Sur les traces de Mahrez (1/3) : son enfance à Sarcelles

Riyad Mahrez sous le maillot de Leicester - AFP
C’est l’histoire, bien trop classique dans le football français, d’un gamin doué rejeté dans l’ombre pour son physique « trop frêle », mais qui va renverser le destin par la force de sa volonté. Pour remonter sur les traces de Riyad Mahrez, il faut traverser le périphérique et se rendre dans la banlieue nord de Paris. Sarcelles, la ville de sa naissance il y a un peu plus de 25 ans. Celle où il a grandi et fait ses premiers pas de footballeur de rue, point de départ de sa technique de feu. Celle de son premier club, l’AASS, dont l’un des terrains porte le nom d’un autre glorieux ancien, l’ex-international tricolore Philippe Christanval.
Arrivé à l’AASS à 13 ans, Mahrez va y rester jusqu’à ses 18 ans. Sans impressionner tout de suite, loin de là. « C’était un petit gabarit, très chétif, pas très rapide, mais avec un pied gauche déjà très précis, se souvient Mohamed Coulibaly, le directeur sportif du club francilien. Il avait une grande qualité technique et un sens du jeu quand même un peu au-dessus de la moyenne. Mais ce n’était vraiment pas le meilleur de sa génération. » Son physique le dessert.
« Il s’est retrouvé dans les équipes 2 ou 3, poursuit Coulibaly. Les déficits de vitesse et de puissance athlétique faisaient qu’il avait du mal à s’imposer dans ces équipes de foot à 11. A l’époque, il y avait le championnat des 14 ans fédéraux, celui où tous les recruteurs venaient piocher pour les centres de formation. Il est passé au travers car il n’était pas dans cette catégorie-là. Mais c’était logique car il y avait plus efficace et plus fiable que lui pour l’époque. »
« De 9h à minuit, il était dehors avec un ballon »
Attaquant ou milieu de terrain, le futur joueur-dynamite de Leicester montre tout de même culot et caractère. Le garçon répète même à qui veut l’entendre qu’il deviendra un jour professionnel. « Sa force, c’est qu’il a toujours cru en lui, juge Coulibaly. Au collège, quand tous ses potes étaient déjà partis dans un club pro ou venaient d’y signer, il n’arrêtait pas de dire qu’il serait pro. Il me l’avait juré. » Moqué pour son physique par ses adversaires et même certains coéquipiers, il s’accroche à son rêve, caractère bien trempé. La mort de son père (originaire de la ville algérienne de Beni Snous) en 2006, terrible épreuve, va renforcer sa volonté.
« Ça l’a aidé car il voulait réussir à être professionnel pour son père, dont c’était le rêve, estime Guy Ngongolo, son premier éducateur à l’AASS. Donc il s’est donné les moyens de réussir. » Son amour du ballon rond va l’y aider. « Après l’entraînement ou les matches, il allait encore jouer en salle ou à l’extérieur, se remémore Ngongolo. Il avait toujours un ballon entre les mains. Il était déterminé. » Et Coulibaly d’appuyer : « Dans la préadolescence, en général, les gamins préfèrent traîner dehors, faire quelques bêtises. Il y a aussi les filles.... Ce n’était pas son cas. Il restait concentré sur le foot. De 9 heures du matin à minuit, il était dehors avec un ballon, même sur le terrain qui n’était pas éclairé. Il jouait avec son grand frère Wahid ou des amis. »
« Riyad a ce petit truc en plus dans la tête »
A 17 ans, sa croissance lui permet de plus s’imposer. Il finit par rejoindre l’équipe première des seniors. A 18 ans, il tente un essai d’un mois en Ecosse. Sans succès. Mais l’expérience sert de nouveau déclic. « A son retour, tout le monde l’a vraiment senti transformé, précise Coulibaly. En s’entraînant tous les jours, il a pris en volume, il s’est étoffé physiquement. » « Je l’ai récupéré en seniors et on avait l’impression qu’il jouait contre des U15 », s’amuse Ngongolo. Ce dernier convainc Ate Nzete, alors entraîneur de Gennevilliers mais qui l’avait eu sous ses ordres à la section sportive du collège Chantereine, de faire jouer son carnet d’adresses.
Un coup de fil à un ami directeur sportif de Quimper va faire basculer la carrière de Mahrez. Mais Riyad n’oubliera jamais Sarcelles. « On a toujours des contacts, raconte Ngongolo. Je le conseille souvent, que ce soit sur la récupération ou par rapport à ce qu’il a fait pendant son match. Il est impliqué et sérieux. Il a pris conscience de ce qu’était le monde professionnel. Il a encore une grosse marge de progression. Ce qu’il fait aujourd’hui, techniquement, il le faisait déjà chez nous. » La conclusion à Coulibaly : « C’est un joueur sûr de lui et qui ne se cache pas. Ryad a le truc des grands joueurs, ce petit truc en plus dans la tête. Mentalement, c’est très fort. » Les restes de l’enfance.