Natation: "Je pense que je peux être meilleur", Léon Marchand ambitieux avant le début des Mondiaux de Fukuoka

Une équipe de télévision japonaise l'attend à l'aéroport de Tokyo. Les premiers pas de Léon Marchand sur le sol nippon ont donné le ton il y a deux semaines. Le Français est très attendu à Fukuoka, où débutent ce dimanche les championnats du monde de natation. Et son "Kamé Hamé Ha" façon Dragon Ball réalisé devant la caméra, tout sourire, préfigure ce qu'il attend pour ses deuxièmes Mondiaux. "Moins stressé et moins nerveux" que l'an dernier à Budapest, où il avait éclaté sur la scène internationale avec deux titres sur 200m quatre nages et 400m quatre nages, ainsi qu'une médaille d'argent sur le 200m papillon. Mais Marchand en veut plus. "Je peux faire mieux", assurait-il déjà il y a six semaines aux championnats de France, à Rennes.
Le Toulousain de 21 ans est engagé sur quatre épreuves individuelles à Fukuoka, avec un gros point d'interrogation sur le 200m brasse. Une distance sur laquelle il détient la meilleure performance mondiale de l'année, mais qui semble incompatible avec son programme. Le nouveau phénomène de la natation française entend également participer à plusieurs relais tricolores. Et ça attaque fort pour avec dès dimanche sa course fétiche: le 400m 4 nages, où il pourrait comme l'an dernier menacer le dernier record du monde de Michael Phelps. Dans la ville où la légende de la natation avait décroché son premier titre mondial en 2001.
Léon Marchand, vous étiez attendu en arrivant au Japon...
"On est arrivé il y a deux semaines, et des Japonais m’attendaient à l'aéroport de Tokyo. Ils m’ont donné des cadeaux de manga, de Dragon Ball, c’était sympa! La télévision japonaise était venue me voir à Tempe (où il s'entraîne aux USA), donc je pense que les gens nous connaissent un peu. C'est marrant de voir tout ça, ça va m'aider je pense. Je suis très heureux, ça fait deux semaines qu’on est dans un pays différent, dans une équipe assez sympa. Je profite tous les jours de ça et je suis assez excité pour la semaine qui arrive.
Qu'est-ce qui change par rapport à l'an dernier et vos premiers Mondiaux à Budapest?
C’est complètement différent. Il y a toujours l’excitation. La compétition reste la même, mais les compétitions, je les aborde différemment chaque année, chaque semaine. J’ai beaucoup évolué. C’est aussi un nouveau challenge, une nouvelle expérience.
En quoi est-ce différent?
Je pense que j’ai moins de stress qu’avant. J’arrive à vraiment profiter du moment présent et vivre au jour le jour. Sans trop me soucier de ce qui arrive demain, par exemple. Je suis plus heureux qu’avant, un peu moins stressé, un peu moins nerveux, du coup j’arrive à garder mon énergie jusqu’au bout. C'est une nouvelle approche.
Quels souvenirs avez-vous de Budapest?
C’était génial! J’étais quand même arrivé très stressé. J’avais de grosses ambitions et j’ai réussi à faire de gros résultats. C’est un souvenir que je garderai toujours. Mais c’était aussi mes premiers Championnats du monde seniors et j’arrive déjà à faire deux titres là-bas. Vraiment génial. C'était une première expérience en international que j’ai bien réussie.
A Rennes en juin dernier lors des championnats de France, vous disiez vouloir faire mieux ici. Sur quels points?
Je pense que je peux faire mieux au niveau de la gestion de mon énergie tout au long de la semaine. J’ai beaucoup de courses et si j’arrive à perdre moins d’énergie sur le 400m 4 nages le soir, essayer de récupérer le plus vite possible, essayer de me focus sur la suite, peut-être que je serai meilleur sur les derniers jours de la compétition. Parce qu'on a aussi des relais avec les coéquipiers, et c'est important. Et puis je pense que je me suis amélioré en dos, en crawl aussi, des petits détails que j’ai améliorés... Je pense que je peux être meilleur.
Quel sera votre programme sur ces championnats du monde? Vous êtes engagés sur le 200m brasse qui parait incompatible avec vos autres courses...
Disons que je suis engagé sur le 200m brasse, mais ça va dépendre de ma forme du moment. Je verrai au jour le jour. Je verrais après le 400m 4 nages, après le 200m papillon si je me lance le défi de faire les deux courses en même temps. Le souci, c'est que la demi-finale du 200m brasse est la course juste avant la finale du 200m 4 nages, c’est assez compliqué à faire. Je veux vraiment le faire mais mon coach n’est pas vraiment d’accord. Je n’ai pas de temps entre le 200m 4 nages et 200m brasse. Donc pour le moment on est à 75% sans brasse, et 25% avec. Il y a un risque avant une finale. Soit je me le garde pour les Jeux, soit j’en fais un... On verra bien. On n’a pas encore décidé.
Vous dites arriver avec moins de pression qu'à Budapest, pourtant votre statut a changé depuis vos deux titres mondiaux...
J’ai une expérience internationale, j’ai fait beaucoup de compétitions en NCAA (championnat universitaire américain), en France, avec beaucoup de concurrence. Je commence à m’habituer à tout ça. Je sais que je perds beaucoup de jus si je me mets le stress avant la compétition. C’est quelque chose que j’améliore. Ce n’est pas encore parfait et si ça se trouve ça ne le sera jamais, mais j’essaie de travailler sur la pression que je me mets avant les compétitions. Surtout en vue des Jeux l’année prochaine.
J'ai besoin de me concentrer sur ce que je fais dans l'eau, dans ma propre ligne
Paris 2024, c'est présent quotidiennement dans votre esprit?
C’est surtout au niveau du travail mental que je me "focus" sur Paris, parce que c’est là qu’il va falloir être bon, dans la tête. Mais à l’entraînement, je me focus sur celui qui arrive après, celui qui arrive ce soir. Les JO à Paris, pour moi, c’est une compet' comme les autres, avec plus d’attention portée sur moi. Après, ce ne sont pas des choses qui me viennent à l’esprit tout le temps. J'ai encore un an pour travailler, 369 jours je crois. J’ai vraiment le temps. Le temps de m’améliorer dans l’eau, à l’extérieur. Je ne me presse pas.
C’est plus l’extérieur qui vous met la pression?
Oui, c’est clair. Si je nageais dans un bassin fermé, personne ne regarderait... Forcément, ça vient de l’extérieur. C'est pour ça que j’ai besoin de travailler, de me concentrer sur ce que je fais dans l'eau, dans ma propre ligne, sur ce que je fais au départ, au virage, des choses vraiment techniques.
A Rennes, aux championnats de France, vous en avez pris conscience?
C’est surtout un nouvel environnement, sans mon coach américain (Bob Bowman), avec plus de personnes autour de moi... Je n’étais jamais seul à Rennes. Alors qu’avant j'avais plus l'habitude de faire mon truc dans mon coin. Mais ça, je suis obligé de m’y faire. C’était la première fois que je le faisais en vrai. On l’avait travaillé mentalement, mais en vrai, c’est différent. J’ai pas mal de répétitions avant les Jeux donc on va continuer à s'entraîner sur ça.
Que représente pour vous le record du monde de Michael Phelps sur le 400m 4 nages, l'épreuve sur laquelle vous débutez vos Mondiaux dimanche, et dont vous êtes tenant du titre?
Pour moi, c’est un peu comme une étape. Si je veux arriver à mon objectif principal, j’ai besoin de péter les 4'04, les 4'03, etc... Ça va être une étape dans mon cheminement, que ça se passe demain (dimanche) ou dans un an, ça ne change pas. C’est assez génial parce que c’est le dernier de Michael. Donc c'est assez spécial. Mais ce n’est pas mon objectif principal. Je vais essayer de faire mon meilleur et on verra.
Vous l'avez noté quelque part cet "objectif principal", ce chrono idéal sur la distance?
Non, c’est dans ma tête. Je m’en rappelle en général, pas besoin de le noter (rires).
Mercredi, nous serons à un an des Jeux de Paris: vous en attendez quoi en dehors de vos performances sportives?
Je n'attends pas grand-chose. Je pense que les gens commencent à s’intéresser à la natation, à vouloir suivre le sport avant les Jeux. Moi je laisse faire, l’engouement va se faire, tout va bien se passer. J’ai très envie de me préparer au maximum pour être prêt là-bas. Je sais que ce sera sympa.
Racontez-nous l'ambiance dans cette équipe de France...
Franchement c’est génial. Je suis avec des gens que j’aime tout simplement, je passe du bon temps ici. J’ai raté quelques regroupements quand je n’étais pas en France, mais je sens qu’on est vraiment soudés, il y a une belle énergie qui circule. C'est encore mieux qu’avant, et ça continue, donc je pense que ce sera encore mieux à Paris. Je profite du moment présent et c'est le top."