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Contrats en or, modèle F1... R360, le projet séparatiste qui fait trembler le rugby mondial

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Porté par l’ancien international anglais Mike Tindall notamment, le projet R360 veut rassembler les meilleurs joueurs du monde sur le modèle d’une saison de F1 qui entrerait en confrontation directe avec les championnats. Le sujet, qui provoque la controverse notamment, sera discuté à la fédération internationale en juin prochain.

Après le projet avorté de la Superligue en football en 2021, le rugby s’inquiète à son tour d’un projet dissident, portant le nom de R360. Il a émergé il y a plusieurs mois avec l’idée (mercantile) de recruter les meilleurs joueurs du monde et de les répartir dans huit équipes masculines et quatre féminines. Celles-ci s’affronteraient lors d’étapes sur le même modèle que la Formule 1, organisées à travers le monde, dans des grands stades (Camp Nou, Tottenham Stadium, MorumBIS de Sao Paulo, Los Angeles…) lors de fenêtres qui ne concurrenceraient pas les sélections. Celles-ci sont prévues d’avril à juin, puis d’août à septembre sur 16 journées.

Il est porté par l’ancien international anglais Mike Tindall, champion du monde en 2003, le directeur de Bath Stuart Hooper, mais aussi Mark Spoors, directeur de Wasserman, une agence américaine de marketing sportif, et John Loffhagen, l’ancien avocat de la ligue de golf dissidente de golf, LIV.

Des joueurs approchés contre de juteux contrats

Selon sa plaquette de présentation, R360 annonce vouloir recruter le top 300 des meilleurs joueurs et joueuses du monde. L’image d’Antoine Dupont y est utilisée mais l’agent de la superstar française a assuré qu’il n’avait rien à voir ce projet. Des joueurs ont bien été approchés à l’instar de l’ancien centre des All Blacks, Roger Tuisava-Sheck. Ce dernier aurait même donner son accord pour disputer la première saison espérée en 2027. Il aurait reçu la promesse de voir son salaire doubler pour atteindre près d’un million d’euros sur un an.

D’autres joueurs de la National Rugby League (NRL), le championnat à XIII de franchises australiennes et néo-zélandaise, auraient été approchés comme Ryan Papenhuyzen ou Nelson Asofa-Solomona. L’idée est de donner une liberté maximale aux joueurs, qui seront répartis dans les équipes via une draft. Ils n’auraient pas d’obligation d’habiter sur le lieu de la franchise, et possession de 100% de leurs droits de propriété intellectuelle.

Qui finance ce projet?

Face à de telles promesses financières formulées aux joueurs, les questions abondent sur la provenance des fonds des félons. Et cela reste plutôt opaque. Selon le dossier de présentation relayé par L’Equipe, un seul actionnaire est cité: "885 Capital" des Emirats arabes unis qui avance l’ambition de vendre chaque franchise masculine 30 millions d’euros et celles féminines 10 millions d’euros. Celles-ci seraient enregistrées auprès de la Fédération emiratie de rugby.

Quand ce projet est-il censé voir le jour?

Le projet R360 veut aller vite. Mais les dissidents ont subi un premier contretemps début septembre après la décision de World Rugby de repousser l’idée d’un vote pour valider la compétition. Une source proche de R360 approché par The Telegraph a confirmé que la demande d'homologation avait été reportée à l'année prochaine, soulignant qu'il s'agissait d'une décision prise de son propre chef afin de finaliser le processus de franchise.

Les discussions au sein de l’instance internationale ont été repoussées au moins de juin prochain et l’issue d’un vote semble très incertaine puisque le projet pourrait avoir du mal à rallier la de 75% des membres du conseil, barre symbolique pour le valider. R360 pourrait alors se lancer seul, sans validation officielle (ce qui est tout à fait possible), mais s’exposerait alors à de grosses contraintes financières et logistiques, notamment sur l’épineux sujet de l’éligibilité des joueurs à leurs sélections. Selon le journal australien Sydney Morning Herald, la première saison serait lancée le 2 octobre 2026, avec 6 équipes masculines et 4 féminines. En 2027, la première "vraie" saison est espérée entre avril et septembre, avec 8 équipes masculines et 12 étapes et des équipes basées à Londres, Miami, Tokyo, Dubai, Boston, Le Cap, Lisbonne et Madrid

Un calendrier en confrontation directe avec celui des clubs

S’il entre directement en confrontation avec les championnats actuels qu’il veut dépoussiérer, le projet assure vouloir respecter les fenêtres internationales et permettre à ses joueurs de continuer à jouer sous les couleurs de leur pays. Une promesse un peu illusoire dès 2027, année où les sélections prépareront dès l’été la Coupe du monde 2027 en Australie. Après le récent succès de la Coupe du monde féminine, World Rugby s’est aussi dite surprise de voir le calendrier de R360 ne pas coller avec celui du rugby féminin.

Les opposants vent debout

Si certains joueurs ont déjà donné l’accord, le projet suscite un logique vent de fronde chez les acteurs directement concurrencés: les championnats. En France, Florian Grill, pésident de la Fédération française de rugby, s’y oppose fermement. Plusieurs sélections rendent actuellement inéligibles les joueurs évoluant à l’étranger comme la Nouvelle-Zélande ou l’Angleterre. L'Australie a aussi prévenu les agents de joueurs intéressés qu'elle les rendrait inéligibles à ses sélections s'ils rejoignaient R360

Le projet provoqué aussi une certaine moue en haut lieu. Alan Gilpin, directeur général de World Rugby, a récemment mis en garde sur les dangers de ce projet dissident. "Le rugby, et en l'occurrence le rugby féminin, a-t-il besoin de nouveaux investissements? Absolument", a-t-il déclaré. "Le rugby doit-il en quelque sorte bouleverser toutes ses structures existantes et adopter une approche totalement différente? Je dirais que non, d'après ce que nous avons constaté ces cinq dernières semaines."

NC