RMC Sport

Prolongation de contrat, mise à pied, armée numérique… comment la situation s’est envenimée entre le PSG et Rabiot

placeholder video
Adrien Rabiot a été la cible d’un déferlement de haine lors du choc de Ligue 1 entre le PSG et l’OM, dimanche au Parc des Princes (3-1). La conséquence d’une histoire conflictuelle avec le club de la capitale au sein duquel le milieu de terrain marseillais a lancé sa carrière à 17 ans, avant de se brouiller avec ses dirigeants et d’être mis au placard jusqu’à son départ à l’été 2019.

Adrien Rabiot est souvent présenté comme un joueur formé au PSG. Mais ce n’est pas tout à fait le cas. Le natif du Val-de-Marne a effectué la majeure partie de son cursus loin des Yvelines, entre Créteil, Alfortville, l’INF Clairefontaine, Pau ou Manchester City, où il a évolué durant six mois. Le milieu de terrain de l’OM n’a en fait intégré l’académie du Paris Saint-Germain qu’en 2010, à l’âge de 15 ans. Avant d’être lancé dans le grand bain deux ans plus tard par Carlo Ancelotti et de devenir à l’époque le plus jeune Parisien à être aligné en Ligue des champions lors d’un match face au Dinamo Zagreb en novembre 2012 (17 ans et 7 mois), effaçant un record détenu par Mikel Arteta.

Douze ans et demi plus tard, le "Duc" vient de vivre des retrouvailles particulièrement hostiles avec le club de la capitale, qu’il a quitté en très mauvais termes à l’été 2019. L’international français (50 sélections, 6 buts) s’est présenté en tant que capitaine de l’OM lors du choc de la 26e journée de Ligue 1, dimanche au Parc des Princes (3-1). Et il a été la cible de chants grossiers et de banderoles insultantes tout au long de la soirée. Sa mère Véronique Rabiot, qui gère ses intérêts depuis le début de sa carrière, a également été ciblée. Un message a même fait référence à son père, Michel Provost, décédé en janvier 2019 après un grave AVC huit ans plus tôt. Un déferlement de haine qui découle de son histoire contrariée avec le PSG, où il a disputé 227 matchs, pour 24 buts et 14 passes décisives (toutes compétitions confondues)…

Une première mise à l’écart à l’été 2014

Après avoir été prêté à Toulouse début 2013 afin de s’aguerrir durant une demi-saison, le droitier d’1,91m s’affirme dès son retour à Paris comme un élément important sous les ordres de Laurent Banc, derrière le trio Thiago Motta-Marco Verratti-Blaise Matuidi. Mais des premières tensions apparaissent déjà au sujet de sa situation contractuelle. Durant l’été 2014, le président Nasser Al-Khelaïfi et la direction parisienne décident de l’écarter en raison de son transfert avorté à l’AS Rome et de sa volonté de ne pas prolonger afin de partir librement en fin de saison, sans indemnité de transfert, avec la possibilité d’une grosse prime à la signature chez son futur employeur.

Après plusieurs mois de blocage et de discussions animées en coulisses, Adrien Rabiot est finalement réintégré en acceptant de signer un nouveau bail jusqu’en 2019 avec le PSG. Il s’impose alors comme un cadre de l’équipe d’Unai Emery. Au point que le club de la capitale décide d’ouvrir la porte au départ de Blaise Matuidi, qui rejoint la Juventus à l’été 2017, afin de lui laisser le champ libre. Sans toutefois verrouiller une nouvelle extension de son contrat.

Des crispations autour de son rôle sur le terrain

Attiré par la perspective d’un autre challenge et déçu par les mauvais résultats du club en Ligue des champions, Rabiot exprime alors son envie de ne plus être aligné en sentinelle devant la défense. En revendiquant un positionnement plus haut sur le terrain. "Ceux qui connaissent le foot savent qu'il s'agit de deux postes très différents", explique-t-il lors d’un rassemblement de l’équipe de France en août 2017. "Le milieu défensif, c'est à la fois le cerveau de l'équipe et le cinquième défenseur. Il faut toujours contrôler ses déplacements, se brider, ne pas se projeter vers l'avant. Or moi, je suis porté d'instinct vers l'attaque et je pense avoir quelques qualités dans ce registre, y compris à l'approche du but adverse."

Alors qu’il s’imagine disputer la Coupe du monde 2018, Didier Deschamps ne le convoque pas pour le grand voyage en Russie. Déçu et vexé, Rabiot refuse son statut de réserviste. Le PSG ne prend pas position dans ce conflit avec le sélectionneur national et se contente d’un communiqué assez neutre pour évoquer la situation. Le joueur se sent lâché par ses dirigeants, la rupture se dessine un peu plus dans son esprit. Paris refuse tout de même une offre de transfert du FC Barcelone durant l’été 2018, à un an de la fin de son contrat. Intronisé après le sacre des Bleus au Mondial, Thomas Tuchel s’appuie beaucoup sur Adrien Rabiot lors de ses premiers mois à la tête du PSG. Sans en faire pour autant un maillon indispensable, en raison notamment de son manque d’entrain pour les changements de position.

L’annonce de sa non-prolongation en décembre 2018

Ne laissant rien paraître de ses intentions, Adrien Rabiot enchaîne les sorties sans broncher sous le maillot rouge et bleu. Début septembre, il s’empare même d’un mégaphone pour chanter avec les ultras devant le parcage visiteurs après un succès à Nîmes (2-4). Fin octobre, avant un match à Marseille (victoire 0-2), Tuchel le sanctionne avec Kylian Mbappé pour être arrivé en retard à une causerie. Les deux titulaires habituels sont sur le banc lors du coup d’envoi au Vélodrome. Les semaines suivantes, Rabiot est peu à peu relégué dans la hiérarchie. Le 5 décembre, il dispute la seconde période d’un déplacement à Strasbourg en tant que défenseur central (1-1). Son dernier match avec le PSG.

Quelques semaines plus tard, le joueur annonce son intention de partir libre en fin de saison, en écartant la possibilité d’une nouvelle prolongation. "La décision de quitter le club est ferme et définitive parce que la situation s’est totalement dégradée", explique Véronique Rabiot sur RTL. "Ce n’est plus possible de revenir en arrière. Ce n’est absolument pas une question d’argent et cela n’a jamais été une question d’argent avec le PSG (…) Aujourd’hui il a 23 ans et il achète sa liberté."

Ecarté du groupe pro, puis mis à pied

Dans la foulée, Nasser Al-Khelaïfi et le PSG écartent Adrien Rabiot du groupe professionnel. "Le joueur m’a informé qu’il souhaitait quitter le club à l’expiration de son contrat. Cela aura une conséquence très claire: il restera sur le banc pour une durée indéterminée", fait savoir le directeur sportif Antero Henrique. Début janvier, l’international français est carrément envoyé en réserve, avant d’être réintégré avec les pros sur injonction de la commission de discipline de la Ligue de football professionnel.

En mars 2019, Adrien Rabiot est mis à pied durant six jours pour avoir "liké" un message de Patrice Evra après l’élimination du PSG face à Manchester United en 8es de finale de Ligue des champions et s’être affiché tout sourire en boîte de nuit après la rencontre. "Je trouve inacceptable l’attitude et le manque de professionnalisme d’un joueur comme Adrien Rabiot envers le club, ses coéquipiers et ses supporters", s’insurge Antero Henrique, interrogé par RMC Sport.

Au placard jusqu'à son départ

Véronique Rabiot contre-attaque et se dit "révoltée" de voir son fils "pris en otage" dans le 78. "Adrien est prisonnier. Bientôt c'est au pain sec, à l'eau et au cachot! Ce milieu est cruel. Je n'ai pas envie de faire pleurer dans les chaumières, ni de fragiliser encore plus Adrien en disant qu'il n'est pas bien. On s'attaque au versant humain. Nous sommes pudiques. Je peux simplement vous dire qu'il vit très mal tout ce qui se passe", explique-t-elle à L’Equipe. Selon le quotidien sportif, Adrien Rabiot aurait ensuite été ciblé par l’armée numérique que le PSG utiliserait pour discréditer certains joueurs récalcitrants.

Après de longues semaines sans compétition, le "Duc" finit par plier bagages au terme de son contrat pour s’engager librement avec la Juventus le 1er juillet 2019. Au fil de ses quatre saisons passées en Italie, il relance sa carrière en devenant un cadre de la Vieille Dame, avant de répondre favorablement à l’appel de l’OM en septembre dernier.

https://twitter.com/AlexJaquin Alexandre Jaquin Journaliste RMC Sport