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XV de France: comment les Bleus ont fait leur révolution depuis le dernier Grand Chelem

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Le XV de France est à un match, contre l’Angleterre samedi (21h) au Stade de France, de décrocher son premier titre et même son premier Grand Chelem depuis 2010 dans les VI Nations. Le fruit d’une révolution opérée dans les instances, avec le staff et grâce à une superbe génération de joueurs.

Une génération exceptionnelle

La renaissance du XV de France doit en grande partie à la qualité des joueurs qui le composent. Ces Bleus sont articulés autour d’Antoine Dupont, demi de mêlée, capitaine (en l’absence de Charles Ollivon, longuement blessé mais de retour à la compétition en club) et meilleur joueur du monde 2021. Le Toulousain n’est pas seul. Il est entouré de joueurs de classe mondiale devant comme derrière. Une équipe ultra complète, avec une génération dorée, dont celle des champions du monde juniors en 2018 (Romain Ntamack, Cameron Woki, entre autres). Ces jeunes joueurs ont déjà l’habitude de gagner en club, notamment les Toulousains (Top 14, Champions Cup), mais visent leur premier titre en sélection.

Devant, le pack a imposé sa loi à l’instar de Julien Marchand et Cyril Baille. "Le paquet d’avants fait un travail monstrueux, valide l’ancien international Imanol Harinordiquy. Dès qu’ils touchent le ballon, ils gagnent tous leurs duels et c’est assez impressionnant. D’un point de vue individuel, Cyril Baille et surtout Julien Marchand me semblent au-dessus du lot avec des prestations XXL." Derrière, l'équipe flambe aussi avec des joueurs capables de faire la différence comme les ailiers Gabin Villière et Damian Penaud, auteurs de trois essais chacun dans le Tournoi. Le tout guidé par la magistrale charnière Ntamack-Dupont. Physiquement, le travail du staff paye.

Un climat politique apaisé

Le staff compte aussi sur des conditions idéales pour faire briller ces joueurs de talent. Jamais des entraîneurs du XV de France n’avaient bénéficié de telles conditions pour préparer des matchs avec du temps et un groupe de 42 joueurs à disposition avant chaque match. Le fruit d’un accord entre la Fédération française de rugby (FFR) et la Ligue (LNR). Longtemps tendues, les relations entre les deux entités représentant la sélection et les clubs se sont pacifiées. Les clubs - qui ne peuvent pas compter sur leurs meilleurs joueurs français pendant le Tournoi - ont joué le jeu. "On a été, un petit peu, les rats de laboratoire, se souvient Guilhem Guirado, ancien capitaine du XV de France. On a vu beaucoup de réformes passer, beaucoup de choses se mettre en place pendant les années de galère. On a l’impression que la solution vient de se trouver avec la priorité donnée à l’équipe de France, les joueurs protégés. Nous, on était sur la brèche tous les week-ends."

L’obtention de l’organisation de la Coupe du monde 2023 en France a aussi permis de remettre le XV de France au cœur des préoccupations. A un peu plus d’un an, il est déjà cité parmi les favoris à la conquête du Trophée Webb-Ellis après une longue période de désamour et de vaches maigres. "J'ai une pensée pour les staffs et joueurs de ces dix dernières années, confie Marc Lièvremont, sélectionneur du dernier Grand Chelem en 2010 et de la finale de la Coupe du monde 2011. C'était difficile, il n'y avait pas de confiance. Là, il y a le bon dosage entre énormément de talents, une très belle homogénéité, une très belle complémentarité, un excellent staff, un contexte politique apaisé où tout le monde va dans le sens de l'équipe de France."

Un staff riche et compétent

La mue de cette équipe doit aussi beaucoup au staff. S’il a officiellement pris des fonctions de numéro 1 lors du tournoi des VI Nations 2020, Fabien Galthié avait été intégré à l'encadrement de son prédécesseur Jacques Brunel pour la Coupe du monde 2019. C’était aussi le cas de Laurent Labit, en charge des lignes arrières, et de Thibault Giroud, responsable de la performance. Cela a clairement permis au trio de gagner du temps pour ce mandat. Et d’enclencher un nouveau virage avec quelques mois d’avance. "Quand on est arrivé dans ce XV de France, au départ ça a été un peu compliqué sur la méthodologie parce qu’il a fallu faire cette révolution", confie Thibault Giroud à RMC Sport.

Après la fin de l’aventure japonaise et sa nomination comme numéro 1, Galthié a étoffé son staff avec William Servat, ancien talonneur international et Karim Ghezal, ancien deuxième ligne passé par Castres, Montauban, le Racing ou Lyon, pour s’occuper des avants. Il a aussi réussi un coup de maître en arrachant Shaun Edwards, expert anglais de la défense après sa riche collaboration avec le pays de Galles (2008-2019). La défense brille grâce à lui et le XV de la Rose envie jalousement ses services.

Un apprentissage des défaites rageantes

Ces changements radicaux ont rapidement porté leurs fruits avec du jeu, des matchs plus accrochés, mais pas encore de titre, l’obsession de staff depuis le premier jour. Il y eut plusieurs "défaites rageantes" sur le chemin de ce Grand Chelem tant espéré. Souvent, les Bleus ont dilapidé leur avantage dans les dernières minutes: contre l’Angleterre (22-19) à la Coupe d’automne des nations 2020, puis lors du Tournoi 2021 (23-20), également marqué par le revers face à l’Ecosse (23-27). Il y eut encore cette folle tournée en Australie en juin 2021 sans les finalistes du Top 14 achevée avec une victoire et deux autres revers aussi encourageants que frustrants (33-30 et 28-26). Depuis, les Bleus ont enchainé sept victoires de rang, en gérant avec brio leurs temps faibles comme face à l’Irlande (30-24) ou le pays de Galles (9-13). Leur succès face aux Blacks (40-25) en novembre a beaucoup contribué à booster la confiance.

"On travaille beaucoup là-dessus, confie le troisième ligne Anthony Jelonch. Au moins deux heures chaque semaine sur ces temps faibles. Ça nous aide beaucoup. On se regroupe tous quand on prend un essai ou des points, on n'entend que le capitaine parler, Antoine, et souvent, il a les bons mots. Et on arrive à repartir de l’avant." "Cette équipe fait preuve d’un calme olympien, remarque Harinordiquy. Quand ils sont dans la difficulté, ils ne paniquent pas, ne s’affolent pas. Ils évitent de faire des fautes en défendant dur donc c’est compliqué pour l’adversaire de les battre, de surcroît quand ils se mettent à jouer leur rugby. Un rugby redoutable."

NC avec JFP