Boxe: Comment Deontay Wilder a retrouvé l'envie de revenir sur le ring (avec un plan de trois ans)

La droite la plus puissante de la boxe mondiale est de retour. On aurait pourtant pu la perdre. Après sa deuxième défaite de rang contre Tyson Fury en octobre 2021, un combat dingue à jamais inscrit au panthéon des poids lourds et conclu sur un KO fracassant au onzième round, Deontay Wilder a pris le temps de la réflexion. Pourquoi continuer à monter dans le ring pour prendre des coups quand on a été champion du monde pendant cinq ans avec dix défenses de ceinture et qu’on a accumulé "une richesse pour plusieurs générations" (c’est lui qui le dit)?
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"Dans ma tête, j’étais à la retraite à 85%", confie-t-il au micro de la chaîne YouTube The Good Fight with Kate Abdo. Mais un événement va tout changer. Le 25 mai dernier, dans sa ville de Tuscaloosa, dans l’Alabama, "The Bronze Bomber" (42-2-1 en carrière, 41 KO) assiste au dévoilement d’une statue à son effigie. Et ce que l’Américain vit ce jour-là va rallumer la flamme et poser les bases d’un retour dans les cordes effectif ce samedi avec son combat contre le Finlandais Robert Helenius (31-3 en carrière, 20 KO ; trente-huit ans) à Brooklyn, où il a infligé certains de ses KO les plus mémorables face à Bermane Stiverne, Luis Ortiz et Dominic Breazeale.
"Beaucoup de gens sont venus célébrer ça avec ma famille et moi. Certains étaient avec leurs enfants et me pointaient du doigt en disant: 'C’est à ça que ressemble un vrai modèle'. Quand j’ai vu ça… J’ai motivé et inspiré beaucoup de gens avec ma carrière et je me suis dit que je devais continuer pour ça. J’ai encore des choses à donner. Je reviens pour être un vrai champion du peuple. Je n’ai plus besoin de ce business, c’est ce business qui a besoin de moi." Wilder et sa puissance de feu n’en ont pas fini avec le noble art. Avec un plan clair à l’horizon.
L’ancien champion WBC affiche trente-six ans au compteur, trente-sept le 22 octobre. Et celui qui a commencé la boxe sur le tard, à vingt ans et avec un premier combat pro à vingt-trois, compte la quitter avant la fin de l’année de ses quarante printemps avant de "profiter du reste de (s)a vie avec sa famille en bâtissant sur (s)a richesse". "Je m’engage pour trois ans de plus, ce qui fera probablement entre six et neuf combats, explique-t-il dans une interview sur le site du magazine The Ring. Ça va passer vite donc je veux que les gens profitent de ces trois années car elles vont être incroyables."
Soutenu dans sa décision par sa compagne, ses enfants et son coach (Malik Scott), tous heureux de le voir faire ce qu’il aime, l’Américain annonce la couleur: "Je suis impatient de donner au monde le meilleur de Deontay Wilder dans ces trois dernières années". Sans crainte d’une quelconque rouille. "Je ne suis pas un novice qui ne sait pas où il va. J’ai l’expérience du meilleur niveau. C’est juste reprendre là où je me suis arrêté, profiter des lumières, des caméras et de tous ces fans qui viennent voir mon talent. Je vais être très à l’aise quand je vais remonter dans le ring."
Mais alors, quel programme pour ces trois années à venir? Wilder veut "des combats durs, comme contre Fury": "Je ne serais pas dans ce business si ce n’était pas le cas". Les chemins à emprunter sont nombreux, les grands noms possibles sur la route aussi. S’il bat Helenius, qui a connu trois défaites en carrière (dont une face au Français Johann Duhaupas en 2016) mais reste sur deux vicotoires de rang face au Polonais Adam Kownacki et contre lequel il fait office de grand favori chez les bookmakers, la rumeur envoie le médaillé de bronze olympique 2008 face à Andy Ruiz Jr – ancien champion du monde et tombeur d’Anthony Joshua en 2019 – pour une "finale" afin de désigner le nouveau challenger officiel et obligatoire du champion WBC Tyson Fury. Qui s’est déjà dit ouvert à une quatrième danse contre Wilder malgré les nouvelles accusations (dopage, cette fois) portées à son encontre par l’Américain ces derniers temps.
Mais "The Bronze Bomber" ne ferme aucune porte. "Beaucoup de chemins peuvent être explorés. Il y a Ruiz mais aussi beaucoup d’autres boxeurs. On verra bien ce qui se présentera sur la table." Deux noms sortent du lot du champ des possibles : Oleksandr Usyk, détenteur des ceintures WBA-IBF-WBO-The Ring des lourds, et Anthony Joshua, ancien champion avec qui un combat a longtemps fait rêver le monde de la boxe quand ils auraient pu unifier tous les titres de la catégorie en s’affrontant. Le premier aimerait affronter Fury pour unifier toutes les ceintures mais la chose ne se fera pas tout de suite, le "Gypsy King" se dirigeant vers une trilogie contre son compatriote Derek Chisora après avoir préféré ne pas attendre l’Ukrainien qui ne souhaitait pas combattre avant 2023 après sa deuxième victoire sur "AJ" en août.
Alors Usyk a déjà laissé entendre que Wilder pourrait l’intéresser dans l’intervalle. Si l’on en croit les bruits de couloir, il sera même au bord du ring ce samedi à Brooklyn, prêt à monter défier l’Américain si ce dernier s’impose. Un duel qui donne forcément envie à Wilder, qui aurait alors l’occasion de remporter toutes les ceintures des lourds qu’il n’a pour l’instant jamais portées face à celui qu’il "préférai(t) chez les lourds-légers" (Usyk avait unifié toutes les ceintures de cette catégorie avant de monter).
"Si j’ai le choix pour mon combat suivant, je prends Usyk, lance l’ancien champion WBC. Je le défonce puis je donne une chance pour le titre à Ruiz. Qui ne choisirait pas ça? On est dans ce business pour chercher de la grandeur et récolter des ceintures. Si Usyk te donne une opportunité de le faire, pourquoi ne pas la prendre? Les seuls qui disent non à ça sont ceux qui ne sont pas prêts. Je le respecte comme combattant et comme être humain, car j’entends de très bonnes choses sur lui, mais je suis prêt pour lui n’importe quand. Je n’ai pas de temps à perdre et je ne pense pas qu’il souhaite continuer sa carrière très longtemps non plus. Quand il sera prêt, je serai là."
L’homme qui avait offert à Fury l’occasion de renaître de ses cendres aimerait voir Usyk faire de même avec lui. Il n’oublie pas non plus l’option Joshua. Shelly Finkel, manager de Wilder, a expliqué ces dernières semaines avoir ignoré une récente offre du camp du Britannique pour un combat. "On avait déjà un combat en route, pourquoi en étudier un autre?", interroge le boxeur, qui sourit du timing du "manipulateur" (son mot) Eddie Hearn, promoteur de Joshua. Mais l’idée n’est pas enterrée, loin de là.
"Je suis toujours dans le business et Joshua aussi, rappelle Wilder. Tant que ce sera le cas, il y aura toujours cette opportunité. Les gens me demandent toujours quand je vais affronter Joshua. C’est toujours le plus gros combat possible, celui dont on me parle le plus. La question n’est pas de savoir si ça se fera mais quand. Ça doit juste être dans le bon timing." Avec Usyk, Ruiz, Joshua et Fury, ses trois dernières années de boxeur pourraient être grandioses. Sans oublier un autre objectif annoncé: "Je veux combattre en Afrique". En attendant tout ça, le garçon reste "concentré à 100%" sur Helenius, cinquième du classement des challengers WBC et deuxième de celui de la WBA, beau boxeur dur au mal dont le dernier combat date du même soir que le sien. Et pour qui l’approche du combat est bien plus bienveillante que lorsqu’il échangeait des noms d’oiseaux avec Fury. Logique: les deux ont partagé de nombreuses séances de sparring au fil des années.
"Robert est un super gars, quelqu’un que je respecte beaucoup et un être humain que j’aime, a confirmé Wilder en conférence de presse. C’est très différent de quand vous avez de l’animosité contre quelqu’un. (…) Je pense qu’il a encore plus confiance que d’habitude car on a beaucoup sparré ensemble et qu’on se connaît très bien. On essaie de préparer des choses qu’il n’a jamais vues et je suis sûr qu’il tente de faire pareil. Il a un cœur de guerrier, comme moi, et je suis excité de l’affronter. Ça va être un combat incroyable et je ne le prends surtout pas à la légère. Mais le sparring et le combat quand ça compte vraiment sont deux choses différentes…" Deontay Wilder dit qu’il n’avait "pas besoin de prendre un break" pour réaliser qu’il avait encore envie de boxer. L'épisode de la statue s'en est chargé. Mais cette année d’absence, où il a notamment fait un tour du côté de la musique, lui a "fait du bien". L’homme qui avait annoncé vouloir tuer quelqu’un dans un ring et peut éteindre la lumière adverse en un coup a faim. Très faim. Bon courage, Robert Helenius.