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France-Maroc: "Ça m'ennuie!", le dilemme du formateur de Lloris et Bounou à Nice

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Hugo Lloris et Yassine Bounou ont pour point commun d'être passés dans les rangs de l'OGC Nice où ils ont croisé la route de Thierry Malaspina, leur formateur à la fois heureux et "ennuyé" d'assister au duel à distance entre les deux gardiens ce mercredi (20h) lors de la demi-finale de la Coupe du monde entre la France et le Maroc.

Thierry Malaspina, quels souvenirs gardez-vous de Yassine Bounou sous les couleurs de l’OGC Nice?

Il est venu s'entraîner avec nous pendant six mois à la formation et ensuite, une fois majeur, il a fait le stage estival avec les pros à l’été 2009. C’était un garçon avec un potentiel énorme mais il fallait le construire. Il arrivait du Wydad, sans beaucoup de formation spécifique à ce moment-là pour les gardiens. Il était très à l’écoute, poli. Pour un gamin de son âge, il avait une maturité au-dessus de la moyenne. Je savais que s’il ne faisait pas l’andouille dans sa vie hors football, il allait devenir professionnel.

L’horizon était bouché pour lui à Nice avec David Ospina qui venait de boucler sa première saison comme titulaire, non?

Tout à fait, il y avait aussi d’autres gardiens qui sortaient du centre de formation qui avaient des qualités. Le club s’est posé des questions au niveau financier et moi qui ai fait 25 ans au Gym, j’ai connu les hauts et les bas. Je peux vous dire qu’à cette époque, on était pas très riche (rires). C’était un club familial.

Il est d'ailleurs resté attaché à l’OGC Nice…

Oui, car à ce moment-là, il était déçu que ça ne se fasse pas. Je l’ai eu assez souvent ces derniers temps au téléphone et par Whatsapp, il m’a récemment dit qu’il se sentait niçois. Dire ça sans jamais avoir porté le maillot du Gym officiellement, c’est beau! Ça montre aussi que c’est quelqu’un de très humain, hyper attachant. Vous savez, il y a plein d’anciens joueurs qui vous oublient, lui ce n’est pas le cas.

Quelles étaient ses qualités?

Vu sa taille, il avait une vitesse gestuelle et pour aller au sol assez hors du commun. À l'époque, des grands qui allaient très vite au sol, il y en avait très peu. Il avait aussi déjà un jeu au pied hyper intéressant!

Les mêmes que l’on retrouve aujourd’hui?

Exactement, on voit tout son calme et sa vitesse… De tout façon sa coupe du Monde est impressionnante mais c’est quelqu’un de confirmé au FC Séville. L’an passé il a été élu meilleur gardien du championnat d'Espagne devant des Courtois, Oblak ou Ter Stegen… Et là, il a atteint sa plénitude. C’est quelqu’un de confirmé.

Comment jugez-vous ses récentes performances avec le Maroc?

Elles sont énormes. Pour moi aujourd’hui on s’aperçoit que les quatre meilleurs gardiens du mondial sont en demi-finale. Hugo, malgré ce qu’il peut se dire, est toujours au top. Livakovic est bluffant. Martinez je le trouve un peu en dessous des autres mais il est solide. Yassine est lui au firmament de sa carrière.

"Hugo est toujours là!"

Vous avez aussi été l’un des formateurs d’Hugo Lloris à l’OGC Nice, qu'est-ce que ça vous fait de les voir s’opposer en demi-finale de la Coupe du monde?

Franchement, ça m'ennuie! Je sais que je serai, après le match, super heureux pour l’un et malheureux pour l’autre. Ce sera difficile pour eux de s'arrêter à ce stade de la compétition. Mais je suis aussi content parce que j’ai eu la chance, modestement, de les accompagner. Dans mon rôle de formateur, je suis content. D’autant qu’en plus d’eux, Mouez Hassen aussi était au Qatar pour représenter la Tunisie. Ça fait trois gardiens passés par la formation de l’OGC Nice à l’époque.

Quel regard portez-vous sur les critiques qu’il y a pu avoir sur le niveau d’Hugo?

Je pense que c’est typiquement français! Quand on a des gens qui sont en place depuis longtemps, un moment donné on ne regarde plus que leurs défauts. Quand il fait l’arrêt contre le Danemark qui permet de rester à 0-0, on passe outre-mesure. On va le chercher sur son jeu au pied, il est correct mais certes pas comme certains de la nouvelle génération. Ces critiques m’ennuyaient déjà en 2018 mais en attendant Hugo est toujours là! Il a d’ailleurs détroné Lilian Thuram en nombre de sélections (143) et détient le record de capitanat (116).

Lequel des deux était le plus prédestiné à atteindre le très très haut niveau?

Hugo, parce qu’il a eu une formation différente. Il privilégiait les études, son bac S, et du coup on s'entraînait jusqu'à tard le soir. Des fois on n’y voyait pas grand-chose, sur le terrain numéro 7 à Charles-Ehrmann, parce qu’il n’y avait pas trop de lumière. Mais lui avait toutes les qualités: la tête, le physique, l’intelligence du jeu… Pour faire le parallèle, Yassine avait le potentiel mais il fallait mettre en place la structure.

Si les deux équipes n’arrivent pas à se départager, qui est le plus fort sur une séance de tirs-au-but?

Aujourd’hui si on se fie aux derniers résultats c’est Yassine. On a tous vu sa prestation contre l’Espagne dans cet exercice… Mais je pense qu’Hugo serait capable de faire mentir tout le monde parce qu’il est attendu là dessus.

Maxime Tilliette