RMC Sport

Natation: "Je ne veux pas juste être un nageur", assure Léon Marchand

placeholder video
A l'approche des championnats de France, la future star de la natation française, exilé volontaire en Arizona, s'est longuement livré.

Léon Marchand sera l'attraction des championnats de France qui débutent dimanche à Rennes. Le Toulousain va disputer sa première compétition sur le sol français depuis les sélections olympiques de 2021. Depuis son statut a changé avec ses deux titres mondiaux l'été dernier à Budapest sur 200 et 400m 4nages et une saison universitaire aux Etats Unis où il est resté invaincu et a enchainé les records. Léon Marchand est rentré en France il y un peu plus d'une semaine à l'issue d'un stage d'un mois en altitude dans le Colorado avec son groupe d'entraînement aux Etats Unis. Son entraîneur Bob Bowman sera présent à partir de lundi à Rennes. En attendant, Léon Marchand a retrouvé ses habitudes Toulousaines avant de prendre la direction ce vendredi de Rennes. Dans le bassin Castex au pied du Stadium de Toulouse, la piscine de des débuts, c'est Nicolas Castel son premier entraîneur (et qui l'encadre en équipe de France) qui supervisait les séances envoyées par Bowman. Un retour "en famille" dans son club des dauphins du TOEC et un premier avant-gout de ce qui l'attend l'an prochain à Paris avec les attentes qui grandissent autour du nouveau prodige de la natation française. A Rennes, Léon Marchand sera sur le pont tous les jours avec six courses (200m brasse, 200m papillon, 200m 4n, 400m 4n, 200m nl et 100m papillon) en six jours de compétition. Tous les regards braqués sur le nouveau phénomène de la natation française... Et mondiale!

Le retour en compétition en France, une première depuis 2021!
"La dernière compétition que j'ai faite en France c'était les sélections olympiques pour les JO de Tokyo. Je ne sais pas trop à quoi m'attendre, on verra bien. Je n'ai pas trop d'attentes au niveau des championnats de France. Ce sera cool de nager contre des nageurs français. Il y a notre équipe nationale qui commence à être assez solide avec pas mal de jeunes et je suis content de les revoir. Les championnats de France pour moi c'est un passage obligatoire mais ce n'est pas mon objectif final de l'année. Je me focalise plus sur les championnats du monde de juillet. Mais il faut passer par cette étape de rentrer en France, faire les championnats et se qualifier. Il faut quand même être en forme pour réaliser les temps demandés pour la qualification."


En confiance et en forme... Objectif : faire mieux que l'an dernier. 
"Je pense que j'ai progressé. L'objectif sur chaque course ce sera de faire mes meilleurs temps parce que je suis vraiment en forme. On rentre d'un mois dans le centre national d'entraînement olympique des Etats-Unis en altitude dans le Colorado. C'est un centre fermé avec des barrières on se sent un peu en prison (rire) et il ne se passe pas grand-chose autour... On est focus sur dormir, manger bien, et nager vite. Pendant un mois c'est un peu ennuyant à la fin mais pour nager bien il n'y a pas mieux je pense. Ce n'était pas facile parce que c'est une période où on travaille beaucoup. La première semaine on s'adapte à l'altitude et on enchaine avec deux semaines de grosses charges. J'ai très bien nagé là-bas dans toutes les nages, j'ai essayé de m'améliorer partout. Je me sens très confiant après ce stage. Je commence à ressentir les effets de l'altitude.

Aux mondiaux au Japon je vais essayer de faire mieux que l’année dernière. L’année dernière je n’avais pas trop d’expérience au niveau international chez les seniors. J’ai réussi à gagner deux courses c’était super, mais je pense que je peux faire mieux. J’ai trouvé pas mal d’erreurs par exemple sur mon 200m 4n que je peux améliorer. Je vais essayer de gagner encore et d’améliorer mes temps. J’ai envie de pousser un peu plus les limites de ce que j’ai fait l’année dernière. Améliorer mes temps et ma façon d’aborder les finales et les demi-finales. Je pense que je peux un peu mieux gérer la fin de semaine au niveau émotionnel et physique. Tout sera plus facile."

Le travail des détails... qui n'en sont pas!
"Je pense que j’ai amélioré ma nutrition, mon sommeil, mon hygiène de vie. Je fais un peu plus de musculation j’ai gagné en puissance et en vitesse. J'avais du mal à partir vite sur les débuts de course et je pense que j'ai amélioré ça. Ça permet de changer les stratégies de course et en général c'est comme ça qu'on progresse. Pour le sommeil, j'ai beaucoup edvoyages et d'avion avec des jet lag à gérer. J'ai fait appel à un docteur du sommeil aux Pays-Bas. Ça me permet de mieux gérer ces jetlag parce qu'il y a quand même 9h de décalage là par exemple et que je n'avais que 10 jours d'adaptation avant les championnats de France donc il fallait être bon sur ce domaine-là. J'ai aussi des espèces de lunettes avec de la lumière bleue pour le soir. Il y a plein de choses que j'améliore et ça me permet de mieux dormir. C'est hyper important pour moi."

Un physique qui a changé! 
"J'ai grandi depuis que je suis parti aux Etats Unis, je mesure maintenant 1m87 et je pèse 77kg à mon poids de forme. J’ai un peu pris du poids, la faute aux burgers (rire)! Aux Etats-Unis c’est une nourriture différente. J’ai fait des analyses ADN pour en savoir plus sur ma nutrition. Et puis je fais plus de musculation, j’ai plus de puissance. Et je commence à bien connaitre mon corps et sentir la différence quand je prends ou quand je perds un peu trop de poids. Je peux prendre 5kg en trois jours ou inversement. Je le sens très rapidement à l’entraînement par exemple en papillon. Ce n'est pas scientifique mais je le sens.

A près de 400 jours des JO de Paris, un premier test sur les attentes autour de lui
"J’ai de la chance d'être bien entouré. Mais parents m'aident beaucoup avec tous les mails et messages que je reçois. On essaye de dire non à tout le monde (rire). On est un peu difficiles, mais on essaye de réduire car quand je fais des interviews, ce sont des moments où je perds du temps, et où je ne suis pas vraiment dans l’eau et focus sur ma performance. Mais il faut en profiter parce qu'en natation on n'a pas trop de visibilité. Bon, en ce moment j'ai l'impression que ça va! Il faut en profiter, c’est du positif que les gens s'intéressent à moi. Et j'essaye de m'amuser à les faire aussi. Il faut juste faire attention à ne pas s'écarter du projet. Le fait d’être parti aux Etats-Unis ça me permet d’être vraiment dans mon projet, en plus de l’équilibre avec les études. Je ne m’en rends pas trop compte parce que là-bas ils sont tous champions du monde, surtout en natation. Je ne suis pas reconnu dans la rue, je fais mon truc je suis très discret et ça me va bien. Quand je suis rentré en France après les championnats du monde j’ai senti une petite différence, il y avait des gens qui me reconnaissaient etc. Mais bon je ne suis pas non plus un footballeur, je ne suis pas très populaire. Mais en tout cas à Toulouse les gens suivent un peu et j’en profite, ce n’est pas un problème pour moi à ce niveau-là en tout cas. On verra plus tard mais je me prépare tous jours pour que ça évolue, sans l’ignorer non plus car à Paris ça sera peut-être à une échelle un peu plus grande. Il faut s’habituer et travailler avec. Le fait que l’on ait les JO à la maison c’est pour ça que ça monte. Je pense que je le gère bien, mais il y a toujours à apprendre et essayer de gérer au mieux en vue de l’année prochaine. Et en même temps je sais qu’il ne faut pas que je m’échappe parce que je sais que ça va arriver… J’ai eu beaucoup, beaucoup de demandes de marques après les championnats du monde. On essaye de rester assez rares au niveau des partenariats, je n’ai pas envie d’être une pub ambulante. On fait attention, j’essaye de sélectionner les meilleurs mais pour l’instant je n’ai pas de partenaires. Ça arrive tout doucement avec des annonces dans les prochains jours."

Un record du monde dans le viseur?
"Les records du monde ça ne me fait pas vraiment rêver. Je trouve ça hyper excitant car c’est la personne qui nage le plus vite sur la planète donc c’est clair que c’est assez sympa à faire. Je n’en ai pas un en ligne de mire, je crois que je suis le plus proche sur le 400m 4n. Il y a cinq dixièmes environ. C’est plus une étape un record du monde, maintenant que je suis sur un niveau assez élevé il faut que j’arrive à passer ce cap."

Envie de nager les relais!
"Je pense que les relais ça fait la force d’une nation. Ça peut aussi lancer l’équipe dans une compétition comme les Jeux olympiques. On a toujours été un peu… Pas faibles, mais on ne se donnait peut-être pas totalement à fond dans les relais alors qu’en fait ça fait vraiment la force d’une équipe et on peut vraiment lancer une bonne dynamique. Cette année par exemple le relais 4x200m nl est assez solide. Il y a 4 ou 5 nageurs qui peuvent nager 1mn46s-47. J’aimerais bien en faire partie! Je me suis entraîné un peu au 200m nl, j’espère que je passerai en finale aux championnats de France pour me qualifier avec le relais ce serait sympa. Pareil au 4x100m 4n on a une bonne équipe. Je ne dis pas qu’on sera champions du monde cette année. Mais l’année prochaine on sera prêts, on essaye de le construire chaque année et chacun de notre côté on s’entraîne et on a un peu la même idée en tête. Je pense que ça peut le faire. Sur le relais 4n je me vois plus sur le papillon cette année. Je verrai parce que je commence à avoir pas mal de puissance en brasse donc je peux peut-être nager un bon 100m brasse. Mais honnêtement je n’en ai pas vraiment fait en compétition donc je ne peux pas vraiment savoir. Papillon ou brasse on verra bien."

La natation "7 jours sur 7 et 24h sur 24"... Mais pas à n'importe quel prix!

"Pour moi la natation c’est 7 jours sur 7 et 24h sur 24. C’est tout le temps. Tout ce que je fais dans la journée c’est pour nager vite et essayer de récupérer le maximum et essayer d’être meilleur le lendemain. A part quand je suis en cours de maths… Mais sinon je pense toujours à la performance, j’essaye de me coucher tôt, de bien manger. Le travail dans l’eau je crois que c’est 25h… Ou 29h. On a neuf entraînements dans la semaine et trois séances de musculation. Sinon le reste j’ai trois heures de cours par jour, deux heures de devoirs et le reste j’essaye de bien manger et de bien profiter de mes potes. On était 6 nageurs dans une maison et on a profité au max. J’ai déjà eu un petit souci mental en 2019. Je pense que j’ai appris pas mal de ce qu’il s’était passé et maintenant ça fait vraiment partie de la performance. C’est vraiment 50% de tout ce que je fais. On s’entraîne cinq heures par jour dans l’eau et au final, mentalement on ne s’entraîne pas vraiment. Je continue de m’améliorer sur le sujet. Ce qui est bien c’est que j’ai un équilibre. Michael Phelps (qui à la fin de sa première carrière a sombré dans la dépression et l'alcool) quand il nageait avec Bob il ne faisait que ça. Nager, dormir, récupérer tout le temps… Un peu ce qu’on a fait là pendant deux semaines dans le Colorado. Je pense que cette année j’avais un bon équilibre entre mes potes que je voyais tous les jours, les classes et l’entraînement. Donc c’est plus facile. Je n’ai pas envie d’être juste un nageur. J’ai envie d’être un humain avec un diplôme, avec des potes, avec une famille, que je puisse profiter tous les jours. Ce n’est pas facile parce qu’on s’entraîne tous les jours mais j’essaye d’avoir cet équilibre et de rester humble aussi."

par Julien Richard