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"Les performances exceptionnelles attirent toujours l'attention": l'Agence mondiale antidopage se prononce sur Tadej Pogacar

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Tadej Pogacar a encore impressionné tout le monde en remportant la Flèche Wallonne mercredi sur une attaque éclair dans le Mur de Huy. De quoi alimenter les soupçons de certains, qui évoquent un potentiel dopage. Dans les Grandes Gueules du Sport sur RMC ce dimanche, Olivier Rabin, directeur science et médecine de l'Agence mondiale antidopage, répond sur les contrôles menés par l'instance.

Tadej Pogacar impressionne le monde du cyclisme et le grand public par ses performances d'exception et sa capacité à répéter les courses et les efforts. De quoi faire naître, chez certains, des soupçons dans un sport comme le cyclisme qui a été marqués par de grands scandales de dopage (Lance Armstrong, affaire Festina...).

Olivier Rabin, directeur science et médecine de l'Agence mondiale antidopage (AMA), a été interrogé par les Grandes Gueules du Sport, ce dimanche sur RMC, au sujet des performances du Slovène. Le leader de l'équipe UAE-Team Emirates a notamment bluffé tout le monde mercredi dans le Mur de Huy de la Flèche Wallonne, pour lever les bras en premier sur la ligne d'arrivée.

"Oui les performances exceptionnelles attirent toujours l'attention. Cela ne veut pas forcément dire qu'il y a dopage derrière les performances exceptionnelles. On en a dans différents sports et on ne lève pas forcément les sourcils à chaque fois qu'il y a des performances un peu exceptionnelles", précise Olivier Rabin.

Le représentant de l'AMA tient tout de même à préciser à ceux qui doutent que la conservation des échantillons peut permettre, dans certains cas, d'aboutir à des résultats, même dix ans après: "Bien évidemment ces éléments sont pris en compte à la fois par les gens qui sont responsables des tests antidopage dans le cyclisme, nommément l'ITA (International testing agency) qui a une unité spécialisée dans le cyclisme et qui cible les cyclistes à différents niveaux. Il y a aussi un élément à garder à l'esprit - et je sais que ce n'est pas forcément le plus agréable mais il a été utile et je prendrais pour exemple les JO de Londres - c'est qu'on a la possibilité de garder des échantillons pendant dix ans et de faire des analyses rétrospectives. On a des méthodes qui sont assez avancées mais pas encore suffisamment validées pour les faire appliquer. Mais dans les années qui viennent, on peut très bien utiliser ces méthodes sur les échantillons qui sont stockés. Le cyclisme fait partie des sports qui stockent les échantillons."

Le cyclisme a récemment été marqué par l'interdiction, de la part de l'Union cycliste internationale, de l'utilisation du monoxyde de carbone. Des équipes comme UAE-Team Emirates de Tadej Pogacar et Visma-Lease a Bike de Jonas Vingegaard l'utilisaient, avant l'interdiction, pour "examiner les effets de l'entraînement d'endurance et de l'exposition à l'altitude sur la capacité de transport de l'oxygène", selon l'UCI. Mais l'instance a jugé les risques et effets indésirables trop importants. Par le passé, l'utilisation de cétones ou de tramadol a aussi été questionnée. L'AMA a tranché différemment dans les deux cas.

Olivier Rabin détaille: "La question a été posée à l'AMA sur les corps cétoniques, j'ai toujours eu une position très claire en disant que ce ne sont pas des substances qui sont considérées interdites, elles ne sont pas sur la liste. Pour le tramadol, un certain nombre de questions se sont posées, on a mené des recherches pour montrer qu'il pouvait avoir un effet d'augmentation de la performance. On travaille sur nombre de substances comme le monoxyde de carbone, qui est interdit dans le cyclisme mais pour lequel l'AMA a réfléchi et va probablement sortir, sur la nouvelle liste (des produits autorisés et interdits) un élément spécifique lié à l'utilisation du monoxyde de carbone."

L'AMA étudie les effets de l'Ozempic

La liste des produits interdits évolue régulièrement, au gré des recherches, comme le précise directeur science et médecine de l'AMA: "La science progresse au quotidien et on intègre très régulièrement de nouvelles méthodes. On a même parfois des méthodes de détection de certaines substances qui ne sont pas encore disponibles pour des athlètes ou commercialement disponibles. C'est aussi le travail que l'on fait notamment avec l'industrie pharmaceutique. Il faut voir différentes choses. La première, c'est oui, il y a parfois des performances qui peuvent poser question. Maintenant il faut voir ce qu'il y a derrière ces performances aussi, avec la préparation des athlètes, l'entraînement, l'alimentation... on parle beaucoup de l'utilisation des corps cétoniques, notamment dans le cyclisme. Il y a tout un ensemble aujourd'hui."

Au cœur des recherches actuelles, l'Ozempic et ses équivalents. Des traitements destinés aux diabétiques mais dont l'usage est régulièrement détourné, notamment en vue de pertes de poids. "Et puis il y a des substances sur lesquelles on travaille beaucoup, ce sont les agonistes du récepteur au GLP1 style semaglutide, c'est-à-dire l'Ozempic qu'on connaît et ses petits frères et petites soeurs. On travaille beaucoup sur leurs effets. On a aussi beaucoup travaillé sur le tramadol, qui peut aider à augmenter les performances."

Apolline Bouchery avec Les Grandes Gueules du Sport