif, quatrième, pas la dernière place mais sans doute la pire pour la frustration, derrière les Chinois Yang Liu (15.500) et Hao You (15.300) et le Grec Eleftherios Patrounias (15.200).
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Mais il a une explication. Pas une excuse, ce n’est pas le genre de la maison, mais un élément essentiel pour comprendre. "Je suis surtout triste, a confié le gymnaste français dans l’After Tokyo sur RMC. Il n’y a que ça en tête. Parce que voilà… Je me fais une rupture partielle du biceps il y a trois jours. Je me suis mis en repos pour avoir le moins mal possible aujourd’hui mais je me suis rendu compte que la douleur était bel et bien présente. On m’a demandé si je voulais déclarer forfait. J’ai refusé. Je ne me suis pas échauffé et j’ai voulu faire ma compétition directement car j’avais peur que ça pète à l’échauffement."
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On était sur une déception. Mais on remplace vite le terme par miracle. Samir Aït Saïd n’a pas juste terminé quatrième des Jeux. Il a terminé quatrième des Jeux avec une rupture partielle du biceps. Aux anneaux, discipline si exigeante pour les bras. "Je ne sais vraiment pas comment j’ai fait, honnêtement, constate-t-il. Et à l’instant T, je ne pourrais pas le refaire. Mais je n’avais pas le droit d’abandonner. Je voulais absolument cette médaille olympique. J’étais troisième des qualifs avec une erreur, donc je savais que j’avais de la marge. Mais là, j’ai dû faire un mouvement à 50% de mes capacités et surtout avec une douleur du début jusqu’à la fin. Ça a été le mouvement le plus long de toute ma carrière, très, très douloureux. Je ne pense pas que j’aurais pu gagner, sincèrement, mais deuxième ou troisième, oui. Pour la première place, il a vraiment tapé fort avec son 15.5 mais par contre, le 15,3 du deuxième était plus qu’abordable."
"Rendez-vous à Paris"
S’il n’a pas cherché à cacher son état à ses concurrents, qui ont vite compris en le voyant zapper l’échauffement et parler avec son kiné, l’idée d’un forfait ne l’a jamais effleuré. Tout comme il refuse de voir sa quatrième place comme une victoire sur le sort malgré les conditions. "Non, non et non. C’est clair et net. Ma revanche, ce sera quand je serai champion olympique. Là, je n’ai rien fait d’extraordinaire. J’ai fait ma finale et je finis avec une médaille en chocolat. J’ai envie de dire que c’est de bon augure pour Paris, car c’est dans trois ans maintenant. J’ai prouvé que j’avais le niveau mondial et olympique car j’étais troisième aux qualifications mais malheureusement, je n’ai pas pu m’exprimer, j’ai juste fait de mon mieux avec cette blessure. Mais c’est clair et net: je vous donne rendez-vous à Paris."
Aït Saïd aurait le droit à un ras-le-bol. A se retourner sur toutes ses galères et se voir comme un malchanceux qui ne fera jamais tourner le mauvais sort qui s’acharne. C’est mal le connaître… "Ça ne sert à rien de pleurer sur son sort. Je sais ce que je veux, je suis formaté pour aller chercher cette médaille. Je vous avais donné ma parole que j’irais me qualifier pour Tokyo. Je n’ai pas parlé dans le vent, j’y suis allé, j’ai réussi à me qualifier pour la finale. Maintenant, si je vous dis que je vous donne rendez-vous à Paris, croyez-moi. C’est exactement la même parole que je vous avais donné sur mon lit d’hôpital après Rio pour vous donner rendez-vous à Tokyo."
Samir aura trente-quatre ans lors des Jeux de Paris. Sa fille Mia, née au printemps et pas encore assez consciente pour comprendre, pourra alors voir son père en tribunes. "Je compte bien emmener ma fille à Paris et j’espère qu’elle partagera cette médaille d’or avec son papa. C’est vraiment un rêve que je souhaite exaucer et je vais me donner à 300% comme je l’ai fait sur cette préparation pour ramener la médaille et surtout gagner à la maison." Il va d’abord devoir couper et remettre à neuf son outil de travail. "Dès que je suis arrivé au village, on a fait une échographie et le verdict est tombé: il y a bien une rupture partielle du biceps. Il faut donc souffler, s’arrêter, se reposer et écouter son corps."
Il sera ensuite temps de se tourner vers 2024, où le garçon compte déjà faire évoluer son mouvement aux anneaux pour atteindre son Graal. "C’est ce qui va se passer, confirme-t-il. Sur ces Jeux de Tokyo, j’ai pris un risque en inventant une figure. Dans la vie, il faut savoir prendre des risques. A Paris, je souhaite finir en apothéose avec une grosse, grosse note de départ. Il faut tout faire pour être champion olympique et ça passe par beaucoup de travail." Il pourra compter sur le soutien d’un peuple français touché par son histoire et sa façon de traverser les obstacles sans baisser la tête.
"Ça va finir par sourire"
"Abandonner n’est pas dans mon vocabulaire. Quoi qu’il se passe, je ne lâcherai pas. C’est un trait de caractère que j’ai. Il y a effectivement eu énormément de coups du sort avec la perte de mon papa, l’accident de ma mère, le décès de ma grand-mère récemment, cette blessure qui m’empêche d’être à 100%. Au bout d’un moment, la roue va tourner. Là, ce n’est même pas 'après la pluie, le beau temps', c’est 'après l’orage, le beau temps'. Ce n’est même plus de la pluie. Mais ça va finir par sourire, je le sais." L’expression modifiée rappelle mot pour mot une discussion avec sa compagne Sandy dans le podcast Tout part de là de RMC Sport.
Encore une fois, le sort n’a pas épargné Samir Aït Saïd. Mais il a été éduqué pour passer outre et voir le verre à moitié plein. "Mon père et ma mère m’ont toujours appris qu’il fallait se battre quand on voulait quelque chose dans la vie, que rien n’arrivait en claquant des doigts. Il faut travailler dur, parfois plus dur que certains, pour y arriver. Ce serait trop beau et trop facile de claquer des doigts et d’être champion olympique." Il va se relever, comme toujours, et l’histoire sera encore plus belle s’il monte sur la plus haute marche du podium à Paris. Où celui qui se dit "reconnaissant de la chance de vivre les Jeux" malgré la déception ferait un beau porte-drapeau de cérémonie de clôture, médaille olympique autour du cou.