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Angers: un club au bord du gouffre après deux ans de turbulences

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Avant le déplacement à Lille ce dimanche (15 heures), lors de la dernière journée de championnat avant la trêve, la situation est loin d'être simple pour le SCO d'Angers, que ce soit d'un point de vue sportif ou en coulisses.

Quelques heures avant de se déplacer à Lille ce dimanche (15 heures), l'ambiance est loin d'être sainte au SCO d'Angers. Lanterne rouge de Ligue 1 avant le début de la 15e journée (8 pts), les hommes de Gérald Baticle n'ont gagné que deux matchs depuis le début de la saison (Montpellier et Nice) et comptent déjà quatre points de retard sur Nantes, premier relégable avant la trêve Coupe du monde.

Symbole du malaise: les coéquipiers de Nabil Bentaleb restent sur une terrible série de six défaites consécutives. Au-delà des difficultés sportives, l'ambiance est loin d'être au beau fixe dans les coulisses du SCO. Et ce, depuis plus de deux ans.

Un board en plein nauvrage

La descente aux enfers a commencé en février 2020. Le président Saïd Chabane doit faire face à des accusations d'agressions sexuelles aggravées de quatre femmes, âgées de 25 à 30 ans, salariées ou anciennes salariées du club. En septembre 2021, deux nouvelles plaintes, suivies de deux mises en examen, s'ajoutent au dossier. Puis une 7e plainte a alourdi le dossier le 26 janvier dernier, comme révélé par RMC Sport et confirmé par le procureur de la République d'Angers, Eric Bouillard. Deux ans et demi après, le dossier est toujours en instruction et laisse planer un climat difficile sur le club.

Quelques mois plus tard, en avril 2020, le manager général du SCO, Olivier Pickeu, au club depuis 2006, est licencié pour faute grave. Un choc tant Pickeu était la pierre angulaire du retour du SCO au premier plan avec l'entraîneur Stéphane Moulin. L'ancien manager général a contesté son licenciement au Prud'hommes et a gagné. Le conseil des Prud'hommes a condamné le SCO à verser trois millions d'euros à Pickeu. Le club a fait appel et l'affaire doit être rejugé l'année prochaine devant la Cour d'appel.

Les joueurs pas épargnés par la justice

Encore sur le volet judiciaire, ce sont cette fois-ci les joueurs qui sont visés. Farid El-Melali (quatre matchs cette saison) a été condamné en octobre 2020 à six mois de prison avec sursis pour exhibition sexuelle, consécutif à deux plaintes déposées par deux jeunes femmes. Sur la même période, un autre attaquant du SCO, Stéphane Bahoken, a été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour violences, insultes et menaces de mort à l'encontre de sa compagne, ainsi qu'à trois mois avec sursis pour un délit routier.

En juillet 2021, c'est l'ancien milieu de terrain et capitaine Cheick Ndoye qui, après avoir attaqué le club aux Prud'hommes pour la non-exécution d'un contrat de deux ans en 2019, gagne à son tour et voit le SCO condamné à lui verser 450.000 euros.

Une nouvelle bataille juridique a également vu le jour cette semaine. Elle oppose cette fois le SCO et son ancien directeur sportif Sébastien Larcier. Ce dernier avait pris la succession de Pickeu en mai 2020, avant d'être démis de ses fonctions en octobre 2021 "pour insuffisance professionnelle". L'audience devant les Prud'hommes a eu lieu le 9 novembre et la décision sera mis en délibéré le 11 janvier. Larcier réclame 800.000 euros au club de l'Anjou.

Le départ de Stéphane Moulin, symbole de la fin d'une ère

Sur le plan sportif, la bascule et la fin d'une époque est symbolisée par le départ de Stéphane Moulin, l'entraîneur emblématique, à la fin de saison 2020-2021 après dix ans sur le banc de l'équipe première - un record de longévité en Europe - et six maintiens consécutifs en Ligue 1. Après le départ d'Olivier Pickeu, c'est l'ADN du SCO qui s'en est allé.

Le reste de l'ADN a quitté le club en fin de saison dernière avec les départs des joueurs historiques tels que Romain Thomas, Thomas Mangani, Ismael Traoré ou encore Vincent Manceau.

Des choix qui interrogent

Depuis deux ans, Saïd Chabane a multiplié les choix d'hommes autour de lui, avec des nominations parfois surprenantes. Certains d'entre eux restent en poste à peine quelques mois. Après sa mise en examen, le président du SCO déclarait vouloir prendre du recul. Il a nommé un Président délégué (Fabrice Favetto Bon), qui ne restera que cinq mois, Chabane reprenant la main sur "son club".

En septembre 2021, il désigne Mohamed Toubache-Ter, très influent sur les réseaux sociaux comme directeur de la communication. Ici aussi, l'aventure n'aura été que de courte durée (deux mois).

Puis en octobre dernier, c'est le profil surprenant de Mohamed Sifaoui, journaliste spécialisé des questions religieuses et de l'islam, qui est choisi pour être le directeur de la communication. Dès le début de son mandat, Sifaoui met les points sur les i. Il commence par une mise en garde envers les droits de la presse, la veille de la publication de l'enquête de Ouest France sur les méthodes brutales du directeur du centre de formation, Abdel Bouhazama, et entraîneur de l'équipe réserve.

Sifaoui s'est aussi mis à dos les supporters quelques jours plus tard en stigmatisant "les trolls" qui encouragent l'équipe.

Autre dossier sensible dans cette période de troubles: la vente du SCO annoncée par Saïd Chabane en mai 2022. Ce dernier avait annoncé des négociations avec le groupe américain GFC, avant de faire volte-face au mois d'août.

Quelques semaines plus tard, l'arrivée de Jalal Benalla au sein de la cellule de recrutement du club angevin n'est pas passée inaperçue. À l’origine des venues de Mohamed-Ali Cho, Batista Mendy, Bilal Brahimi, ou encore des jeunes Noah Fatar, Ayoub Yousfi et Jaly Mouaddib, l'ancien judoka s’est rapproché du club angevin et de son président Saïd Chabane ces trois dernières saisons. Le 15 juin dernier, il avait été entendu dans une enquête de transferts douteux diligentée par la police. Les locaux du SCO avaient été perquisitionnés la veille de cette audition.

Beaucoup de turbulences en interne qui ne favorise pas un climat de performance. 20e avec dix défaites en 14 matchs, le SCO est proche du gouffre. Gérald Baticle tient toujours au poste d'entraîneur car c'est le choix de Saïd Chabane. Le virer serait se dédire, puisqu'il l'a déjà conforté deux fois cette saison, en septembre et en octobre, sur les réseaux sociaux. Mais il a depuis précisé à L'Équipe ce lundi "qu'un point serait fait à la trêve". Le match face à Lille s'annonce donc comme un tournant de la saison des Scoïstes.

Analie Simon, avec Xavier Grimault