Léon Marchand, un retour en France discret mais victorieux

A 8 heures, dans la grisaille du petit matin de Montauban, Léon Marchand est descendu du car transportant les Dauphins du TOEC, capuche sur la tête, au milieu de ses coéquipiers. Un murmure parcourt le groupe de nageurs et nageuses d’autres clubs d’Occitanie, qui attendaient de pouvoir entrer dans le centre aquatique Ingréo, mais pas de clameur pour accueillir le héros tricolore de Paris 2024. Puis le nageur en or est allé s’asseoir en tribune, au milieu des siens, avant de sortir dans le bassin nordique à l’extérieur pour son échauffement. Le Toulousain dispute sa première compétition dans l’hexagone depuis les Jeux olympiques sans public, il n’y a dans la piscine que les 500 participants aux Interclubs et les officiels.
"Être un nageur lambda, c’est ce qu’il veut, que son club soit mis en avant et pas seulement lui. C’est ce qui fait son charisme, il ne veut pas du statut de star. Et l’organisation a fait passer le message pour qu’il soit un peu tranquille, un nageur comme tout le monde, avec ses copains pour la journée", explique Michel Coloma, le directeur général des Dauphins du TOEC.
"C’est la première fois que je le vois de près"
Derrière le grillage qui entoure le bassin extérieur où Léon Marchand s’échauffe, Tom donne de la voix, et fait bien: les organisateurs le laissent exceptionnellement entrer pour échanger quelques mots au bord de l’eau, avec son idôle. "C’est la première fois que je le vois de près, je lui ai dit bonjour, lui ai tapé dans la main", raconte le garçon de 6 ans, reparti comblé pour la journée. Michel Coloma, qui fait office de chaperon de Léon Marchand pour la journée, laisse au compte-goutte quelques jeunes prendre une photo avec la star française de la natation au fil de la journée et des aller-retours du nageur vers le bassin extérieur. Pour prévenir tout attroupement devant le centre aquatique, une voiture de police stationne toute la matinée, puis à la fin de la journée. Des agents de sécurité contrôlent les accès aux entrées. Une organisation préparée depuis un mois par le club local et la Ligue de natation d’Occitanie. Léon Marchand n’avait plus disputé de compétition en équipe depuis 3 ans avec les Dauphins du TOEC, le club où il a gardé une licence malgré son exil américain.
Après une tournée en Asie dans le cadre de la Coupe du Monde, qu’il a remporté en établissant au passage un nouveau record du monde, le quadruple champion olympique est revenu en début de semaine à Toulouse. Lors de cette journée d’interclubs, il s’aligne sur quatre courses, dont trois relais. Deuxième des relayeurs du TOEC sur le 10x50 mètres nage libre, Léon Marchand au milieu du vacarme, un nageur comme les autres, chaque club occitan dans les tribunes soutenant ses propres représentants. Seule sa vitesse le différencie et permet aux Dauphins du TOEC de remporter cette série.
Sur sa seule compétition en individuel en revanche, le 200 mètres brasse en fin de matinée, le Toulousain a été annoncé par le speaker de la piscine avec une acclamation, et les premiers (et les seuls) "Léon, Léon" de la journée. Marchand nage notamment aux côtés de Joan Massot, les deux ont le même âge et se tiraient la bourre il y a à peine une décennie. "Vers 13 ans, j’étais devant lui… Au fil des ans, on était devenus les deux rivaux au niveau régional, c’était marrant", se rappelle le nageur du club de Montpellier. "C’est monstrueux ce que fait Léon. Il a la meilleure coulée du monde alors on le voit surtout sous l’eau. J’ai pas trop pris sa vague parce que dès le premier 25m, il avait fait un seul coup de bras mais était déjà 5 mètres devant... Je suis honoré de retrouver Léon, on est amis, c’est un super mec, humble, quelqu’un de simple." Joan Massot a fini 2ème de sa série du 200m brasse, à 11 secondes de Léon Marchand.
Dans l’après-midi, Léon Marchand plonge pour le relais du 4x200 mètres nage libre. Il s’élance en 2e position, mais son temps n’a rien de comparable aux autres: 10 secondes de mieux sur 200 mètres que son concurrent du Canet-en-Roussillon, pour offrir la victoire aux Dauphins du TOEC. Matéo, était lui aussi dans la piscine sur ce relais, pour son club de Nîmes, et n’en revient pas: "C’est énorme et c’est bizarre de voir Léon Marchand dans des interclubs qui restent une "petite" compétition, alors que normalement il est aux Etats-Unis, ou sur des compétitions mondiales. C’est cool de pouvoir nager avec quelqu’un d’aussi fort. On peut prendre exemple, en voyant ce que ça fait d’être dans son rétro", estime le nageur de 16 ans.
Enfin, Léon Marchand a pris part à la dernière compétition de la journée, le 4x100m 4 nages, où en deuxième relayeur sur la brasse, il a permis aux Dauphins du TOEC de creuser l’écart et de remporter également cette série. Le club remporte du même coup le classement général chez les hommes de ces Interclubs Occitanie. Le nageur star de Toulouse a fui les micros toute la journée, en revanche il se prête à un petit bain de foule à la sortie de la piscine, à la nuit tombée, pour distribuer selfies et autographes sur des bonnets de bain le plus souvent aux jeunes nageurs et nageuses des autres clubs de la région. Sa seule réponse au micro: "C’était cool, en plus on a gagné." Il était venu pour faire briller les Dauphins du TOEC, mission accomplie. Prochaine échéance pour lui dans un mois, avec les championnats du monde petit bassin à Budapest.