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Tour de France: Alaphilippe peut-il viser la victoire finale à l'avenir?

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Vainqueur ce lundi de la troisième étape à Epernay en solitaire, Julian Alaphilippe s'est emparé du maillot jaune, une première pour un Français sur le Tour de France depuis cinq ans. Mais peut-il viser la victoire finale, à court ou moyen terme? Tout dépendra de sa stratégie et de la gestion de sa saison.

Chaque année, l'espoir renaît. Celui de trouver (enfin) un successeur à Bernard Hinault et de voir un Français remporter le Tour de France. Les prétendants se succèdent au fil des éditions, des victoires d'étapes et autres coups d'éclat. Des podiums aussi. Mais alors que Thibaut Pinot et Romain Bardet sont cités depuis plusieurs années comme de potentiels prétendants, tous n'ont plus qu'un nom en tête: celui de Julian Alaphilippe.

Le coureur Deceuninck-Quick Step a remporté en solitaire la troisième étape de la Grande Boucle à Epernay ce lundi, et s'est emparé du maillot jaune. Aucun Français ne l'avait plus porté sur le Tour depuis le 14 juillet 2014 et Tony Gallopin. "C'est quelque chose dont on se souvient à vie, je suis content de marquer l'histoire du maillot jaune. Maintenant, je vais me battre pour le garder le plus longtemps possible, même si je sais que ça va être difficile", confiait-il après la course. 

"Il faut qu'il change complètement sa façon de courir"

Et le garder... jusqu'aux Champs-Elysées? Difficile de l'imaginer pour l'instant. Car c'est une chose de jouer les animateurs flamboyants, de tenter des coups en chien fougueux et d'arracher une étape. Cela en est une autre de gérer trois semaines de course. 

"Je pense qu'il a les capacités pour pouvoir le faire (gagner un Grand Tour ndlr). Mais il faut qu'il change complètement sa façon de courir", estime notre membre de la Dream Team RMC Sport Cyrille Guimard, qui a eu le coureur de 27 ans sous ses ordres en équipe de France. Une question de stratégie. Mais aussi d'organisation de sa saison. 

Une question de calendrier et d'ambitions

"Déjà, il faudrait qu'il se le mette dans la tête parce qu'il ne l'a pas dans la tête pour l'instant, poursuit l'ancien sélectionneur des Bleus. Et son programme de courses sur l'ensemble de l'année n'est pas fait en fonction du Tour, mais en fonctions d'autres épreuves, qu'il va d'ailleurs gagner comme la Flèche wallonne. Pour le Tour, il vient un peu en franc tireur, en Fanfan la Tulipe, ce qui lui a très bien réussi jusqu'à aujourd'hui. Mais pour gagner le Tour, il faut se le mettre dans la tête pendant un an et ne travailler que pour cela. Est-il prêt, aujourd'hui, à le faire? Je n'en suis pas convaincu."

Pas vraiment une équipe pour viser le général

Patrick Lefevere, manager de l'équipe Deuceninck-Quick Step, était déjà sur cette longueur d'onde en mars dernier. "Cette question vient chaque année, surtout en France. J’avais répondu la même chose à l’époque pour Sylvain Chavanel. Est-ce qu’il peut rester calme trois semaines? En rigolant, on dit toujours que le Tour de France se gagne dans le lit. Il faut faire beaucoup de repos entre les étapes et ne jamais gaspiller d’énergie. Julian a énormément d’énergie sur le vélo et à côté. Peut-il gagner un grand Tour? Pour l’instant, non, assurait-il. S’il se construit un palmarès et qu’à 30 ans il se dit 'je veux savoir', il peut le faire."

Deux fois vainqueur d'étape l'an dernier, Julian Alaphilippe avait achevé le Tour de France à la 33e place du classement général, en remportant le maillot de meilleur grimpeur. Mais le Français garde toujours en tête les classiques et ne focalise donc pas encore sa saison sur les trois semaines de juillet. Pour preuve avec ses succès sur Milan-San Remo ou la Flèche wallonne cette année. Encore un peu tôt donc pour changer de braquet?

La relève est déjà là

"Ce qui m'embête, c'est que c'est maintenant qu'il faut gagner, insiste Cyrille Guimard. Egan Bernal n'a que 22 ans, David Gaudu aussi. Voilà des garçons qui dans trois ou quatre ans seront un cran au-dessus. Et d'autres jeunes de moins de 23 ans arrivent, de vrais bombes. Ce n'est pas simple." Avant le Tour, Alaphilippe a signé pour deux saisons de plus chez Quick Step, un team très orienté classiques et monuments. Pas forcément l'idéal pour viser le général. 

Ineos pas insensible

Ineos n'est pas insensible aux charmes du Français. Nicolas Portal, directeur sportif de l'ancienne Sky, ne se cache pas et suit de près le coureur. Autant dire que si l'envie lui prend de tout miser sur le Tour, un point de chute pourrait être facilement trouvable.

"Le classement général, c'est apprendre à faire trois semaines. Parfois, il faut s'asseoir sur des ambitions comme des victoires d'étapes, ou ne pas faire ce qu'il a fait. Parce que parfois, on se retrouve au pied de la dernière bosse à craquer, on perd 30 secondes et le général est foutu. Pour le moment, cela lui sourit. Mais à un moment, il peut se dire 'ok, maintenant je veux vraiment tenter de faire trois semaines'. Si c'est à ce moment qu'on le prendra? Peut-être (rires)!" Si ce n'est pas un message...

A.Bo