Mbappé a-t-il écorné son image dans son conflit avec le PSG?

C'est lui la star, le joueur qui attire les caméras, les spectateurs, les fans, lui qui fait vendre des maillots et que les gamins citent spontanément. Mais Kylian Mbappé a peut-être vu son image se détériorer ces derniers jours, dans son conflit qui l'oppose au PSG. A l'origine des tensions, sa décision de ne pas activer son année supplémentaire au club et donc de partir libre en 2024.
C'est à un contraste saisissant qu'on a assisté durant le week-end. D'un côté des foules en liesse au Cameroun pour accueillir l'attaquant parisien, sur la terre natale de son père, de l'autre ce sondage Odoxa qui dévoile une cote de popularité en baisse pour le joueur: si une très grande majorité de Français le trouve toujours sympathique (70%), le Parisien a perdu dix points par rapport à 2019. Il y apparaît, aux yeux des sondés, moins humble (45%, -21 points) et moins charismatique (57%, -9 points) qu’il y a quatre ans. Comme tous les sondages, il est évidemment à relativiser. Mais il traduit peut-être une tendance de fond.
Plus fort que le club, vraiment?
C'est un enchaînement qui a tout précipité, et non un fait précis. Après tout, le voir annoncer au PSG que non, il ne signerait pas son option pour une année supplémentaire et que, par conséquent, il partirait libre en 2024, n'a rien d'infâmant. C'est même purement contractuel: Mbappé a le droit de le faire, il avait la main pour cette fameuse prolongation d'un an. Une modalité qui avait été validée par le PSG au moment de sa prolongation. Paris peut certes s'en mordre les doigts mais ne peut prétendre mettre la faute sur Mbappé seul.
Sauf que la manière interroge: un courrier envoyé pour l'annoncer officiellement à la direction parisienne et derrière... rien. Visiblement, l'heure n'est pas au dialogue. Mais en plus, ressortent certains éléments. Notamment cette interview, accordée à France Football en juin mais publiée ce samedi.
Dedans, une phrase qui fait rejaillir la colère, notamment au sein du vestiaire. Dans cet interview, le joueur estimait que jouer au PSG "n'aide pas beaucoup" à mettre ses performances en valeur, pointant le "plafond de verre" atteint en Ligue des champions. Comme indiqué par RMC Sport, plusieurs joueurs parisiens n'ont vraiment pas apprécié et l'ont fait savoir à Nasser Al-Khelaïfi. L'un des messages disait même: "Ceci est une insulte pour le club".
Evidemment personne n'est dupe: c'est aussi dans l'intérêt du PSG de faire filtrer cette information. Mais le côté intouchable de Kylian Mbappé au sein de l'effectif a peut-être pris du plomb dans l'aile. Car sur ces derniers mois, le Français est celui dont tout le monde parle... et qui éclipse son club. Après tout, sur le terrain, il a fait le travail. Si Paris n'a pas totalement sombré en Ligue 1 en 2023? Mbappé. Si le PSG a pu maintenir Lens à distance pour glaner son 11e titre de champions de France? Mbappé. Une communication correcte? Mbappé. Des propos pour souligner ce qu'il faut changer? Mbappé. Encore et toujours. Pendant ce temps, le président du club n'a pas pris la parole entre l'élimination du PSG en Ligue des champions et la présentation officielle de Luis Enrique mercredi.
Une omniprésence médiatique qui peut agacer
Mais prenons le problème dans l'autre sens: n'est-ce pas gênant finalement, qu'un joueur prenne plus de place que son équipe voire son club? Nulle n'est plus fort que le club, c'est souvent ce qu'on entend à propos du Real Madrid, du Barça, de Manchester United, du Bayern... mais pour le PSG, ce n'est pas toujours si évident dans les faits.
Il y avait eu l'alerte Zlatan Ibrahimovic qui, en son temps, avait estimé qu'avant lui et le PSG version QSI, il n'y avait rien. Mais le Suédois, aussi talentueux et charismatique qu'il le fut, n'avait pas le poids de Kylian Mbappé.
"Le Paris-Saint-Germain existait avant Kylian Mbappé et il existera après lui. Cela fait six ans qu'il est à Paris et, sur ces six saisons, cinq clubs différents ont remporté la Ligue des champions, aucun ne comptait Mbappé dans ses rangs. Cela veut dire qu'il est tout à fait possible de gagner cette compétition sans lui", assène ce dimanche l'ancien directeur sportif Leonardo dans l'Equipe. Un constat, vraiment? Ou un voeu pieu? L'avenir le dira. Mais en attendant, on a plus entendu le joueur que son président voire son coach Christophe Galtier, qui se savait condamné dans ses fonctions. Et ses sorties façon capitaine... ou patron du club ont de quoi interroger. Ou agacer ceux qui y voient de l'arrogance.

Il n'empêche que pendant qu'en France tous les médias sportifs sont focalisés sur son conflit avec le PSG, Kylian Mbappé prend des bains de foule incroyables au Cameroun. Acclamé, jamais critiqué. Un contre-feu parfait, loin de l'attention... pour l'instant. Car la reprise du capitaine de l'équipe de France - brassard aquis cette saison et qui lui confère une aura encore plus immense - approche. Et son arrivée au nouveau centre d'entraînement de Poissy, la semaine du 17 juillet, sera scrutée avec une attention folle.
Un rapport à l'argent pas si anodin
Autre point de crispation ressorti ces dernières semaines: l'argent. Oui l'argent. Le PSG, sous l'ère qatarie, a habitué les observateurs à une avalanche de moyens. Cela passe par des salaires colossaux, y compris pour des joueurs moyens, qui ont contribué à déréguler le marché... et d'ailleurs souvent piégé Paris avec des joueurs sur lesquels le club ne comptait plus mais qui ne voulaient pas partir, faute de pouvoir trouver une aussi bonne rémunération ailleurs. Mais avec Kylian Mbappé, on est sur une autre échelle.
Les chiffres qui avaient filtré cette saison évoquaient un salaire mensuel de six millions d'euros bruts (pas loin du double de Lionel Messi), soit environ 72 millions d'euros bruts par an. Mais à cela s'ajoutent de très nombreuses autres sources de rémunération de la part du club, sans même songer à ses propres contrats publicitaires. Fin juillet, le champion du monde 2018 est censé toucher une partie de sa prime de fidélité - assez ironique quand on connaît la situation - à savoir 40 millions d'euros, à condition qu'il soit encore parisien à ce moment-là.
Côté madrilène, c'est là que ça coince. Destination la plus souvent citée pour accueillir Kylian Mbappé après Paris, le Real Madrid n'a pas pour habitude de pratiquer la même échelle salariale que le PSG. Au sein de la Maison blanche, la règle est à une certaine équité, avec les plus gros salaires qui ont rarement excédé 20 à 25 millions d'euros par an, même pour un Cristiano Ronaldo à son prime. C'est aussi une façon de ne pas créer de frustration au sein de l'équipe. Voir débouler un Mbappé avec une rémunération trois à quatre fois supérieure à celle de cadres comme Luka Modric ou Toni Kroos semble difficilement envisageable. Le Français pourrait-il, de son côté, accepter de diviser son salaire par trois?
Dans leur live de la semaine sur Twitch, les journalistes de la désormais culte émission El Chiringuito - un show qui se régale du moindre soubresaut dans le feuilleton Mbappé - faisaient leurs calculs, stylo et feuille blanche en main. Ils se projetaient sur une potentielle arrivée du joueur en 2024, libre donc. Avec 100 millions d'euros de prime à la signature, ils estimaient alors que Mbappé coûterait près de 200 millions pour sa première saison. Inenvisageable pour le Real.
A cela s'ajoute son implication, au sein du groupe France, dans le dossier des droits à l'image. Officiellement, Kylian Mbappé veut pouvoir refuser de faire la promotion de paris sportifs ou de fast food au nom de ses principes. Très honorable et même salué par un large public. Même si on pourra toujours s'interroger sur sa volonté de garder la main sur ses contrats...
Alors, image écornée ou pas? Difficile de juger sur du court terme. D'autant que l'endroit où Kylian Mbappé s'exprime le mieux, cela reste le terrain. La Ligue 1 reprend en août, la Ligue des champions en septembre avec aussi, en fin de saison, un Euro à disputer avec les Bleus voire des Jeux olympiques de Paris 2024. Quelques gestes de classe peuvent de nouveau mettre tout le monde d'accord.