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Pourquoi les marins de Virtual Regatta sont largués par les leaders du Vendée Globe cette année

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Contrairement à l'édition précédente en 2021, les meilleurs marins du Vendée Globe devraient arriver largement avant les joueurs de Virtual Regatta aux Sables-d'Olonne. Un écart entre le supersonique duo Dalin-Richomme et les navigateurs virtuels qui a pu soulever des interrogations chez certains joueurs.

Le duel entre Charlie Dalin et Yoann Richomme donne lieu à une intense bataille à suspense en tête du Vendée Globe. Qui du skipper de Macif Santé Prévoyance ou de celui de Paprec Arkea arrivera en tête aux Sables-d’Olonne? Une chose semble certaine: sauf incroyable galère dans la remontée de l’Atlantique, le vainqueur de cette dixième édition du Vendée Globe explosera le record établi en 2017 par Armel Le Cléac'h (74 jours, 3 heures, 35 minutes et 46 secondes). Le chrono du marin breton devrait même être pulvérisé par celui qui sortira gagnant de cet affrontement entre Charlie Dalin et Yoann Richomme.

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Une performance historique qui a surpris de nombreux observateurs et… les passionnés de Virtual Regatta. Si les tous meilleurs de cette simulation avaient pris l’habitude de rivaliser avec les marins du Vendée Globe, l’édition 2024-2025 a vu les skippers réels creuser parfois de sacrés écarts avec les leaders du classement virtuel. Mais du côté de la plateforme on regrette un peu ce procès d’intention fait au jeu qui séduit encore plus de 820.000 participants.

"En fait je pense, sincèrement, qu’il s’agit d’un faux problème", se défend Thomas Gauthier, directeur général de Virtual Regatta, auprès de RMC Sport.

"Les conditions, d’un Vendée Globe à l’autre, peuvent être très différentes. Sur le dernier Vendée Globe, il y a un trou qui s’était fait entre la tête de course virtuelle et la tête de course réelle et où chacun était rentré dans un système météo pas vraiment au même moment. Et cet écart-là n’avait jamais pu être rattrapé par les bateaux réels. Là, c’est un petit peu l’inverse qui se passe."

Des records en pagaille qui ont surpris (et pas que chez Virtual Regatta)

Utilisant volontiers son exemple personnel, et sa 4440e place au classement général sur Virtual Regatta, le dirigeant d’entreprise rappelle aussi que malgré les critiques de certains joueurs qui ont pu être relayées sur les réseaux sociaux ou dans la presse, les tous meilleurs de Virtual Regatta continuent d’être au coude à coude avec de nombreux marins du Vendée Globe. Le problème éventuel vient de l’écart avec le trio Dalin-Richomme-Simon en tête de course. A la fois pour les utilisateurs du jeu en ligne que pour les skippers réels puisque le quatrième du classement général, Sam Goodchild accuse 2370 miles de retard sur le leader.

"Le trio de tête est sur un bateau de tout dernière génération et il n’y a pas que chez Virtual Regatta qu’on a été étonné de leurs performances exceptionnelles", glisse encore Thomas Gauthier. "En tout cas sur la descente de l’Atlantique, là où ils ont principalement creusé l’écart, il faut savoir que le record mondial de vitesse absolue à la voile sur 24h a été battu coup sur coup cinq ou six fois."

Sans oublier des conditions météo idéales qui ont aidé les participants du Vendée Globe à rapidement prendre une belle avance, du moins les tous meilleurs. Des navigateurs hors-norme.

"Il faut voir qu’on est sur des marins exceptionnels. Pour avoir navigué à plusieurs reprises avec Yoann Richomme, c’est vraiment un marin, un tacticien et un météorologue d’exception. Et ils sont sur des bateaux extrêmement bien préparés, extrêmement bien pensés et designés aussi", enchaîne le patron de Virtual Regatta. "On est quand même sur un Vendée Globe vraiment particulier. Il y a très peu d’abandons par rapport à d’habitude, quasiment pas de casse et de naufrage. Et à côté de ça, oui je peux comprendre que ça soit moins marrant pour nos skippers d’élite de ne pas naviguer au contact de ces skippers d’exception."

"Pas d’écarts aussi flagrants qui nous auraient mis la puce à l’oreille"

Certains joueurs de Virtual Regatta, frustrés de ne pas pouvoir lutter avec les tous meilleurs marins du Vendée Globe ont accusé le développement technique de la simulation. Et notamment à cause de la vitesse maximale des voiliers sur le jeu. Si certains marins du Vendée Globe peuvent voguer à près de 40 nœuds dans des conditions idéales, ceux de Virtual Regatta sont limités 22,7 nœuds. "Nos Imocas virtuels ont les polaires de 2016", se plaignait même dès le mois de novembre un internaute sur le forum de Virtual Regatta.

Des critiques compliquées à entendre pour Thomas Gauthier. A ses yeux, difficile d’anticiper un tel fossé au niveau des vitesses de pointe compte-tenu des courses récentes antérieures au Vendée Globe. "Ah non, non, non… Les polaires (les données graphiques qui permettent d’anticiper la vitesse potentielle d'un voilier en fonction du vent) ont été revues quasiment chaque année. Alors, effectivement, pas forcément de manière aussi importante que ça avait été le cas en 2016 car il y avait eu une grosse évolution en termes de vitesse cette année-là quand on avait mis pour la première fois des foils sur le bateau", décrypte encore Thomas Gauthier pour RMC Sport. "Si on prend, parce que nous on fait des courses en Imoca toute l’année, des différentiels de vitesse aussi importants, on n’en a pas remarqué ni sur la Transat Jacques Vabre ni sur la Route du Rhum ni sur les dernières New York-Vendée. […] On ne retrouvait pas d’écarts aussi flagrants qui nous auraient mis la puce à l’oreille pour complètement changer les polaires."

Et de préciser que les équipes de Virtual Regatta demeurent à l’affût d’innovations techniques pour améliorer, sinon ces fameuses polaires, d’autres éléments du jeu. "Les sujets sur lesquels on a travaillé principalement ce sont plutôt la fatigue du skipper ou les temps de manœuvres, qui sont complètement à la marge par rapport aux performances globale du bateau."

Un risque d’enflammade chez les meilleurs de Virtual Regatta?

Le début de frustration que certains joueurs de Virtual Regatta ont pu ressentir s’explique surtout par le différentiel avec la précédente édition du Vendée Globe. Si en 2020-2021, un marin virtuel avait devancé Yannick Bestaven et Charlie Dalin aux Sables-d’Olonne, c’est le sentiment ne pas lutter à armes égales avec les cadors de cette année qui pose problème. Une déception un peu hors de propos pour Thomas Gauthier.

"De ce que j’ai pu lire, certains joueurs avant se pavanaient, même si ce n’est pas forcément le bon terme. Ils étaient très heureux d’être devant la flotte réelle, ce qui dans l’absolu n’a pas vraiment de sens parce qu’entre nous. On ne vit pas la même chose derrière nos ordinateurs que les skippers qui sont actuellement sur le Vendée Globe", dénonce le DG de Virtual Regatta. "Il faut quand même que l’on reste un petit peu à notre place."

Les meilleurs joueurs de Virtual Regatta face aux skippers réels du Vendée Globe
Les meilleurs joueurs de Virtual Regatta face aux skippers réels du Vendée Globe © DR RMC Sport

Avant de rappeler que les premiers de la flotte virtuelle ne se trouvaient pas si loin d’un groupe de marins talentueux mais eux aussi distancés par le trio de tête: "Là on est sur un jeu où il y 820.000 participants à l’heure à laquelle on se parle. Si on regarde la flotte, les premiers se battent au contact de la zone interdite au large du Brésil. Ils sont juste derrière des bateaux comme celui de Justine Mettraux et du groupe où il y a Boris Hermann, Thomas Ruyant et Jérémie Beyou... qui sont quand même des skippers qui ne sont pas n’importe qui. La flotte (de Virtual Regatta) est plus ou moins au contact de cette partie de la flotte."

"J’ai un groupe à l’est qui est un petit peu derrière Biotherm et Holcim qui sont là des bateaux récents et de dernière génération. Holcim c’est un Imoca de dernière génération, le bateau de Nicolas Lunven, et il a lui-même battu un record de vitesse sur 24h en début de course."

"L’exception du réel est très compliquée à simuler"

Afin de faire taire les critiques éventuelles des joueurs, les équipes de Virtual Regatta peuvent-elles corriger immédiatement le tir et modifier les polaires ou d’autres éléments? Pas si sûr. Difficile, par exemple, d’imaginer les développeurs travailler main dans la main avec des skippers au moment de la conception de leurs propres outils. Si techniquement c’est de l’ordre du possible, et cela avait été brillamment fait avec le trimaran Banque Populaire pour un relais de la flamme olympique, c’est en réalité plus compliqué car Virtual Regatta reste dépendant des données que les équipes veulent bien leur fournir sur les polaires des skippers. Et un dans un sport aussi compétitif que la voile, l’idée de garder un avantage technologique peut avoir une vraie importance.

Le patron de Virtual Regatta insiste également sur les limites techniques de la simulation vis-à-vis des skippers réels. "Ils ont battu des records donc ça veut dire qu’ils étaient au-delà de leurs polaires à eux. Nous, comme on n’a pas tous ces éléments-là, une fois qu’on est en butée sur la polaire, on est dans un coin du tableau en ligne et colonne donc on ne peut pas aller plus loin. Finalement ce ne sont que des maths en fait. L’exception du réel est très compliquée à simuler."

Virtual Regatta veut riposter avec deux nouveaux modes de jeu encore "dans les cartons"

Autre problématique essentielle à prendre en compte, un point vital même pour une société comme Virtual Regatta: le besoin de rester accessible au plus grand nombre "tout en restant la plus réaliste possible". Mais pour ceux qui voudraient, justement, encore plus de détails pour influencer la destinée de leur bateau sur la simulation.

"On s’aperçoit dans les équipes chez Virtual Regatta qu’il y a un besoin d’aller un peu plus loin dans la précision de la simulation. En fait, le gros challenge ça va être, nous aussi, d’aller plus loin dans l’aspect simulation. Et on réfléchit actuellement, c’est encore dans les cartons et rien n’est encore vraiment lancé, à différents modes de jeu", confie Thomas Gauthier auprès de RMC Sport. "Ce serait justement soit d’aller encore plus vers le grand public, avec un mode encore plus simplifié avec notamment un système de météo accéléré où on pourrait traverser l’Atlantique en quelques coups sur quelques heures ou pourquoi pas quelques minutes. […] Mais on envisage aussi un mode de jeu un peu plus expert qui serait vraiment dédié à ces joueurs en recherche de plus de détails et de précision dans la simulation et dans lequel on intègrerait pourquoi pas le courant et l’état de la mer."

Un tel mode qui permettrait aux joueurs les plus ambitieux de tester véritablement leur connaissance des polaires pour les mettre en concurrence avec les marins du Vendée Globe…malgré quelques milliers de kilomètres de distance.

Jean-Guy Lebreton Journaliste RMC Sport