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Crise à la FFF: comportements déplacés, dérapages... ce qui a fait tomber Le Graët

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Noël Le Graët a lâché la barre de la FFF, ce mardi après s’y être férocement accrochée. L’audit accablant sur la gouvernance de l’instance, ses propos sur Zidane, ses comportements déplacés avec les femmes et l’enquête judiciaire ouverte ont eu raison de son poste.

Noël Le Graët a finalement lâché les commandes de la Fédération française de football, ce mardi. Elu depuis 2011 sur les cendres du fiasco de Knysna (Coupe du monde 2010), le dirigeant a présenté sa démission lors du comité exécutif extraordinaire un mois et demi après sa mise en retrait, le 11 janvier, suite à ses propos polémiques tenus sur Zinédine Zidane sur RMC. La goutte de trop après une accumulation de dérapages.

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Les témoignages dans la presse comme détonateur

La parution en septembre dernier d’un article de So Foot a agi comme un premier coup pour faire vaciller la statue de Noël Le Graët comme président de la FFF. Celui-ci comportait plusieurs témoignages d’anciens salariés ou collaborateurs dénonçant le climat délétère au sein de l’instance, mais aussi le comportement du président, accusé de harcèlement sexuel par des femmes. Les langues se sont aussi déliées auprès de Radio France avec de nouveaux récits dénonçant les agissements du président.

L’audit accablant diligenté par le ministère

Malgré une plainte pour diffamation déposée par la Fédération contre So Foot, la publication de l’article a poussé le gouvernement à agir. Après avoir reçu Le Graët et Florence Hardouin, directrice générale de l’instance, le 16 septembre, Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports, avait commandé un audit sur la gouvernance de la FFF. Trois inspecteurs de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) ont alors entendu pendant plusieurs mois plus d’une centaine de salariés et ex-salariés de la Fédération avant de remettre leur rapport fin janvier de la FFF, puis de le finaliser début février. Les conclusions épinglent Le Graët sans ménagement en pointant du doigt ses "déclarations problématiques" et son "comportement inapproprié vis-à-vis des femmes". Pour les inspecteurs, Le Graët ne disposait alors "plus de la légitimité" pour conserver ses fonctions. Acculé, il les a finalement quittées même s'il ne devrait pas en rester là, sur cet audit qu’il juge à charge et qu’il pourrait attaquer en justice.

L’ouverture d’une enquête judiciaire a changé beaucoup de choses

La crise à la FFF a pris une tournure plus grave mi-janvier avec l’ouverture, par le parquet de Paris, d’une enquête préliminaire pour harcèlement moral et sexuel visant Noël Le Graët. Cette enquête fait suite à un signalement (article 40) de l'IGESR et se base sur l’audit diligenté et les nombreux témoignages publiés dans la presse, notamment celui de Sonia Souid. L’agente de joueuses a dénoncé sur BMFTV le comportement sexiste de La Graët à son égard. "Il m'a dit en tête à tête, dans son appartement, très clairement, que si je voulais qu'il m'aide, il fallait passer à la casserole", a-t-elle affirmé.

Des propos ambigus sur l’homophobie et le racisme

Encore érigé en "vrai patron" du football français lors de la crise du covid en 2020, Noël Le Graët s’est toujours targué d’avoir relevé la Fédération française de football (FFF) plongée dans la crise au moment de sa première élection en 2011. Le sacrosaint bon bilan financier de l'instance, les excellents résultats de l’équipe de France et sa manière de négocier de gros contrats avec les sponsors lui offraient une sorte d’immunité que ses propos ambigus sur des sujets sensibles n’ont longtemps pas écorné.

Sa légèreté sur le racisme dans le football a pourtant crispé à l'instar de sa phrase prononcée en 2020: "Le phénomène raciste dans le sport et dans le foot en particulier, n'existe pas, ou peu." Sa détermination à saborder le brassard One Love lors de la dernière Coupe du monde a étalé son indifférence à la défense des droits des personnes LGBT+. Son détachement affiché sur les conditions de logements des travailleurs de l’hôtel des Bleus lors de la Coupe du monde a aussi profondément irrité. "C'est pas insoluble ça, c'est des coups de peinture. Il y a encore le temps de réparer ça", avait-il lancé sur France 2.

La remarque sur Zidane, le coup de grâce

Il a finalement suffi de quelques phrases sur l’icône du football français, Zinédine Zidane, pour précipiter sa chute. Invité de Bartoli Time sur RMC le 8 janvier dernier, au lendemain de la prolongation de Didier Deschamps comme sélectionneur jusqu’en 2026, le président de la FFF s’est laissé aller au sujet du champion du monde 1998, qui prétendait aussi au poste de sélectionneur. "Si Zidane a tenté de me joindre? Certainement pas, je ne l'aurais même pas pris au téléphone, avait-t-il lancé. Pour lui dire de chercher un autre club? Faites-lui une émission spéciale pour qu'il trouve un club ou une sélection." Zidane au Brésil? "Je n'en ai rien à secouer, il peut aller où il veut! Il peut aller où il veut, dans un club... sélection, j'y crois à peine en ce qui le concerne." Tollé général. Jusqu’alors inactifs face aux dérapages répétés de leur patron, ses proches du Comex l’ont poussé à se mettre en retrait trois jours plus tard.

Mbappé, la superstar, en froid avec Le Graët

Quelques instants après les déclarations de Le Graët sur Zidane, Kylian Mbappé avait signé un acte fort en les dénonçant publiquement. Mais la star du PSG n’avait pas attendu ce craquage pour s’en prendre au président. Il a mené la révolte sur les contrats de droits à l’image en équipe de France. Il avait aussi recadré vivement Le Graët après l’Euro 2021. Dans un entretien au JDD, le président de la FFF avait confié s’être entretenu avec Mbappé qui avait menacé d’arrêter les Bleus face au manque de soutien de la FFF face aux insultes racistes reçues suite à son tir au but manqué en 8es de finale face à la Suisse. "Il trouvait que la Fédération ne l'avait pas défendu après son penalty raté et les critiques sur les réseaux, avait déclaré Le Graët. Il ne voulait plus jouer en équipe de France - ce qu'il ne pensait évidemment pas." Réponse cinglante de Mbappé sur les réseaux sociaux: "Oui enfin je lui ai surtout expliqué que c'était par rapport au racisme, et NON au penalty. Mais lui considérait qu'il n'y avait pas eu de racisme..."

Accusé de tout gérer dans son coin

Noël Le Graët a aussi crispé des membres du comité exécutif pour sa propension à prendre des décisions seul. L’été dernier, il avait prolongé le contrat de Corinne Diacre jusqu’en 2024 sans vraiment consulter les élus. Il a de nouveau mené, seul dans son coin, la signature du nouveau contrat de Didier Deschamps jusqu’en 2026 début janvier, réservant la surprise à l’assemblée fédérale du 7 janvier dernier. Un moment triomphal pour Le Graët. Le dernier avant sa chute.

Nicolas Couet