Primes, engouement, longueur de l'épreuve... Six questions sur l'avenir du cyclisme féminin après le triomphe de Pauline Ferrand-Prévot sur le Tour de France

Le Tour de France Femmes pourrait-il durer trois semaines?
L’une des grandes différences entre le Tour masculin et féminin, c’est la durée. Vingt-et-une étapes pour les garçons, contre neuf pour les filles. Pendant longtemps, on ne pensait pas les coureuses capables d’endurer de tels efforts pendant trois semaines. Pourtant, Paul Brousse, le sélectionneur de l’équipe de France féminine, est catégorique: "Physiquement, il n'y a aucun problème. Il n'y a pas de raison physiologique qui fait qu'elles ne peuvent pas faire autant de kilomètres et d'heures de selle que les hommes".
Pour autant, selon lui, "il ne faut pas aller trop vite et laisser le temps aux équipes de se structurer. Dans une équipe féminine, il y a quinze, seize, dix-sept coureuses maximum. Une équipe hommes, c’est quasiment quarante! On ne peut pas se permettre de faire courir les filles 110 jours à l'année non plus." Jeannie Longo, figure française du cyclisme avec trois victoires du Tour au compteur (1987, 1988, 1989), confirme: "Les filles sont déjà bien endurantes" mais "il faudra que le peloton fasse un gros effort tactique".
Une course qui chevauche celle des hommes, est-ce une bonne idée?
Un Tour de France femmes qui commence deux jours avant la fin de celui des hommes… On aurait pu penser que ce calendrier serait défavorable aux coureuses. En réalité, il semblerait qu’elles aient au contraire bénéficié de l’élan populaire qui a poussé les Français sur le bord des routes et devant leurs télévisions pour assister notamment au triomphe de Pauline Ferrand-Prévot.
"Les audiences de la dernière étape sont exceptionnelles", peine à réaliser Paul Brousse. "C’est du jamais vu! Je pense que le passage de relais entre les deux Tour, c’est le bon format."
Plus de suspense chez les femmes que chez les hommes?
"L’immense domination de Tadej Pogacar cette année chez les garçons a rendu la course presque un peu ennuyante... Beaucoup de fans de cyclisme avouent avoir moins vibré durant cette édition, qui semblait gagnée d’avance. Et si c’était ça, aussi, qui avait donné envie de regarder le Tour de France femmes? "C'est sûr que ça a été incertain jusqu'à samedi", se remémore Paul Brousse. "Le cyclisme féminin actuel reste très homogène, il y a beaucoup plus de surprises. Parfois, il y a aussi des scénarios stratégiques de course qu'on ne retrouve pas chez les hommes, avec des écarts qui fondent d'un coup parce que, devant, on arrête de s'organiser. C'est le même sport, mais on va dire que, parfois, les manières de courir sont différentes. Elles sont plus attractives." Pour Marie-Françoise Potereau, vice-présidente de la fédération française de cyclisme, il y a également un vrai phénomène de curiosité: "Je pense que c'est ça, aussi, qui anime les gens. Ils ont envie de voir si elles peuvent le faire. Ils se demandent: 'Mais vous croyez vraiment qu'elles vont monter, là?'. C’est cette curiosité qui les attire."
La nouvelle génération attirée par le cyclisme féminin?
Pauline Ferrand-Prévot le dit elle-même: à dix ans, elle voulait être un garçon pour pouvoir faire le Tour de France. En 2025, les petites filles n’ont plus besoin d’imaginer devoir changer de sexe pour espérer réaliser leurs rêves. Pauline Ferrand-Prévot, Maëva Squiban, Juliette Labous… les modèles ne manquent pas. De quoi créer un engouement chez cette nouvelle génération? "Sur le bord des routes, il y avait beaucoup de petites filles", se rappelle Marie-Françoise Potereau. "Il va y avoir aussi une prise de conscience dans les clubs, et nous, les fédérations, on va les accompagner de façon à ce qu'ils se structurent davantage, qu'ils forment davantage leurs entraîneurs à l’encadrement des femmes." Paul Brousse confirme: "Moi, je suis tombé amoureux du vélo en regardant le Tour de France, en voyant Richard Virenque avec son maillot à pois faire des épopées dans la montagne... Du coup, là, forcément, quand on a une Française qui gagne le Tour de France, qui regagne l'étape avec son maillot jaune, ça a un impact incroyable et ça va forcément donner envie."
Quels salaires pour les coureuses?
Avec sa victoire sur le Tour de France 2025, Pauline Ferrand-Prévot a reçu une prime de 50.000 euros. Tadej Pogacar, son homologue masculin, a lui gagné 500 000 euros. Une différence colossale que beaucoup justifient par le nombre d’étapes, plus élevé pour les hommes. Une explication qui ne tient pas, selon Paul Brousse: "Je pense qu'il faut qu'il y ait une égalité à tout point de vue, notamment sur ces sujets de primes de victoire. Dix fois moins… Les garçons n'ont pas fait 90 jours de course! Je pense qu'il faut redonner de la cohérence à ça."
Les coureuses mettent-elles leur santé en danger?
La Française Cédrine Kerbaol a exprimé son inquiétude concernant la maigreur dans le peloton. En perdant toujours plus de poids pour être plus performantes, les coureuses risquent-elles de plonger dans l’anorexie? Jeannie Longo avoue s’être inquiétée de la minceur de Pauline Ferrand-Prévot lors de cette édition: "Elle m’a fait un petit peu peur, je l’ai trouvé très amaigrie, fatiguée. Bon là ça va, c’était huit jours, c’est fini, elle rentre chez elle, elle va peut-être reprendre un kilo, elle va se reposer. Mais sur quinze jours, est-ce qu’elle aurait pu tenir?"
La triple vainqueure du Tour, a, elle-même, connu ce dilemme durant sa carrière: "J’ai abaissé mon poids de forme pour avoir le maillot jaune, je me disais que, pour gagner, il fallait que je sois plus maigre. Et quand on est mince, il faut regarder tout ce qu’on mange, il faut faire attention à tout, c’est très contraignant mentalement et physiquement. Il ne faut pas basculer du mauvais côté."
Marie-Françoise Potereau regrette de son côté que cette question ne se pose que pour les femmes: "Ils ne sont pas maigres les garçons du peloton? C'est pareil, c'est le même phénomène. On sait que le poids est l'ennemi du cycliste, ça a toujours existé. Si vous êtes bien encadré, bien suivi, le risque ne doit pas exister. Je pense que les entraîneurs, les encadrants, sont tous très vigilants sur ce sujet".