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Le naming des stades, est-ce vraiment une bonne idée?

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Les clubs de football et les municipalités signent de plus en plus de partenariat autour des droits pour le naming des stades. Entre gain économique pour les équipes et exposition pour les entreprises, le phénomène tend à se développer en Europe mais s’accompagne encore d’incertitudes.

Une mode bien ancrée aux Etats-Unis et qui se répand de plus en plus en Europe. Habitués au naming, les fans de sport US ne sont pas particulièrement dérangés à l’idée de voir le Staples Center de Los Angeles renommé en Crypto.com Arena ou la franchise de NBA de Houston évoluer au Toyota Center. Dans le football européen le phénomène a mis un peu plus de temps à se développer. A la recherche de liquidités, plusieurs clubs européens ont finalement négocié de nouveaux contrats autour du naming mais en France, cela met encore un peu de temps à se développer.

La faute, notamment au fait que les clubs ne sont pas encore tous propriétaires de leur enceinte et restent soumis à de longues négociations avec les pouvoirs publics en place. L’accord trouvé par le la Métropole Européenne de Lille (MEL), propriétaire du stade, avec l’entreprise Decathlon pour le naming de Pierre-Mauroy constitue une petite révolution pour le LOSC et la Ligue 1 où les clubs trouvent petit à petit des sponsors pour leur enceinte. Dans l’opération, l’équipementier va verser 6 millions d’euros sur cinq ans pour apposer son nom au stade nordiste.

Les clubs français n’ont pas toujours la main sur le naming

A Lille, dès l’inauguration du nouveau stade en 2012, on a cherché un partenaire économique afin d’absorber le coût de la construction. Mais alors que la recherche d’un partenaire battait son plein - le groupe de casinos Partouche ayant même proposé entre 2 et 2,5 millions d’euros à l’époque - la présidente de Lille Métropole avait annoncé vouloir rendre hommage à Pierre Mauroy, l’ancien maire de la ville, décédé en juin 2013.

Coupant l’herbe sous le pied du LOSC, la métropole avait ainsi renommé le nouveau stade après un vote à l’unanimité au sein de la communauté urbaine, propriétaire de l’enceinte. Le manque à gagner était alors évalué autour de 3 à 3,5M€. Comme en 2013 lors du choix initié par Martine Aubry, le LOSC n’a pas eu la main sur le partenariat, que la Métropole Européenne de Lille votera lors de son conseil le 24 juin prochain.

L’OL un cas à part en Ligue 1

Contrairement à une majorité des clubs de Ligue 1, l’Olympique Lyonnais possède son stade. Une rareté qui permet aux Gones de garder la mainmise sur les contrats de naming autour de leur enceinte. Un temps nommé Stade des Lumières après son inauguration en 2015, le stade de l’équipe rhodanienne a finalement pris le nom de Groupama Stadium en 2017. Renouvelé en décembre 2021 jusqu’en juillet 2025, le partenariat autour du naming du stade (et des infrastructures d’entraînement des équipes professionnelles) rapporterait autour de 5,5 millions d’euros à l’OL.

"La poursuite de notre collaboration avec Groupama Rhône-Alpes Auvergne valide notre projet d’entreprise, mais aussi l’union de deux institutions au service de leur territoire, se réjouissait Jean-Michel Aulas au moment de la prolongation de l’accord. Ce naming qui va porter sur une durée totale de huit années minimum, crédibilise notre action et témoigne de la qualité de nos relations avec Francis Thomine et ses équipes et de la confiance mutuelle en nos valeurs d’entreprise et nos engagements communs. Aujourd’hui le Groupama Stadium et le Groupama OL Training Center se sont imposés comme deux infrastructures de référence en France."

Le Parc des Princes et le Vélodrome, difficile de casser les habitudes

A l’inverse de l’OL, le PSG n’a pas encore eu recours au naming pour son stade. Si le club francilien a signé un partenariat avec Oredoo pour son centre d’entraînement, nombreux sont ceux qui continuent de l’appeler Camp des Loges. Et lorsque les rumeurs d’un partenariat se sont répandues autour d’un nouveau nom pour le Parc des Princes, la direction parisienne a fait face à une véritable levée de boucliers de la part des supporters voire de certains anciens sportifs.

"La prochaine fois on mettra un naming sur la Tour Eiffel ou à l’Arc de Triomphe, s’était ainsi emporté Michel Platini au sujet d’un nouveau nom pour le Parc des Princes en novembre 2019. Je pense que le Parc des Princes c’est un monument national pour le football français depuis longtemps. Mettre un naming c’est un peu compliqué. Je ne vois pas où est l’utilité."

Et l’ancien patron de l’UEFA d’ironiser: "Mettons-le aussi à la Tour Eiffel ou à l’Elysée. Mettons un naming à l’Elysée. Appelons ça l’Elysée-Coca Cola ou je ne sais pas quoi. Pourquoi pas tant qu’on y est."

Le PSG et ses propriétaires qatariens n’ont toujours pas franchi le cap du naming pour le Parc des Princes, malgré le lancement d’un site dédié à un éventuel parrainage de l’enceinte.

A Marseille en revanche, l’OM a donné un nouveau nom au Vélodrome en signant un contrat de sponsoring avec Orange. Pour près de 2,45 millions d’euros par an, l’opérateur téléphonique a obtenu le droit d’apposer son nom sur le fronton de l’enceinte phocéenne: Orange Vélodrome. Pourtant, si le contrat est bien effectif, on continue volontiers d’appeler le stade où évoluent les protégés de Jorge Sampaoli le Vélodrome. Les habitudes, surtout celles des supporters et ultras, ont la vie dure.

Ces marques qui ont gagné en exposition en Europe

De plus en plus répandu en Ligue 1, où les clubs ont pu bénéficier d’une nouvelle manne financière, le naming a déjà donné lieu à de belles coopérations en Europe. A l’inverse de l’OM et du PSG où le nom historique du stade semble encore prendre le dessus, certains cadors du vieux continent ont permis à des marques de gagner en visibilité. C’est notamment le cas à Munich, avec l’Allianz Arena.

En achetant environ 8% des parts du club bavarois, l’entreprise Allianz a injecté 110 millions d’euros dans le Bayern et ainsi permis de finir le remboursement la construction du stade dès 2014. Depuis, le marque Allianz est presque de venue indissociable du stade munichois. A tel point que l’on oublierait son nom de Fußball Arena München.

En France aussi, Allianz a signé un joli coup avec le naming du stade de l’OGC Nice: l’Allianz Riviera. Là encore, la société allemande s’est engagé avec les Aiglons avant même l’inauguration de l’enceinte et le nom présenté par le maire niçois Christian Estrosi en 2010, Olympic Nice Stadium, est rapidement tombé dans l’oubli. Néanmoins, à Munich comme à Nice, si les noms d’Allianz Arena ou Allianz Riviera sont entrés dans les mœurs, il n’est pas certain que tous les supporters soient au courant des activités d’Allianz, compagnie d’assurance.

L'Allianz Arena de Munich aux couleurs de l'Ukraine en mars 2022
L'Allianz Arena de Munich aux couleurs de l'Ukraine en mars 2022 © Icon Sport

Toujours à l’étranger, plusieurs clubs anglais ont offert une belle visibilité à leur partenaire autour du naming. Depuis son déménagement du mythique Highbury vers son nouveau stade en 2006, Arsenal parait indissociable de l’Emirates Stadium. Là encore, la compagnie aérienne a déboursé près de 147 millions d’euros en 2004 (un record à l’époque) pour faire oublier le nom originel du projet Ashburton Grove.

Même le Barça, si attaché à son Camp Nou va un peu modifier son nom en vertu de son énorme contrat de sponsoring avec Spotify. En plus de s'afficher sur les maillots du club blaugrana, l'entreprise de streaming musical s'ajoutera sur la mythique enceinte à partir de la saison 2022-23 avec un "Spotify-Camp Nou".

Fort d’une grosse communication après le rachat de Manchester City par les Emirats arabes unis, le City of Manchester Stadium est devenu l’Etihad Stadium dès 2010 en vertu du nouveau contrat d’occupation du stade (signé pour 250 ans par Manchester City avec les autorités locales) et du partenariat global entre le club et la compagnie aérienne Etihad Airways basée à Abou Dabi.

Entre intérêt financier pour les clubs, stratégies de développement ou rentrée d’argent pour les municipalités et visibilité, le naming pourrait bien constituer une solution gagnant-gagnant. Sauf peut-être pour les supporters historiques qui auront l’impression qu’on ôte encore un peu de son âme à leur club.

Jean-Guy Lebreton