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Natation: Manaudou n’a "jamais été aussi heureux de nager"

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Alors que les championnats de France de natation débutent ce mardi à Limoges, Florent Manaudou veut "s'amuser et prendre un maximum de répères", avant les Mondiaux de Budapest.

Son large sourire ne le quitte pas. Très détendu, Florent Manaudou replonge pour les championnats de France à partir de ce mardi à Limoges après avoir décroché l’été dernier à Tokyo sa troisième médaille olympique consécutive sur le 50m nage libre. Des championnats de France qui servent de sélections pour les championnats du monde fin juin à Budapest et pour les championnats d’Europe au mois d’aout à Rome.

A 31 ans, Manaudou a tout changé à la rentrée en quittant son cocon marseillais pour Antibes où il s’entraîne désormais avec deux de ses meilleurs amis Yoris Grandjean et Quentin Coton. Il débarque à Limoges sans "forcément de temps en tête", avec l’envie de "s’amuser, et prendre un maximum de repères en vue des mondiaux dans deux mois." Son seul objectif de l’été puisqu’il zappera les championnats d’Europe. Avec déjà Paris 2024 en tête. Manaudou assure n’avoir "jamais été aussi heureux de nager." Il disputera à Limoges le 50m papillon ce mardi, le 50m brasse jeudi et son 50m nl samedi.

Le changement du calendrier mondial de la natation a modifié vos plans… ll y aura bien les mondiaux au programme en juin pour vous ?

Je suis content du changement. J’ai repris en janvier, les Mondiaux à Fukuoka devaient être au mois de mai, donc j’aurais moins été capable de nager vite que fin juin. J’ai gagné un mois. Je devais faire les Jeux méditerranéens, mais ils commencent le lendemain des Mondiaux à Budapest donc je n’irai pas. On s’adapte, on en a l’habitude depuis un peu plus de deux ans maintenant. On fait avec et pour l’instant. 

Quels souvenirs gardez-vous des championnats de France à Limoges ici en 2015 ? Vous aviez dit à l’époque : "c’est à chier, j’ai fait de la merde toute la semaine" ?

Ce n’était pas la meilleure ambiance. C’était une semaine spéciale, on venait de perdre Camille (Muffat décédée tragiquement dans un accident d’hélicoptère en Argentine quelques jours avant) et à la moindre chose on était à fleur de peau. Il y avait des photos d’elle un peu partout, l’atmosphère était un peu pesante. Ça, c’était pour le côté émotionnel, côté performance ce n’était pas exceptionnel. J’avais beaucoup râlé mais ça allait avec l’énergie générale des championnats de France. J’avais fait un bon 50m et j’étais très déçu de mon 50m dos où j’avais tapé à la fin dans un seau et arrosé un officiel. C’était pas les meilleurs championnats de ma vie mais ça a suffi pour les Championnats du monde (Kazan en 2015), les meilleurs sans doute de ma carrière (ndlr : il avait décroché trois titres en Russie sur le 50m NL avec son record personnel à la clef en 21"19 qu’il n’a jamais égalé depuis, sur 50m papillon et le relais 4X100m NL).

Cette année de transition, tu te projettes et pour y faire quoi ?

C’est dur de se projeter sur ces Championnats du monde, il y en a maintenant tous les huit mois, je ne sais pas qui sera là, pas là, qui sera en forme… Moi, j’aimerais bien nager plus vite qu’aux Jeux, faire mon meilleur temps depuis mon retour, je serais content avec un 21"4 aux Championnats du monde et avec une médaille, c’est sûr. S’il n’y en a pas, ce ne sera pas la fin du monde, ce n’est pas l’objectif principal de cette saison, c’est vraiment de redécouvrir un quotidien et d’être bien dans ma peau pour préparer les deux prochaines années.

Quel premier bilan tires-tu de ces premières semaines dans ton nouvel environnement d’entraînement, avec des entraîneurs qui sont aussi parmi tes meilleurs amis ?

Ça m’apporte énormément de quiétude dans ma vie de tous les jours. Je me demande comment j’ai pu faire sans jusque-là. J’ai toujours eu des relations spéciales avec mon frère, dont j’étais très, très proche, avec Romain (Barnier), avec James (Gibson). J’ai toujours ressenti ce besoin d’être proches de mes entraîneurs. Je l’avais un peu moins avec James à mon retour, en Turquie, parce qu’il y avait d’autres nageurs, c’était même un autre coach en fait. Et avec Ju on n’a pas des atomes crochus, même si c’est un entraîneur exceptionnel qui m’a amené à ma troisième médaille olympique. J’avais vraiment besoin d’être au centre de mon projet et ça se passe super bien. J’ai la maturité pour être un athlète de haut niveau, à certains moments, de switcher complètement quand je veux être pote avec mes coaches, et ça, il y a sept ou huit ans, je n’aurais pas été capable de la faire. Ça a l’air de fonctionner. Sur mon énergie, mon humeur, et je pense, j’ai l’intime conviction que ça fonctionnera aussi sur la performance. Tout ce côté émotionnel qui fait que je me sens bien dans ma peau, et après je performe un peu plus. On va voir mais je n’ai jamais été aussi heureux de nager. C’est déjà une victoire.

On vous sent complètement différent du Florent Manaudou de 2015, beaucoup plus détendu…

J’ai grandi (rires). J’ai sept ans de plus et j’ai surtout fait énormément de choses dans ma vie depuis 2015. J’ai découvert beaucoup de choses, je me suis interessé à beaucoup de choses. Mon arrêt de ma natation avec le passage au handball m’a fait énormément de bien. Ça m’a fait relativiser sur ce que je voulais vraiment et c’est moi qui ait vraiment choisi de revenir alors qu’en 2015 je continuais ma carrière juste parce que j’étais bon, mais ce n’était pas un choix. Là c’est un vrai choix et je prends du plaisir. La pression est la même, mais moi je me la mets moins. J’ai déjà gagné ce que je voulais gagner et là je suis dans un environnement où je suis vraiment très heureux. Se mettre la pression sur une semaine comme ça, ça n’a pas vraiment d’utilité. Je sais que ce que je garde de ma carrière ce n’est pas forcément les championnats de France, d’Europe ou du monde… C’est vraiment l’aventure humaine et pour le moment, l’aventure humaine que j’ai depuis octobre elle est vraiment incroyable donc je veux garder ça surtout.

Ça se matérialise comment, concrètement ?

Concrètement, je peux parler aux coachs de tout ce que je veux, sans un jugement de coachs. C’est vraiment des amis en fait donc c’est facile. J’ai quand même eu une ou deux fois des vieux réflexes de me dire 'ah, ils vont m’en vouloir parce que j’avais raté une ou deux séances parce que j’étais fatigué, parce que j’avais mal à la tête'. Je me rappelle un matin, j’étais fatigué et j’allais leur envoyer un message en leur disant que j’étais malade. Et je me suis dit mais t’es… Il ne faut pas re-rentrer dans cette chose-là, ça ne sert à rien. Donc je leur ai dit, je suis fatigué, et eux m’ont dit pas de problème. Et à chaque fois j’ai eu des marqueurs comme ça hyper bons. On crée des séances ensemble, ils peuvent appeler mes coachs d’avant il n’y a aucun égo mal placé de Yoris et Quentin. Je me suis mis au centre vraiment de mon projet, je me suis mis tous les acteurs que je voulais avoir autour de moi. Kiné, osthéo, prépa physique et mental, Pilate etc… Je suis vraiment au centre alors qu’avant j’avais l’impression que j’allais dans un groupe d’entraînement et qu’il fallait que je suive uniquement les recommandations, et quelqu’un avait une idée pour moi et il fallait que je suive cette idée parce que c’était sûr que c’était comme ça, que la réussite était comme ça. Avec l’expérience je sais un peu plus ce que je veux chaque année, chaque mois, chaque jour. C’est la vie. Et ils sont très à l’écoute et pour l’instant ça fonctionne très bien et je n’ai pas envie de changer. Par exemple une fois par semaine on se réunis pour parler de la semaine d’avant, de la semaine à venir, de la planification, de ce que je veux faire. Il n’y a aucun jugement en fait. Il n’y a pas de : 'tu ne penses pas comme moi, et bien tu le fais tout seul. Tu ne fais pas comme je veux que tu fasses, tu en subiras les conséquences.' Là, ce n’est pas du tout comme ça, alors qu’il y a beaucoup de coachs qui sont comme ça.

Vous évoquiez de vous-même les JO. Est-ce déjà dans la tête ?

Oui, quand il n’y a que 3 ans entre deux JO, c’est déjà un peu plus court. En plus en ayant pris un break et en ayant déménagé, c’est encore plus court. Donc à la fin de la saison il ne restera que deux ans, et je me rappelle de mon état d’esprit en 2014 j’étais déjà axé sur Rio. Les jeux dans son pays, c’est quelque chose que l’on n’a qu’une fois dans sa vie, si on a de la chance. J’aimerais bien déjà être qualifié parce qu'on ne sait jamais, il peut toujours y avoir des jeunes qui sortent et qui sont incroyable du jour au lendemain, c’est déjà arrivé. J’aimerais déjà me qualifier et participer à ces Jeux avec du public et avec une ferveur autour de ça. Parce que, en natation, on a connu des championnats d’Europe en 2012 à Chartres, mais à part ça je n’ai pas vraiment vécu de compétition internationale en France. Il y a quand même eu Barcelone aussi où je pense que 50% du public était français, et on voyait déjà la différence. Ca fait rêver les Jeux dans son pays et je pense que je n’aurais pas pu continuer sans les Jeux en France."

Propos recueillis par Julien Richard