Côte d’Ivoire: Beaumelle, l’éternel adjoint qui veut devenir le nouveau "sorcier blanc"

La Côte d’Ivoire débute ce mercredi sa Coupe d’Afrique des nations face à la Guinée équatoriale. Face à un adversaire abordable sur le papier, les Eléphants tenteront de prendre les rênes du groupe E, après le nul surprise entre l’Algérie de Riyad Mahrez et la Sierra Leone de Mohamed Kamara (0-0). Une rencontre déterminante pour le sélectionneur national, le Français Patrice Beaumelle.
Longtemps adjoint, le technicien de 43 ans connait ainsi son premier tournoi majeur en tant que numéro 1. Mais le coach des Maxwel Cornet et autres Serge Aurier ou Nicolas Pépé ne manque pas d’expérience. En particulier dans le football africain.
La Zambie pour tomber amoureux de l’Afrique
Ancien joueur de niveau amateur dans le Sud de la France, Patrice Beaumelle franchit rapidement le cap de la reconversion et fourbit ses premières armes du côté de Montpellier en tant que préparateur physique pendant deux ans (2003-2005).
Suffisant pour se faire remarquer par Régis Brouard et devenir son adjoint à Nîmes pendant trois saisons, jusqu’en 2008. Intervient alors une rencontre qui bouleverse la carrière du jeune technicien: celle avec Hervé Renard.

Patrice Beaumelle accepte de le rejoindre en Zambie pour le premier passage à la tête des Chipolopolos entre 2008 et 2010. "Je n’ai pas hésité une seule seconde, expliquait-il en 2019 à Sans Filtre. Sans même connaître les conditions de travail, ni même où se situait le pays."
Le début d’une belle histoire d’amour avec le continent africain et son football. "J’ai compris alors cet attachement national. L’Afrique est une terre d’opportunités, estimait encore Patrice Beaumelle voilà deux ans. Tout le monde veut s’en sortir et tout le monde s’identifie à la réussite sportive, et le football est le principal vecteur de réussite sur le continent africain."
Deux sacres à la CAN avec Renard
Un bref passage de six mois sur le banc d’Angola, puis quelques mois en D1 algérienne, et l’actuel sélectionneur de la Côte d’Ivoire retourne en Zambie, toujours en tant que numéro 2 de Renard. Ensemble, les amis vont connaître la consécration lors de la CAN 2012, grâce au sacre phénoménal de la Zambie. Outsider, les Chipolopolos surprennent un à un tous les favoris de la compétition. Du Sénégal pour le premier match à la Côte d’Ivoire en finale, personne ne résiste à la furia des Zambiens et de leurs entraîneurs.
Après le départ de son mentor, notamment vers Sochaux en Ligue 1, Patrice Beaumelle tente brièvement de lui succéder sur le banc de la zambien. Mais après seulement deux matchs (et autant de défaites en amical), l’éphémère coach principal rejoint à nouveau Hervé Renard, pour redevenir son fidèle lieutenant au sein de la sélection ivoirienne.

Et en reprenant les bonnes vieilles méthodes de travail, cette association porte à nouveau ses fruits. Au terme d’une nouvelle CAN spectaculaire en 2015, les Eléphants viennent à bout du Cameroun, de la Guinée ou encore de l’Algérie, et du Ghana.
Patrice Beaumelle, lui, y glane un nouveau titre en tant que numéro 2 et noue de premiers contacts avec les dirigeants de la Fédération ivoirienne de football. Une expérience qui lui servira plus tard à convaincre les décisionnaires de lui confier la sélection.
Le Maroc pour s’émanciper
Si Hervé Renard est devenu le premier sélectionneur à remporter deux titres en Coupe d’Afrique des nations avec deux sélections différentes, Patrice Beaumelle n’est jamais loin. Sans surprise, l’adjoint accompagne encore le technicien aux chemises blanches immaculées dans son aventure de seulement 14 matchs à Lille entre mai et novembre 2015. Quelques mois plus tard, le duo rebondit de l’autre côté de la Méditerranée, où le Maroc espère redevenir une nation majeure en Afrique lors de la CAN 2017. Malheureusement, le parcours des Lions de l’Atlas s’achève contre L’Egypte de Mohamed Salah, futur finaliste, après un quart de finale à suspense (0-1).
Un an plus tard, lors de la Coupe du monde 2018 en Russie, le Maroc n’arrive pas à se sortir d’un groupe très relevé avec l’Iran, l’Espagne et Portugal, au terme d’un parcours conclu sur deux revers mais un nul spectaculaire contre la Roja (2-2). A nouveau ambitieux pour la CAN 2019, le groupe entraîné par Hervé Renard et son second Patrice Beaumelle se rate encore. L’élimination prématurée face au Bénin, dès les huitièmes de finale, constitue un terrible échec pour l’équipe maghrébine.

Eternel adjoint d’Hervé Renard, Patrice Beaumelle met fin à cette collaboration en août 2019, lorsque son ami lâche les Lions de l’Atlas pour se lancer dans un nouveau défi avec l’Arabie saoudite. Cette année sonne donc comme celle de l’émancipation pour celui qui décide finalement de voler de ses propres ailes. Patrice Beaumelle, lui, ne quitte pas immédiatement le Maroc et prend en charge le destin de la sélection olympique en vue de la CAN des moins de 23 ans et des JO de Tokyo.
Après l’élimination précoce de son équipe pendant les qualifications et donc la fin du rêve nippon, le technicien se retrouve au chômage technique. Il quitte le Maghreb dans la foulée. L’ancien milieu se met en quête d’une nouvelle aventure dès septembre 2019.
Un beau bilan comptable mais un gros échec comme numéro 1
Plutôt que d’entamer une nouvelle expérience avec Hervé Renard dans le Golfe, Patrice Beaumelle choisit de rester en Afrique et attend une opportunité de montrer son savoir-faire en tant que numéro 1. En mars 2020, la Fédération ivoirienne lui donne sa chance et lui offre le poste de sélectionneur des Eléphants. Crise sanitaire liée au Covid-19 oblige, l’entraîneur patiente plusieurs mois avant de diriger son premier match à la tête de l’équipe. Et les débuts ne sont pas aussi bons qu’espéré. Au nul obtenu contre la Belgique (1-1), le 8 début octobre 2021, succède une défaite contre le Japon (1-0) quelques jours plus tard pour son deuxième match amical sur le banc.
Un revers en forme d’avertissement pour Patrice Beaumelle et son groupe. De retour à la compétition pour la fin des qualifications de la CAN en novembre 2020, la Côte d’Ivoire se reprend et son sélectionneur obtient trois victoires et un nul en quatre matchs. Un parcours qui lui permet de décrocher le sésame tant convoité pour le tournoi continental.

Deux amicaux et deux belles performances plus tard, Patrice Beaumelle et son équipe tiennent la forme alors que commencent les éliminatoires en vue de la Coupe du monde 2022. Invaincus pendant les cinq premières rencontres, avec quatre succès et un nul, les Eléphants ratent pourtant leur billet pour le Mondial au Qatar.
La faute à une défaite au Cameroun (1-0) lors d’une "finale" pour la qualification, le 16 novembre 2021. Battus sur un but du Lyonnais Karl Toko-Ekambi, le sélectionneur et son équipe ne joueront pas le Mondial. Un échec cruel qui vient ternir le bilan de huit victoires, quatre nuls et deux défaites en 14 rencontres. Le tout avec 22 buts marqués pour simplement neuf encaissés.
Une CAN 2022 aux allures de rachat
Mais cet échec dans la course à la Coupe du monde 2022 ne conduit pas les dirigeants de la Fédération ivoirienne à mettre fin au mandat de Patrice Beaumelle. Au contraire, le sélectionneur bénéficie d’une nouvelle chance de briller grâce au report de la CAN, prévue en janvier 2021 et repoussée en 2022. Si la suspension pour dopage du gardien titulaire Sylvain Gbohouo s’apparente à un coup rude pour l’entraîneur français, il dispose encore de sacrés atouts dans son effectif.
Outre Eric Bailly et Willy Boly pour tenir la défense centrale, la Côte d’Ivoire possède un joli vivier. Au Cameroun, le contrôle du milieu de terrain passe par le duo Seri-Kessié. Les deux compères auront à cœur de fournir en ballons une attaque qui a de quoi bien figurer sur le continent africain.
Devant, la Côte d’Ivoire peut compter sur plusieurs joueurs confirmés évoluant dans les meilleurs championnats européens, notamment en Premier League avec Wilfried Zaha, Maxwel Cornet ou encore Nicolas Pépé et le néo-international (trois buts en huit cape) Sébastien Haller. Un groupe solide qui donne de belles ambitions au coach pour cette Coupe d’Afrique des nations.
"Les 24 coachs de la CAN vont dire que un, il faut passer le premier tour et que deux, il faut gagner, rappelle volontiers Patrice Beaumelle à l’AFP avant l’entrée en lice des Eléphants. Depuis que la Zambie a gagné la CAN, 54 nations africaines se disent qu'elles peuvent le faire. Si on la joue c'est pour la gagner, au minimum arriver dans le dernier carré. Mais si on arrive dans le dernier carré ou en finale et qu'on perd, on sera déçus!"
Pour passer le premier tour, Patrice Beaumelle et son groupe feraient mieux de ne pas se rater contre la Guinée équatoriale. Une victoire ou rien d’autre, voilà l’objectif des Eléphants pour le début de la CAN.