
Liège-Bastogne-Liège: Remco Evenepoel, l'homme qui peut empêcher Tadej Pogacar de tout rafler ?
Une razzia. Une domination sans partage. Un règne digne d’un cannibale. Appelez-ça comme vous voulez, le constat est à chaque fois le même. En dix-huit jours de course cette saison, Tadej Pogacar a décroché douze victoires. Et pas n’importe lesquelles. En véritable glouton, il a démarré 2023 par des succès en Espagne, avant de se balader sur Paris-Nice et de s’attaquer à d'autres terrains de jeu avec les classiques. On l’imaginait peut-être un ton en dessous de Wout van Aert et Mathieu Van der Poel sur le Tour des Flandres ? L’ogre slovène a répondu en décrochant un troisième Monument différent à seulement 24 ans après avoir écœuré ses deux grands rivaux. On se demandait s’il serait capable d’une nouvelle démonstration sur l’Amstel Gold Race ? Il a encore écrasé la concurrence. Même chose trois jours plus tard sur La Flèche Wallonne. Le voilà donc en lice pour réaliser un fabuleux triplé sur les Ardennaises.
Seuls deux coureurs ont réussi pareille performance avant lui : le regretté Davide Rebellin en 2004 et le néo-retraité Philippe Gilbert en 2011. Pour rentrer un peu plus dans l’histoire, Pogacar doit donc triompher dimanche sur Liège-Bastogne-Liège. Trop facile pour lui ? Pas si sûr. Bonne nouvelle pour le suspense, un homme semble capable de dompter la bête. Un autre phénomène, évidemment : Remco Evenepoel. Sacré roi de Liège en 2022 après un raid solitaire au cours une édition marquée par la lourde chute de Julian Alaphilippe, le Belge aura plusieurs objectifs au moment de prendre le départ. D’abord sauver la saison des classiques de son équipe Soudal-Quick Step. Envoyer un signal fort, aussi, à l’approche du Giro (6-28 mai). Et puis pourquoi pas devenir le premier coureur à conserver son titre dans les Ardennes depuis Michele Bartoli en 1998. Vainqueur en 2021, Pogacar n’avait pas pris le départ l’an dernier en raison d’un deuil familial. Cette fois, le quatrième Monument de l’année aura des airs de blockbuster. Un duel cinq étoiles entre deux prodiges dont la dernière confrontation remonte aux Mondiaux sur route de Wollongong (Australie) remportés par Evenepoel, en septembre.
Merckx vote Evenepoel
A Liège, le leader du Wolfpack arrive frais comme un gardon. Même s’il n’a pas chômé depuis sa victoire au Tour de Catalogne. Ses futurs lieutenants sur le Tour d’Italie ont souffert avec lui lors d’un stage en altitude du côté des Canaries. Mercredi, pendant que Pogacar s’amusait sur La Flèche, Evenepoel était encore sur le volcan Teide pour une longue session d'entraînement. Et son patron Patrick Lefevere l’assure, sa forme est excellente. "En tout cas, il a fait tout ce qu’il fallait. Il a fait le Tour d’Argentine, il a fait l’UAE Tour qu’il a gagné, il a fait deuxième du Tour de Catalogne (derrière Primoz Roglic), peut-être avec quelques erreurs de jeunesse. Puis il est parti à Tenerife. Il a tout fait pour être prêt", expliquait cette semaine le manager de la Soudal-Quick Step dans le podcast de RMC "Grand Plateau". Tout en cherchant à enlever un peu de pression à son champion de 23 ans. "Est-ce qu’il est le seul à pouvoir dompter Pogacar ? Il ne faut pas exagérer. Si c’est le seul coureur au monde qui peut battre Pogacar… Il est aussi humain. Il peut être battu. On ne peut pas toujours dire que Remco peut battre n’importe qui." C’est pourtant ce que pense un certain Eddy Merckx.
S’il reconnaît volontiers être tombé sous le charme de Pogacar, le "Cannibale" mettrait plutôt un petit billet sur Evenepoel pour la Doyenne, comme il l’a confié auprès du journal Le Soir : "J’estime que la fraîcheur devrait parler. Liège-Bastogne-Liège, c’est une classique de 250 kilomètres et, par rapport à Pogacar qui est à la bourre depuis quelques semaines, Evenepoel aura un avantage. Remco est mon favori pour cette raison en particulier car, mine de rien, Pogacar a déjà beaucoup donné. Après une telle distance, c’est la fraîcheur qui parle, pas les courses précédentes." La pancarte de grand favori au-dessus de la tête du vainqueur sortant ? L’image ne déplaît pas à Pogacar : "Remco est le tenant du titre et il est champion du monde. Il a montré ce qu'il pouvait faire cette année. Il est fort sur les ascensions. Et il revient d'un stage en altitude. (…) J'irai pour la gagne. Je suis super motivé au sein d'une très forte équipe. Le résultat, on verra... La tâche sera ardue, d'autant qu'avec la participation de Remco ce sera certainement l'une des courses les plus excitantes de la saison." Avec la perspective d'un combat des chefs qui ne semble pas déstabiliser Evenepoel. Au contraire.
"Je pense qu'il faut le prendre comme un honneur, mais rester calme, a-t-il déclaré ce vendredi lors d'un point presse. Le parcours me plaît, être ici avec le maillot de champion du monde et le dossard n°1, c'est très spécial. Ça va m’aider à pousser quelques watts de plus. L’ambition est simple, c’est de gagner. Pogacar ? Nos préparations ont été différentes. La mienne a surtout été axée autour du Giro, mon objectif principal. Liège-Bastogne-Liège est un grand test pour moi. C'est la plus belle des classiques. Tadej est un grand champion, un grand talent. Est-ce que j'ai été impressionné par son printemps ? Non, car c'est normal pour lui. Je n'ai que du respect pour lui et je ne suis pas étonné." Admiratif, donc, mais sûr de lui et de sa capacité à rivaliser. Au point d'imaginer un scénario qui verrait la bataille royale annoncée par tous les pronostiqueurs se conclure... au sprint. "Bien sûr, il est préférable d'arriver seul. Mais si ça doit arriver, je n'ai pas peur. J'ai déjà battu Roglic au sprint et il a déjà battu Pogacar. Mais c'est une course longue et épuisante. En plus il va pleuvoir et il ne fera pas chaud." Les ingrédients parfaits pour une course de légende.