Mondiaux de natation: "Quand il sent les choses, il y va à fond", pourquoi Léon Marchand a allégé son programme

Il est arrivé samedi dans la salle de presse exiguë et bondée de la piscine de Singapour un gobelet de café à la main, détendu et souriant. Léon Marchand s'amuse quand le présentateur de la conférence de presse organisée par la fédération internationale demande aux journalistes du monde entier de faire une pause sur les questions pour lui et d'interroger les autres nageurs de classe mondiale présents à ses côtés.
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"C'est le meilleur moment de l'année donc oui je suis excité", lance le quadruple champion olympique, heureux de retrouver la compétition mondiale. "Là il y a un vrai enjeu. C'est une compétition qui dure une semaine. Et au final c'est ce qui se rapproche le plus des Jeux."
Dans la salle, le nouveau DTN de la natation française Denis Auguin, ancien entraîneur du champion olympique Alain Bernard, observe avec le sourire. "Je le trouve extrêmement serein, bien plus détendu que quand je suis allé le voir à Austin (en début d'année), je le trouve apaisé et en forme à l'entraînement."
"Il a déjà un petit peu son plan"
S'il assure qu'au fond de lui il "savait (qu'il) avait envie faire ces Mondiaux", Léon Marchand débarque à Singapour à l'issue d'une saison post-olympique forcément éprouvante après le tsunami de son été parisien. Une saison où il a affirmé et parfois dû imposer ses choix par nécessité et conviction. Pour retrouver, et garder la flamme.
En décembre dernier, "épuisé", il renonce aux championnats du monde en petit bassin. Puis il décide de partir trois mois s'entraîner en Australie en réussissant à convaincre Bob Bowman son entraîneur américain, chose que l'ancien mentor de Michael Phelps n'avait jamais accordée à la légende. En juin, il demande et obtient d'être exempté des championnats de France à Montpellier.
Qualifié sur quatre courses individuelles pour ces Mondiaux, Marchand a fait le choix d'alléger son programme pour se concentrer sur les deux épreuves de quatre nages: le 200m et le 400m. Et donc de laisser de côté le 200m brasse et le 200m papillon, épreuves sur lesquelles il avait également décroché l'or olympique à Paris.
"Je crois que c'est ce que j'avais prévu depuis le départ", avoue le Toulousain. "Je n'ai pas fait de 200m papillon par exemple cette année. J'ai fait un 200m brasse qui était pas mal, mais ce n'était pas vraiment ce qui me donnait envie. Je suis curieux de savoir ce que je peux faire sur le 200m 4n sans avoir des courses autour et avant. Je pensais que c'était un bon moment de réduire un peu mon programme après les Jeux, et de me relancer grâce à ça."
Et il ne faut pas le pousser longtemps pour qu'il détaille un peu plus cette curiosité. "Vous voulez que je le dise c'est ça? Oui, j'ai envie de battre le record du monde du 200m 4n." Il s'en était approché à six centièmes (1mn54s06 contre 1mn54s00c de l'Américain Ryan Lochte en 2011) aux Jeux 2024 de Paris alors que cette course clôturait son gargantuesque programme olympique individuel - c'était alors son onzième plongeon dans la piscine de Paris La Défense Arena.
"Ça l'amuse aussi de ne pas tout le temps faire la même chose", prolonge Auguin. "Et puis on le gère sur la durée. Quand je lui octroie par exemple de ne pas venir aux championnats de France (en juin à Montpellier), ce n'est pas une gestion à court terme pour ces championnats du monde. C'est comment faire en sorte qu'un nageur français redevienne pour une fois champion olympique." Chose que la natation française n'a jamais réussie dans son histoire.
À cette occasion, Denis Auguin a pu constater la force de persuasion du nageur. "Quand il a une idée en tête, il ne l'a pas ailleurs c'est sûr (rire). Mais je ne suis pas surpris, quand vous êtes quatre fois champion olympique c'est que vous avez un minimum de caractère."
Son entraîneur à Toulouse Nicolas Castel, qui s'occupe de lui sur ces Mondiaux prolonge: "Léon, c'est quelqu'un qu'il faut suivre, il a plein de choses en tête. Il a déjà un petit peu son plan. Un plan qu'il partage avec Bob (Bowman), moi et l'équipe de France bien entendu. Parfois, il peut paraître un petit peu difficile à suivre, mais c'est juste qu'il a toujours un temps d'avance sur les autres. Il a une forme d'intuition, de ressenti. Il laisse beaucoup de choses à son appréciation. Il sent les choses ou il ne les sent pas. Lorsqu'il ne les sent pas, il ne les fait pas. Et lorsqu'il sent les choses, il y va à fond. Il aime bien qu'on lui donne notre point de vue, mais après c'est quand même lui qui prend la décision."
Gérer l'après-JO
Un caractère forcément endurci après une vie bouleversée par ses résultats aux JO. "Je trouve qu'il n'a pas changé mais qu'il s'affirme un peu plus", détaille Auguin. "Il a une sorte de maturité et d'affirmation de ce qu'il a envie de faire qui est un peu plus forte qu'avant. Mais ce sont des choses qu'il avait en lui comme quand l'an dernier il arrive à convaincre Bob Bowman de faire le doublé 200m papillon-200m brasse le même jour aux JO. C'est parce que lui l'avait décidé. Et Bob ou pas Bob, c'est Léon qui a eu le dernier mot sur son programme".
Léon Marchand estime que depuis les Jeux à la maison, il "a appris à dire non. Je suis quelqu'un qui a beaucoup de mal à dire non. Après Paris, si je ne disais pas non, ça aurait été très compliqué. J'aurais été saturé. J'ai appris à m'affirmer, j'ai appris à m'écouter de plus en plus."
Pour continuer à regarder devant. "L'objectif à moyen terme ce sont les championnats d'Europe à Paris (en 2026)", se projette le quintuple champion du monde. "Ça me tient à cœur, ça va être un retour à Paris, je pense que ça va être sympa." Et même déjà de parler des JO de Los Angeles 2028. "C'est quelque chose que je vois de loin, je ne sais pas encore comment l'imaginer. Mais je vais dans cette direction. Je ne sais pas comment je vais y aller, mais je sais que je vais vers là."