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Coupe du monde de handball: "C'est le facteur X", Valentin Porte séduit par Briet

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Retraité international depuis les Jeux olympiques 2024, Valentin Porte, actuellement en période de préparation avec Montpellier, suit assidument le Mondial des Bleus entamé le 14 janvier dernier. Satisfait de voir l'équipe de France rebondir après l'échec de l'été dernier, il reste prudent à l'approche de la phase finale et le quart de mardi soir.

Valentin Porte, avant de se pencher sur ce Mondial, revenons sur ce dont on a beaucoup parlé à l'entame de la compétition: le temps mort des Jeux (le discours de Dika Mem en quarts face à l'Allemagne suivi d'une perte de balle entraînant une prolongation fatale). Avec le recul et désormais retraité de l'équipe de France, comment analysez-vous ce moment?

En toute honnêteté, ça ne m'a pas choqué parce que c'est le fonctionnement de l'équipe de France. Guillaume (Gille) donne deux ou trois consignes et ensuite les joueurs prennent la parole. Mais ça je le vois dans d'autres séléctions. J'ai regardé la Norvège la dernière fois, le sélectionneur a parlé vingt secondes puis Sander Sagosen quarante secondes. Il y a six mois, en fin de match, Dika prend de suite la parole. Avec un peu de véhémence peut-être mais je ne suis pas surpris parce qu'on est dans un moment chaud d'un match lui-même chaud. Il vient de se faire 60 minutes de jeu où il a été excellent alors forcément tu te chauffes. Là où je suis dégoûté pour lui, c'est qu'on sait ce qu'il se passe derrière. Mais si on est dans cette situation, à ce moment du match, c'est grâce à lui. Encore, ça n'aurait pas été le fonctionnement de l'équipe de France, j'aurais été surpris mais aujourd'hui, c'est participatif donc c'est toujours comme ça. Responsabiliser les joueurs je trouve ça très bien, Guillaume prend la parole d'abord puis ensuite les leaders d'attaque et de défense s'expriment. Si Dika n'avait rien dit, l'erreur il l'aurait peut être faite aussi mais il ne se serait pas fait autant cracher dessus. C'est une forme d'intelligence du sélectionneur de manager ainsi. Lui est à l'extérieur et voit des choses, nous on en voit aussi, d'autres. Sur le terrain, la sensation est différente. En club, je prends la parole en temps mort en disant aux gars qui est fatigué en face, qui a du mal, et on met un truc en place, les mecs suivent, c'est aussi à ça qu'on voit un leader de jeu, c'est de sentir les choses. Après tu as d'autres styles de coach, un Patrice Canayer (ex-coach à Montpellier) par exemple où tout était carré et déjà prêt. Nous, on avait cinq secondes pour parler entre nous et se mettre d'accord. Toutes les façons de faire son différentes.

Six mois après cette mésaventure, que vous inspire le début du tournoi des Bleus?

Je ne me faisais pas de soucis concernant l'état d'esprit du groupe mais plus concernant l'aspect physique. Après les blessures de Dika (Mem) et Elohim (Prandi), ça faisait des joueurs en moins à l'approche de la compétition. Mais j'ai vite été rassuré. L'équipe a été régulière sur les cinq premiers matchs. Alors oui, certains diront qu'on n'a pas la partie de tableau la plus compliquée mais il faut les jouer ces matchs contre la Hongrie, les Pays-Bas, les prendre par le bon bout. Et les gars ont été très sérieux.

Avec des joueurs qui ont pris de plus en plus d'importance dans le collectif...

Pour moi la vraie plus-value de l'équipe de France aujourd'hui, elle se fait grâce à Thibaud Briet. Il n'a pas raté un match (il pourrait souffler ce soir contre la Macédoine pour donner du temps de jeu à Romain Lagarde). Il est important offensivement, défensivement, à la passe, au shoot... C'est le facteur X qui te fait passer l'équipe de France dans une autre dimension surtout qu'Elohim Prandi manque de rythme. On voit vraiment le Thibaud Briet qu'on a depuis le début de saison, celui qui fait la pluie et le beau temps à Nantes, qui tient l'équipe, c'est très fort.

Avec le départ de Vincent Gérard, le poste de gardien de but est visé par les observateurs comme le point faible de cette équipe. Vos coéquipiers à Montpellier, Rémi Desbonnet et Charles Bolzinger, semblent pour le moment donner satisfaction...

Sans faire injure à nos gardiens, on parle d'une phase de groupe pas très compliquée. Des matchs où la défense a pris le dessus et des shoots adverses assez visibles. Contre la Hongrie (mardi), une équipe plus expérimentée avec de meilleurs shooteurs, Rémi a fait un bon match. Je vois Charles un peu en difficulté en club, en recherche de sensation et je suis content pour lui. De ce que j'ai vu, je retrouve un Charles que j'ai connu quand il a été meilleur gardien de la saison, ses stats sont correctes. Maintenant, quand le niveau va augmenter, il faudra voir. On sait que d'autres équipes sont mieux armées à ce poste, que le Danemark a une meilleure paire par exemple. Mais notre alliance d'une grosse défense et un gardien doté d'une bonne lecture, ça peut faire la différence.

Le point noir depuis le début de la compétions se trouve peut-être sur les ailes, poste que vous connaissez parfaitement et où Dylan Nahi et Benoît Kounkoud notamment ont connu quelques difficultés...

Je trouve que sur les premiers matchs, face au Qatar et au Koweït, notre jeu était plus intéressant avec un ballon qui vivait un peu plus et quelques décalages. Quand ça s'est un peu tendu, que l'écart n'était pas large, on est retombé dans nos travers avec des fixations très haut du but, sans travail préparatoire, une tendance à s'empêtrer dans la défense balle en main... C'est ce qui peut nous perdre car on a des joueurs de grande qualité mais on est encore meilleur quand le ballon vit. Plus la compétition avance, moins on joue avec les ailes. Du coup elles sont moins performantes car elles manquent de rythme et de sensation. Dylan et Benoît sont des mecs qui fonctionennt aussi à l'adrénaline donc quand la phase finale va arriver je ne me fais pas de soucis. Derrière, il y a aussi un Julien Bos tout à fait correct. Il fait le travail qu'on lui demande, ça me rappelle un peu le rôle que j'avais.

La Suède, la Norvège et l'Espagne éliminés hier, ce sont les premières surprises du Mondial. De son côté, la France semble avoir une route dégagée jusqu'à la finale...

Non (il coupe), je déteste ce terme. D'autant plus quand on voit ce qu'il s'est passé aux Jeux. Quand on connaît le sport de haut niveau, rien n'est jamais dégagé. C'est une erreur de penser l'inverse. La science exacte n'existe pas, la preuve c'est que le Brésil et le Portugal peuvent sortir d'une poule avec la Norvège, la Suède et l'Espagne. C'est ce qu'on aime dans le sport de haut niveau, il y a parfois des trucs qu'on n'explique pas. Dire que jouer la Croatie en quarts c'est dégagé... quand tu vois le match qu'ils ont sorti contre l'Islande hier (victoire...). Je voyais les Islandais hyper costauds et ils se sont fait massacrer de manière surprenante. La Croatie que tout le monde annonçait complètement nulle, avec des blessés... Moi j'ai vu une Croatie que je ne voulais pas jouer, une Croatie chez elle avec un jeu pas forcément très beau mais qui rentre dans tout ce qui bouge, qui met la misère à tout le monde avec une pression de fou. Sur un quart, à Zagreb, s'ils sortent un match comme hier, ce n'est pas dit qu'on gagne. Alors oui, je préfère prendre l'Egypte diminuée que le Danemark en quarts, mais c'est loin d'être dégagé. Il faudra sortir deux matchs de mutants pour arriver en finale.  

Clément Brossard