Evenepoel chez Red Bull: "Il va y avoir de la casse", Madiot alerte face au déséquilibre creusé par les "équipes mastodontes"

"Quatre ou cinq équipes vont monopoliser les 100 meilleurs coureurs du peloton." Invité de RMC ce mercredi, Marc Madiot a tiré le signal d'alarme. À peine 24 heures après l'annonce de l'arrivée la saison prochaine de Remco Evenpoel dans la formation allemande Red-Bull Bora, le manager de la Groupama-FDJ s'est inquiété des problématiques qui découlent de ce recrutement.
Car pour lui, le départ du champion olympique belge de la Soudal-Quick Step est symptomatique de ce qu'est en train de devenir le cyclisme des années 2020: un cercle fermé de quelques équipes aux budgets démesurés qui phagocyte tous les talents des autres formations.
"Quasiment 30 leaders" chez UAE
Chez Red-Bull, Remco Evenepoel sera leader aux côtés du Slovène Primoz Roglic et de l'Allemand Florian Lipowitz dans une formation où l'on trouve déjà Jai Hindley, Daniel Felipe Martinez, Maxim Van Gils ou encore Giulio Pelizzari. Une accumulation de stars qui inquiète Marc Madiot.
"La tournure des événements est enclenchée depuis un petit moment déjà, a-t-il assuré. Il y a un renforcement des effectifs dans les équipes mastodontes. Il suffit de regarder la composition d'une équipe comme la UAE de Tadej Pogacar: il y a 30 coureurs pour quasiment 30 leaders. Quatre ou cinq équipes vont monopoliser les 100 meilleurs coureurs du peloton. Ça pose un problème d'équilibre dans les courses."
Et d'ajouter: "Après, c'est le rôle de l'UCI de réguler et de mettre en place des moyens qui permettent d'équilibrer la répartition des forces. Aujourd'hui, elle se fait par l'argent, et ceux qui ont le plus d'argent ont le plus de bons coureurs. C'est logique."
Mais alors, quels sont les moyens de mettre le holà à cette fuite en avant? Pour le consultant RMC Jérôme Pineau, ancien coureur et manageur d'équipe, plusieurs pistes sont évoquées comme l'instauration d'un "salary cap" ou d'un nombre maximum de points UCI par équipe. "C'est une réflexion qui est menée par l'UCI parce qu'il faut trouver des moyens de légiférer tout cela, a-t-il expliqué. Sinon on part vers 3-4 équipes qui dominent et les autres ramassent les miettes."
Le mauvais exemple du foot
Autre possibilité: instaurer un système de transferts. Une hypothèse qui prend petit à petit de l'ampleur puisque les cas de coureurs qui ne vont pas au bout de leur contrat se multiplient ces dernières années. Ce que Marc Madiot n'apprécie pas. "C'est quand même une bonne chose que, quand on s'engage sur un contrat, on le respecte jusqu'au bout. Si on rentre dans le système des rachats de contrats, cela peut aussi créer d'autres problèmes. On ressemblerait de plus en plus au foot. Et je ne suis pas sûr que ce soit forcément la bonne option."
Même s'il "s'élève évidemment contre les possibles dérives", Jérôme Pineau verrait l'instauration des transferts d'un bon oeil. "Si ça peut permettre à certaines équipes qui ne peuvent pas garder leurs talents de recevoir une indemnité de transfert, cela peut les aider à s'en sortir, a-t-il lancé sur notre antenne, mentionnant la situation d'Arkea B&B Hotels. Je ne sais pas si ça sauverait Emmanuel Hubert mais Kévin Vauquelin est très convoité et son transfert pourrait mettre du beurre dans les épinards."
Le manager de la Groupama-FDJ a également souligné un autre facteur de disparités: les charges sociales, beaucoup plus élevées en France que dans d'autres pays. "En France, on sait qu'on a des problèmes avec les charges sociales car on est sur des modèles de contrats de travail là où les autres sont sur des contrats de travailleurs indépendants, a rappelé Marc Madiot. En France, on a tous les boulets qui nous empêchent d'être compétitifs."
C'est pourquoi il a une proposition: "mettre toutes les équipes dans le même pays en termes de régime social". "L'UCI siégeant en Suisse, pourquoi ne pas faire en sorte que toutes les équipes y soient basées juridiquement? Cela permettrait d'avoir une égalité de traitement concernant les contrats."
Quelle que soit la solution trouvée, il y a urgence selon Jérôme Pineau. "Il va falloir trouver des solutions si on ne veut pas continuer à creuser le fossé qui en ce moment est plus un gouffre", a-t-il alerté.