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Pourquoi le partage du stade Jean-Bouin entre le Stade Français et le Paris FC pourrait s’avérer très compliqué

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Depuis la révélation du futur rachat du Paris FC par la famille Arnault, la question du futur stade du club de Ligue 2 est centrale. Son actuel président, Pierre Ferracci, lorgne ouvertement sur le stade Jean Bouin, l'antre du Stade Français. Mais les problématiques sont extrêmement nombreuses.

Avant même la nouvelle d’un prochain rachat par la famille Arnault et le groupe Red Bull, le président du Paris FC Pierre Ferracci ne s’en n’était pas caché. Lors d’une interview donnée au Figaro au mois de mai dernier, il avait ouvertement ambitionné de quitter le stade Charlety. "On a commencé il y a quelques semaines à discuter avec le Stade Français pour jouer à Jean-Bouin à partir de la saison 2025-2026. Je pense qu’on peut faire un binôme intéressant avec le Stade Français à côté du Parc des Princes".

Pour autant, les questions autour de ce déménagement vers cette enceinte de 20.000 places ne manquent pas. Et peuvent poser problème. RMC Sport détaille les points qui pourraient compliquer une telle opération.

Le stade Jean-Bouin, la maison du Stade Français

Le Stade Français est chez lui à Jean-Bouin. Au-delà d’un simple constat, c’est gravé dans le marbre. Largement rénové en 2013 à l’initiative de l’ancien président Max Guazzini, le club de rugby parisien bénéficie aujourd’hui d’une location exclusive, actée par une "convention d’occupation du domaine public" accordée par la mairie de Paris, signée en 2019 et ce pour une durée de dix ans. De ce fait, jusqu’en 2029 et contre une redevance annuelle, le Stade Français en a la gestion.

Ce qui veut dire la commercialisation, le développement des espaces d’hospitalités, mais aussi la prise en charge des coûts d’exploitation. L’entretien d’un tel bâtiment n’est pas neutre. Le Stade Français a investi de l’argent dans les loges et les salons, ainsi que l’installation d’une pelouse synthétique. Comme beaucoup de clubs de rugby aujourd’hui (Toulouse, La Rochelle), il gère aussi à l’inverse de nombreux évènements et hospitalités "hors rugby" dans son enceinte pour supporter les charges. Quid de cette organisation en cas d’arrivée d’un autre club? Les discussions promettent d’être complexes.

La partage, un vaste chantier

Puisque Jean-Bouin est sa "maison", le Stade Français l’a évidemment relooké dans ce sens. L’habillage du stade est en partie rose, les loges sont décorées à l’effigie du club, de ses exploits passés et de ses plus grands joueurs et la marque Capri-Sun, propriété du président Hans-Peter Wild, présentes sur les murs. Pas évident dès lors pour le Paris FC de s’approprier ponctuellement l’endroit pour développer sa marque commerciale.

Il en va de même pour la pelouse. Actuellement synthétique, il faudrait "absolument la changer" selon le président du Paris FC Pierre Ferracci. Au-delà de régler le financement de l’installation d’une pelouse hybride, les changements incessants de marquage au sol risquent d’altérer la qualité télévisuelle du match, qu’il soit de foot ou de rugby. Quelque chose que les dirigeants de la Ligue Nationale de Rugby souhaitent éviter par rapport au diffuseur Canal +.

Autre obstacle, durant la semaine, l’association du Stade Français (la section amateur, jeunes et féminines) utilise le terrain de Jean-Bouin pour s’entraîner. Quelles conséquences pour ses joueurs et joueuses? Lors de la récente inauguration du nouveau centre d’entraînement de l’équipe première au Camp de Loges, le directeur général du Stade Français Thomas Lombard précisait d’ailleurs que ce petit monde resterait bien à Jean-Bouin, que "le centre d’entraînement n’avait pas la capacité d’accueillir les 700 membres de l’association".

Le casse-tête insoluble de la programmation des matchs

Imaginons que le Paris FC, actuel leader de la Ligue 2 avec deux points d’avance sur Lorient et Dunkerque, monte à l’issue de la saison en Ligue 1. Trois clubs professionnels se partageraient alors l’espace du Parc des Princes et du Stade Jean-Bouin le week-end. Deux stades à peine séparés par...une rue. Et avant même l’idée de l’arrivée du PFC dans l’élite du football, cela peut poser problème. Un exemple l’a montré il y a moins d’un mois, lors de la 2e journée du Top 14.  

Ce samedi 14 septembre, le Stade Français recevait le RC Vannes. La programmation des cinq premières journées du Top 14 ayant été dévoilée bien à l’avance, précisément le 15 juillet, on savait que la rencontre aurait lieu à 16h30. Or, ce même jour, la parade des athlètes olympiques était prévue en soirée sur les Champs-Elysées. Mais surtout, le 31 août, la Ligue de Football Professionnelle annonçait que le match PSG-Brest se disputerait également le 14 septembre à 21h, pour anticiper une semaine de Ligue des champions à venir. Ce choix n’était pas sans conséquences. Car en cas de concomitance avec un match au Parc des Princes, il faut que le stade Jean-Bouin soit "vidé"… trois heures avant le coup d’envoi du football.

Impossible à respecter si le Stade Français veut pleinement faire marcher ses hospitalités après son match, qu’elles concernent ses loges ou ses "bodegas". Par conséquent, sur demande de la Préfecture de Paris, la Ligue Nationale de Rugby a dû déprogrammer en urgence la rencontre, la sortir du multiplex et l’avancer à 14h30, en même temps que l’unique affiche prévue dans cette case, à savoir Toulon-Castres ce jour-là. Un désagrément pour le diffuseur, mais évidemment également pour les spectateurs, qu’ils soient supporteurs parisiens ou vannetais. Lesquels ont dû s’adapter…

En temps normal, et au moment de construire les calendriers, les Ligues respectives tentent de ne pas mettre en confrontation les rencontres à domicile des deux clubs. Mais sur toute une saison c’est impossible. Car le rugby essaye aussi de ne pas faire cohabiter un match du Stade Français et… du Racing 92. Cette saison, on comptabilise donc encore six week-ends où il y aura des matchs du Stade Français et du PSG dans leur stade.

"Une complexité sans nom" au final, selon les dirigeants de la LNR.

Et autant d’occasions pour les diffuseurs de devoir jongler pour trouver la meilleure formule. L’arrivée d’un autre club résident au Stade Jean-Bouin ajouterait donc une nouvelle inconnue à l’équation. Elle réduirait encore potentiellement le nombre de dates sans "face-à-face" dans la saison. Et aboutirait à coup sûr à une impasse. A terme, la LNR peut hausser le ton et faire valoir le règlement, qui dit que le stade théâtre des matchs d’un club doit être à coup sûr disponible. On n’imagine pas le Stade Français devoir délocaliser une rencontre à domicile sous la contrainte. Reste au club parisien, muet pour le moment sur la question, à faire valoir ces arguments lors des prochaines discussions qui ne manqueront pas de venir avec le PFC et la mairie de Paris…

Wilfried Templier