
France-Pologne: "Mourinho polonais", matchs truqués et humour à toute épreuve... Czeslaw Michniewicz, un sélectionneur à part
Derrière son indéboulonnable costume-cravate les soirs de match, Czeslaw Michniewicz (52 ans) sait manier l’humour. Après avoir mené la Pologne en huitièmes de finale d’une Coupe du monde pour la première fois depuis 36 ans, le sélectionneur a confié qu’il aimerait "voir un France-Brésil" en finale. La France… prochain adversaire de son équipe dimanche (16h) pour ce rendez-vous historique. "Mais il va déjà falloir qu’ils (les Français) battent la Pologne", a précisé dans un sourire ce technicien pas vraiment attendu à ce niveau d’exposition.
Après avoir enchaîné les postes sur les bancs de nombreux club du pays ainsi que celui de la sélection Espoirs, il a été choisi pour remplacer le départ soudain du Portugais Paulo Sousa à Flamengo, en janvier 2022. Il a validé le billet de son équipe pour le Mondial deux mois plus tard en finale de barrage face à la Suède (2-0) après avoir profité de l’exclusion de la Russie, que la Pologne devait défier en demi de ces barrages. Il n’a pas vraiment emballé les foules depuis, notamment en Ligue des nations marquée par une claque en Belgique (6-1).
Son style très restrictif et défensif lui vaut parfois le surnom de "Mourinho polonais" parce que cela lui permet d’obtenir des résultats. Le match nul face au Mexique (0-0) restera comme un sommet d’ennui, la victoire contre l’Arabie saoudite (2-0) a été obtenue un peu contre le cours du jeu avant de subir les assauts argentins pendant 90 minutes. Même la star de l’équipe, Robert Lewandowki, doit se plier au repli massif du bloc polonais.
"Aujourd'hui, j'étais le premier défenseur, a confié le buteur du Barça après la défaite contre l’Albiceleste (2-0). Mais quand tu joues pour la sélection polonaise, tu ne peux pas attendre à ce que l'équipe crée des occasions de but pour toi, on doit travailler en tant qu'équipe. Pour moi, c'est un gros challenge d'assurer le travail défensif pour l'équipe."
C’est d’ailleurs le leitmotiv par Michniewicz: "je ne peux pas transformer l'eau en vin", a-t-il lâché pour illustrer les limites de son effectif. Il a rabâché sa position lors de sa visite en toute détente au Souq Wakif où il a diné et fumé la chicha avec son staff après la victoire contre l’Arabie saoudite. "Je n’ai pas fait ma sélection avec les 26 meilleurs joueurs, mais avec les 26 qui forment la meilleure équipe, a-t-il rappelé dans des propos qui rappellent Didier Deschamps. Les garçons ont un objectif commun et s'efforcent de l'atteindre ensemble, en se soutenant mutuellement. C'est aussi pour ça que j'ai rencontré d'anciens sélectionneurs, je voulais savoir à quoi ça ressemblait lors des tournois majeurs précédents."
Les Bleus peuvent s’attendre à un bloc très bas et soudé devant leur gardien en état de grâce, Wojciech Szczesny. Le staff a déjà travaillé les tirs au but, jeudi en invitant les journalistes à quitter l’entraînement pour ne pas éventer les secrets. A défaut de s’emballer sur le jeu, la Pologne s’enthousiasme sur la réussite de son sélectionneur qui traîne pourtant une réputation un brin sulfureuse.
Plus de 700 appels avec "le coiffeur", condamné à de la prison pour corruption et matchs truqués
Le nom de cet ancien gardien de but a été associé à celui de Ryszard Forbrich, surnommé "Fryzjer" ("le coiffeur" en français), condamné 4 ans et demi de prison en juin dernier dans une vaste affaire de corruption et de matchs truqués pendant les années 2000. Michniewicz a toujours démenti avoir un lien avec ce dernier et n’a d’ailleurs pas été poursuivi par la justice. Mais l’enquête a démontré des contacts réguliers entre les deux hommes – qui se sont parfois appelés 20 fois par jour (pour 711 appels répertoriés au total).
Il a tout de même été entendu en 2008 comme témoin par le bureau du procureur dans le cadre d’une enquête pour corruption autour du Lech Poznan où il était entraîneur (2003-2005). Il avait évoqué des contacts officiels. Selon WRPost, le bureau de procureur a prouvé que onze rencontres lors desquelles Michniewicz était en poste au Lech Poznan impliquaient de la corruption ou une tentative de corruption. Michniewicz, lui, n’a finalement jamais été poursuivi dans cette énorme affaire de matchs arrangés pour gagner des paris.
Au total, la justice polonaise a poursuivi environ 600 personnes, des arbitres, des joueurs, des entraîneurs, des dirigeants, des élus locaux. On parle de 638 matchs achetés, de 68 clubs concernés en première, deuxième et troisième divisions. Sa réussite éclipse ce parfum de scandale et lui assure même son avenir à court terme. Selon la presse polonaise, son contrat disposait d’une clause pour le prolonger automatiquement (jusqu'à la fin des éliminatoires de l'Euro 2024) en cas de qualification pour les huitièmes de finale. Il vise désormais l’exploit face à la France. Sinon, il supportera les Bleus jusqu’en finale.