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Des abandons et des blessures à la chaîne: pourquoi la fin de saison tennistique en Asie est en train de tourner au grand n'importe quoi

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La tournée asiatique sur les circuits WTA et ATP est en train de tourner au ridicule cette semaine, avec pas moins de cinq abandons à Pékin ce lundi. De quoi interroger sur le calendrier surchargé par les tournois obligatoires et plus longs.

Les spectateurs présents au tournoi de Pékin ce lundi n’ont pas été gâtés. Sur les 12 matchs de simple prévus pour le WTA 1000 et l’ATP 500, cinq se sont terminés par des abandons, dont celui de Loïs Boisson au troisième tour face à Emma Navarro. Touchée à la cuisse, la Française a rechuté après avoir déjà connu un pépin physique début août lors de la tournée nord-américaine. Outre Boisson, Camila Osorio, Quiwen Zheng, Jakub Mensik et Lorenzo Musetti ont tous jeté l’éponge en cours de match dans la capitale chinoise. Mais pourquoi assiste-t-on à autant d’abandons ?

La période de la saison est peut-être un élément de réponse. Après l’US Open, dernier Grand Chelem de la saison, qui s’est achevé début septembre, les joueurs et joueuses du circuit doivent enchaîner par la tournée asiatique, qui dure jusqu’à mi-octobre pour l’ATP (fin octobre pour la WTA). Pour beaucoup, il faut gérer un très long voyage et le jetlag qui va avec. D’autant que la fatigue générale se fait sentir, alors que la saison 2025 a débuté… fin décembre 2024.

Des tournois obligatoires

Il est facile de dire que les joueurs doivent faire un choix sur les tournois qu’ils souhaitent disputer. Pourtant, ils n’ont pas vraiment ce luxe, puisqu’ils doivent s’aligner sur des tournois bien précis. L’ATP et la WTA ont défini une liste de "Mandatory Tournaments" que doivent jouer les joueurs, en plus des quatre Grands Chelems (Australian Open, Roland Garros, Wimbledon, US Open). Du côté de l’ATP, 8 des 9 Masters 1000 (Monte-Carlo a un statut spécial) sont obligatoires, tout comme 4 ATP 500, dont un qui doit être obligatoirement joué après l’US Open. Les huit meilleurs joueurs de la saison doivent également s’aligner pour le Masters ATP de Turin à la fin de la saison.

En cas de non-respect, une double sanction s’applique. D’abord financière, avec une prime réduite de 25% pour chaque Masters 1000 manqué (la prime est supprimée en cas d’absence sur au moins quatre tournois de cette catégorie). La deuxième, au niveau des points pour le classement ATP/WTA, puisque le joueur verra un 0 s’afficher sur la ligne correspondant au tournoi manqué. "On sent qu'on peut perdre beaucoup économiquement, en termes de classement et d'opportunités si on ne se présente pas aux tournois", expliquait le Norvégien Casper Ruud après son élimination au 2e tour de Roland-Garros. "C'est un système à questionner. D'un côté on ne veut pas se présenter blessé alors que quelqu'un aurait pu jouer à notre place, de l'autre, ils vous enlèvent 25% de votre bonus de fin d'année si vous ne venez pas aux tournois obligatoires."

"Vous forcez en quelque sorte les joueurs à participer en étant blessés ou malades, ce qui n'est pas très juste."

Des Masters 1000 plus longs

Dans la lignée des folies calendaires, les Masters/WTA 1000, deuxième catégorie de tournois les plus importants derrière les Grands Chelems, sont presque tous passés sur 12 jours. "C’est difficile de participer à des tournois de deux semaines, car le jour entre les deux coupe le rythme. Cela fait baisser le niveau de jeu, on en parle tous dans les vestiaires. En jouant deux ou trois jours de suite, on retrouve un rythme constant et une plus grande confiance en son jeu", regrettait Ben Shelton, numéro 6 mondial, lors du Masters 1000 de Toronto en août dernier.

Seuls Monte-Carlo et Paris pour l’ATP, Doha, Dubaï et Wuhan pour la WTA conservent le format sur une semaine classique. De quoi provoquer de la crispation chez certaines têtes de série, habituées à aller loin dans les tournois, et qui doivent parfois faire des enchaînements plus que limites.

"La saison est évidemment longue. Je pense que la partie asiatique est la plus difficile, car on a l'impression que la saison va bientôt se terminer, mais qu'il faut encore se battre", glissait la numéro 2 mondiale Iga Swiatek ce lundi, après sa victoire sur abandon de Camila Osorio. "Je ne sais pas encore à quoi ressemblera ma carrière dans quelques années. Je devrai peut-être choisir certains tournois et en ignorer d'autres, même s'ils sont obligatoires."

"La WTA, avec toutes ces règles obligatoires, a rendu les choses assez folles pour nous.“

Chez les filles, ce sont six tournois WTA 500 qui sont obligatoires, ainsi que les dix WTA 1000. Les meilleures joueuses doivent donc disputer 20 tournois obligatoires, en plus des WTA Finals organisées à Riyad début novembre pour les huit meilleures à la Race, pour conclure une saison interminable.

“Je ne pense pas qu'une joueuse de haut niveau puisse réellement y arriver, par exemple en jouant les six WTA 500. C'est tout simplement impossible à caser dans le calendrier. Il y a beaucoup de blessures. Je pense que c'est parce que la saison est trop longue et trop intense”, a poursuivi la Polonaise, qui a connu un drôle d’enchaînement cet été, en disputant trois matchs en à peine plus de 24 heures dans deux villes différentes, à Cincinnati et New York.

Une protection pour les joueurs plus âgés

Dans son règlement, la WTA stipule qu’une joueuse âgée de 34 ans ou plus - après plusieurs "années de service" - au 1er janvier d’une saison ne recevra pas un résultat de zéro point si elle ne participe pas à un WTA 500, mais elle doit en revanche s’aligner sur tous les WTA 1000, sous peine d’avoir un zéro, comme les autres joueuses.

L’ATP est beaucoup moins sévère concernant la règle des "vieux" joueurs de 32 ans et plus. Ce n’est pas pour rien que Novak Djokovic peut en profiter. Le Serbe entrant dans la catégorie des joueurs qui comptent plus de 600 matchs et plus de 12 ans sur le circuit, il doit bien participer aux quatre Grands Chelems, mais il n’y a aucune obligation de jouer un nombre fixe de Masters 1000 ou ATP 500. Il doit toutefois participer à 18 tournois obligatoires, mais "Nole" ne s’en cache plus, il préfère s’aligner sur les gros évènements, histoire de préserver un corps qui est mis à rude épreuve depuis des années. Les saisons étant de plus en plus longues et exigeantes, il y a fort à parier que de nombreux joueurs suivent ses choix dans les années à venir.

Analie Simon Journaliste RMC Sport