Dopage: après une "montée en puissance" de son action en 2024, l'AFLD se prépare à de nouvelles menaces

L'AFLD a présenté ce mardi son rapport d'activité sur l'année 2024 où la France a notamment accueilli les Jeux olympiques à Paris. L'agence de lutte contre le dopage a notamment rappelé l'importance de son modèle à l'heure où l'utilisation du dopage s'organise avec des menaces nouvelles comme les "Enhanced Games".
Le rugby en tête des contrôles
Le rugby arrive en tête du nombre de contrôles effectués (2608) par l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) devant le football (1683) et le cyclisme (1501). En tête également du nombre d'échantillons prélevés qui révèlent une analyse anormale (18) sur cette année 2024. Avec de nombreuses affaires liées à la prise de cocaïne dans le rugby.
"À travers nos affaires disciplinaires on voit qu'il y a un lien entre la cocaïne et le rugby", assure Jérémy Roubin, le secrétaire général de l'AFLD. "A la fois dans des cadres 'récréatifs' et sans lien évident avec la performance, mais aussi en compétition avec la recherche d'effets stimulants. Mais il ne faut pas non plus limiter le dopage dans le rugby à la cocaïne. Il y a aussi d'autres substances comme les stéroïdes anabolisants par exemple qui peuvent être aussi tout à fait dangereux pour la santé."
L'AFLD souligne le rôle moteur et les bonnes relations avec la fédération française et la ligue nationale de rugby sur cette question du dopage. "Ils ont conscience du problème et ont l'envie d'avancer", prolonge le patron de l'AFLD. "Et surtout ils veulent être pilotes dans l'éducation et la prévention antidopage pour que le rugby soit pilote, non seulement en matière de contrôle mais aussi en matière de prévention et d'éducation antidopage"
13 contrôles anormaux en MMA
Sans surprise, les sports de combat arrivent également en tête du ratio nombre de contrôles/contrôles anormaux. 13 contrôles anormaux par exemple pour le MMA sur les 253 prélèvements. Mais, bonne nouvelle, c'est deux fois moins que l'an dernier.
"On note des améliorations", admet Jérémy Roubin. "Les contrôles sont de plus en plus nombreux, ils ont été aussi plus dissuasifs. On sait que ce sera un long chemin pour cette discipline qui est en recherche de respectabilité, d'implantation et qui attire des jeunes. La contrepartie c'est qu'il faut que les instances de MMA soient absolument exemplaires en matière de lutte contre le dopage s'ils veulent arriver à faire de ce sport un sport qui soit recommandé, et recommandable à tous les pratiquants".
Le tennis dans son coin
Un chiffre interpelle dans le rapport d'activité de l'AFLD: le faible nombre de contrôles effectués dans le tennis avec seulement 122 prélèvements pour une fédération qui compte plus d'un million de licenciés. "Sur le tennis nous devons nous articuler avec la fédération internationale de tennis et son agence internationale pour l'intégrité du tennis (ITA) qui est une nouvelle venue dans le monde de l'antidopage et qui a la priorité sur les contrôles dans les compétitions internationales avec des politiques très différentes sur la collaboration avec les agences nationales antidopage. On l'a bien trouvée avec l'AIU sur l'athlétisme ou avec l'ITA sur d'autres disciplines et il nous reste à la trouver avec la fédération internationale de tennis."
Mais l'AFLD rappelle que ces tableaux et leurs résultats chiffrés de contrôles anormaux ne sont qu'une partie de la lutte antidopage. "Les contrôles ont une fonction extrêmement dissuasive et utile pour la détection de tests positifs", explique Jérémy Roubin. "C'est un excellent baromètre. Mais ce n'est pas le seul indicateur de l'efficacité de la lutte antidopage. Ce ne sont pas seulement les tests positifs sur une grande compétition qui est le baromètre de l'efficacité de la lutte antidopage."
"Aujourd'hui la lutte antidopage est surtout hors compétition, en amont et grâce aux renseignements et aux moyens d'investigation. C'est moins visuel qu'un test positif qui parle à tout le monde, que l'on peut quantifier."
L'héritage antidopage des JO de Paris 2024
S'ils ont longtemps été un "horizon" pour l'AFLD, les Jeux olympiques de Paris 2024 ont "permis d'accélérer la montée en puissance de l'agence pour être au niveau d'une grande nation olympique et paralympique", indique Jérémy Roubin. "Les Jeux ont permis cet acquis qui est un véritable héritage pour l'Agence française de lutte contre le dopage. En revanche, on a conscience que c'était aussi une étape et c'est la raison pour laquelle on ne peut pas s'arrêter en considérant que tout a été fait sur l'antidopage."
L'AFLD compte se servir de cette base pour continuer son développement "à travers des nouvelles capacités pour nous d'avoir des investigations, de collecter du renseignement. Les Jeux de Paris 2024 ont correspondu pour nous à l'arrivée de nos pouvoirs d'enquête en 2021. Nous avons mis en place des partenariats avec l'agence de contrôle internationale, l'ITA, avec les forces de l'ordre comme l'OCLAESP qui est le service enquêteur au niveau national pour les faits de dopage, mais aussi avec les douanes ou encore avec les parquets spécialisés à Paris et à Marseille en matière d'affaires de dopage."
Des JO qui ont aussi permis de mettre en avant les manques sur cette thématique. "Ça a été traduit dans le projet de loi qui est en cours d'examen au Sénat pour la préparation des Jeux d'Alpes 2030. Avec par exemple la possibilité d'inspecter visuellement, voire de fouiller dans certaines conditions des bagages pour faire des levées de doutes. Concrètement c'est aussi le renforcement des capacités de partage des données qui nous permettent d'être plus pertinents dans nos missions quotidiennes."
La menace des "Enhanced Games"
C'est "une question très préoccupante", selon la présidente de l'AFLD Béatrice Bourgeois: en 2025, la première édition des "Enhanced Games" aura lieu à Las Vegas aux Etats-Unis. Une compétition où la prise de produits dopants est autorisée. "C'est un sujet où l'on voit les limites du système international antidopage tel qu'il existe aujourd'hui. En France, de tels jeux ne pourraient pas avoir lieu car ce sont des jeux qui permettent l'utilisation de produits interdits et les encouragent. Ce qui tombe sur le coup d'incitation à commettre des infractions pénales et donc une atteinte à l'ordre public et donc une interdiction administrative."
"Ce n'est pas une menace traditionnelle que l'on a toujours eu en tête sur le dopage qui est plutôt le dopage d'Etat", poursuit Jérémy Roubin. "Mais un dopage privé, mercantile, un sport spectacle totalement indifférent à la santé des sportifs. Ce qu'il faut craindre c'est que ces 'Enhanced Games' soient une vitrine commerciale. On ne croit pas trop à la philanthropie des organisateurs de ces jeux améliorés et c'est en ça qu'il faut dépasser l'aspect purement réprobateur et se demander comment lutter efficacement contre des comportements qui seront assez puissant s'il y a les fonds financiers qui les soutiennent. S'ils investissent dans de tels jeux c'est qu'ils ont des arrières pensés de retours sur investissement."
"Et on espère que ces retours sur investissement ne sont pas comment mieux diffuser et vendre des protocoles de dopage à travers des vitrines de sportifs qui en auraient prouvé l'efficacité. Ça pourrait créer un effet d'entraînement totalement dévastateur."
L'AFLD met en avant l'avantage du système français pour faire face à cette menace. "Nous sommes mieux armés en France que dans d'autres pays parce qu'historiquement c'était notre culture de lutter contre toute forme de dopage, d'où qu'ils viennent. Ça peut être un bon modèle pour d'autres organisations antidopage qui ont moins de force de frappe que nous. Les agences nationales antidopage ont intérêt à s'appuyer sur la sphère publique parce qu'elles ont des compétences universelles sur leur territoire."
Des jeux des dopés dont l'AFLD ne détournera pas le regard. "L'avenir de l'antidopage c'est tout ce qui tourne autour de l'investigation", martèle Béatrice Bourgeois. "Et c'est un lieu sur lequel il va falloir investiguer, voir ce qui en sort en termes de protocoles de dopage, d'essaimage ensuite de ce qui aura eu lieu à Las Vegas. Les organisations antidopage seront présentes par le prisme de l'investigation et des enquêtes."