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Mondiaux de natation: la "Team phénix" renaît de ses cendres à Budapest

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Avec huit médailles dont deux titres mondiaux décrochés par le nouveau phénomène Léon Marchand, la natation française a effectué à Budapest un sacré virage en direction des JO de Paris dans deux ans. Et les espoirs nés à Tokyo malgré l’unique médaille de Florent Manaudou se sont confirmés dans le bassin hongrois. L’arrivée de Jacco Verhaeren à la tête de l’équipe de France après le Japon a aussi accéléré les choses. La génération 2024 a pris les commandes et doit encore confirmer son potentiel pour briller dans deux ans sur ses JO à Paris.

"Il faut rester calme, très très calmes…" Denis Auguin joint le fond à la forme. La voix posée, l’ancien entraîneur d’Alain Bernard et chef d’équipe ici lors des Mondiaux de Budapest ne s’enflamme pas. "Pas d’euphorie, on est juste contents d’avoir franchi un cap", emboite le directeur technique national Julien Issoulié. Avec huit médailles dont deux titres, la semaine hongroise de l’équipe de France est allée au-delà des attentes. "Il faut relativiser le niveau de ces Mondiaux, tente de nuancer Auguin. Il n’y a pas les russes (exclus des compétitions internationales en raison de l’invasion de l’Ukraine), il y a des tops nageurs qui ne sont pas là. Donc il faut en être conscients."

19 finales pour la France

Mais les faits sont là, les Bleus ont participé à 19 finales dans ces Mondiaux, record de Shanghai en 2011 égalé, et décroché donc huit médailles ce qui n’était plus arrivé depuis 2013… La fin de l’âge d’or de la natation française. "On est focus sur nous-même, assure Denis Auguin. Ce qui est important c’est qu’on a des nageurs qui nagent vite au bon moment, qui progressent à la fois sur les chronos, sur les attitudes du haut niveau. On a une équipe qui se construit et finalement le bilan de médailles n’est pas très important. Ce bilan des médailles on le fera à Paris. Ce qui est important c’est de construire cette possibilité d’être performant à Paris et c’est ce qu’on a fait ici."

Pour la blague après le sacre de Léon Marchand, Marie Wattel qui le lendemain est allée décrocher l’argent sur le 100m papillon avait lancé à ses coéquipiers : "ça y est l’équipe renait de ses cendres, on est la « Team phénix » ! Mais franchement ce n’est pas tant une blague que ça. C’est une nouvelle équipe, on est pleins d’ambitions, on est motivés et il y a une belle osmose, ça se ressent. Je suis sûr que ça va avoir un impact positif." Sentiment partagé par le capitaine des Bleus, Florent Manaudou, malheureux en individuel où il n’est pas monté sur le podium du 50m pour la première fois de sa carrière sur une compétition internationale, mais comblé d’un point de vue collectif.

Le rôle très important de Verhaeren

"J’ai senti que c’était très puissant et qu’on était en train de recréer quelque chose que l’on n’avait pas connu depuis 2013-2014. On a beaucoup d’individualités qui sont forte dans l’eau et hors de l’eau." Et le champion olympique de rappeler une nouvelle fois un moment fondateur de ce nouvel état d’esprit. Une journée de regroupement à l’issue des championnats de France à Limoges. A la base il y allait à reculons et voyait ça comme un jour de repos en moins. Il a changé d’avis. "On a pu discuter pendant cinq heures entre nageurs, faire connaissance. Ca a créé vraiment un collectif, et créer ça dans un sport individuel ça aide énormément. Je trouve que tout vient de l’énergie et il y a une fraicheur et quelque chose qui se construit bien pour Paris."

Une réunion née dans la tête du nouveau patron de l’équipe de France, le Néerlandais Jacco Verhaeren, ancien coach de la légende Pieter van den Hoogenband et qui a redressé la natation australienne avant de venir se pencher sur le cas français à l’issue des Jeux de Tokyo. "Le secret c’est qu’il n’y a pas de secret, assure Verhaeren. Ces choses ne se sont pas faites sur les derniers mois. Il faut vraiment en donner le crédit aux gens avant moi comme le DTN Julien Issoulié ou Richard Martinez qui ont posé les bonnes fondations pour que l’on puisse construire. Depuis quelques semaines l’équipe au sens large, athlètes et staff, fonctionne bien. Il y a un bon collectif avec des grands talents et ça produit des résultats. On a apporté un peu de fraicheur, de renouveau. On n’est pas contraint par l’histoire. On respecte beaucoup la culture. Je pense que l’on peut apporter un éclairage nouveau et aussi montrer que même pour la France c’est possible d’être compétitif à un très bon niveau. Et ça a fait du bien."

"On a gagné du temps"

"Il a un côté pragmatique qui pour nous est parfois surnaturel… se marre Denis Auguin. Il a une faculté à mettre zéro affect dans les décisions. C’est oui ou c’est non et terminé. Je pense qu’on a gagné du temps. Par exemple si ça avait été moi à sa place ça aurait été plus compliqué c’est une évidence ! Sa neutralité fait que les gens n’ont pas de prise sur lui. Comme il est très pragmatique, que les décisions ne le touchent pas, les gens n’ont pas de prise sur lui. C’est une vrai stratégie, ce n’est pas qu’il n’a pas de cœur ou qu’il est insensible aux gens. Il sait très bien que si les gens n’ont pas de prise sur lui, toutes les décisions sont plus faciles à prendre. Ca nous aide oui, on fait des gros progrès (rire), nous qui sommes tous très affectifs dans l’équipe (rire)."

Les Bleus ont peut être posé à Budapest les fondations de Jeux à domiciles réussis. "L’idée c’est de se dire que finalement c’est possible de faire des très bons Jeux olympiques, note Denis Auguin. Notre but c’est d’arriver aux Jeux olympiques en ayant cette capacité à le faire. On avait un peu découpé comme un spectacle. Cette année ce sont les répétitions, l’année prochaine la générale, et après la première. On a découpé les trois saisons comme ça. On peut dire qu’on est un peu en avance en terme de médailles sur ce qu’on avait prévu, mais il faut rester très calme. Très très calmes." La "Team phénix" peut maintenant déployer ses ailes jusqu’en 2024.

Les championnats du monde de natation de Budapest en chiffres pour l’équipe de France :

- 2 titres
- 8 médailles
- 5 médaillés
- 1 record d’Europe
- 5 records de France (à chaque fois médaillé)
- 16 finales individuelles (10 finalistes) (record égalé)
- 19 finales en tout avec les relais
- 50% des finales se transforment donc en médailles
- 25 demies-finales
- 5 sur 8 médailles correspondent à un record personnel
- 13 records personnels sur 39 épreuves individuelles (33%)

Julien Richard