Une médaille et des interrogations: le bilan mitigé des Bleus après le Mondial de handball

S'il y a un bien une certitude à avoir à l'issue de la compétition, c'est que le travail de cohésion entrepris depuis le mois de novembre semble porter ses fruits, même s'il faudra à l'avenir, le démontrer de manière plus distincte une fois sur le terrain. Dans les discours, les Bleus se sont montrés, depuis le début du tournoi, cohérents et unis dans leur prise de parole: un discours fondé sur l'esprit d'équipe, un groupe de 19 garçons, sans mettre de côté Romain Lagarde, habitué aux tribunes croates et norvégienne durant ce Mondial où Valentin Kieffer, le troisième gardien qui n'a pas eu les honneurs d'une feuille de match après avoir remplacé au pied levé Samir Bellahcene, blessé, dans le groupe. Démonstration de cet esprit, le fait de voir le capitaine Ludovic Fabregas porter le maillot du portier français au moment de la remise de médaille. Les sourires, les chambrages, les moments conviviaux et les messages d'unités ont accompagné ce groupe rajeuni pendant trois semaines.
Briet, Minne, Bos: des joueurs qui émergent
Nikola Karabatic, Valentin Porte, Vincent Gérard partis en retraite, l'équipe de France s'est légèrement renouvelée après la compétition. "Ce n'est pas forcément une nouvelle génération car le noyau dur était déjà là", évoquait Nikola Karabatic avant le match face aux Croates. "Mais en effet, il y a certains joueurs qui prennent plus de place." Les relais ont pour la plupart du temps été pris. A peine remis de sa blessure à l'épaule et à court de rythme, Elohim Prandi a été supplée par un Thibaud Briet ultra-décisif lors des tours préliminaires et principaux à l'image de ce que le natif de Rouen propose sous le maillot du HBC Nantes, mais en difficulté quand le niveau s'est élevé (Egypte, Croatie). Aymeric Minne, lui, a flambé et plus que participer à l'obtention de la médaille de bronze en scorant à dix reprises face au Portugal, aligné d'entrée à la place d'un Nedim Remili qui a terminé son Mondial mois brillamment qu'il ne l'avait commencé. Pour sa première aventure en bleu, Julien Bos a croqué à pleines dents les occasions qu'on lui donnait de jouer. L'ailier droit nantais termine la compétition comme étant le joueur de l'équipe le plus efficace au shoot (13/15, 87%). S'il a déjà été remarqué sous le maillot bleu ces derniers mois, Karl Konan a de son côté démontré qu'il était le boss de la défense : 8 interceptions au compteur et le premier pour venir au contre, le futur parisien, à l'image de ses coéquipiers, s'est aussi retrouvé en difficulté en demi-finale mais a retrouvé son envergure en seconde période.
Dika Mem, le patron
Après le tollé reçu suite à sa prise de parole enchaînée de sa perte de balle lors des Jeux, de nombreux regards étaient braqués sur Dika Mem. Le Barcelonais a répondu présent, il a été le français le plus constant de la compétition, a connu son premier match comme capitaine de l'équipe de France (face à la Macédoine du Nord) lorsque Ludovic Fabregas, victime d'une grippe intestinale, est resté au repos et a peut-être été le seul français à tenir son rang face à la Croatie et déterminant dans le fait de sonner la révolte en seconde période. Le numéro 10 de l'équipe de France a fini meilleur buteur de l'équipe avec 54 buts, loin devant ses coéquipiers (Minne 38, Briet 34).
Des gardiens encore loin des meilleurs mondiaux
C'était l'interrogation de ce Mondial. Savoir si les portiers français allaient pouvoir se montrer à la hauteur des ambitions bleues. Excellent dans ses relances, Rémi Desbonnet a été moins efficace au moment de sortir les ballons adverses. Un gros match en tour principal face à la Hongrie mais pas de surperformance. Difficile pour le Montpelliérain de passer derrière un Vincent Gérard, régulièrement qualifié de meilleur gardien du monde. Alors qu'il a débuté le tournoi comme gardien titulaire indiscutable, Rémi Desbonnet a perdu son face à face avec le portier Dominik Kuzmanovic lors de la demie et a terminé le tournoi avec 19% d'efficacité contre le Portugal en quasi 30 minutes passées sur le terrain. La médaille de bronze a été remportée suite à une parade de la tête de son remplaçant en sélection comme en club, Charles Bolzinger, dans les dernières secondes. Dans ce domaine, le Danemark a encore prouvé qu'il était bien supérieur armé d'un Emil Nielsen, meilleur gardien du Mondial, qui a commencé sa finale par quatre parades en cinq tirs. De quoi écœurer son adversaire, rassurer toute une équipe et la lancer vers un quatrième titre mondial consécutif. L'Allemagne, la Suède, l'Espagne voire le Portugal semblent eux aussi apporter plus de garanties à ce poste.
Un jeu offensif trop restreint
Il était prévisible de voir les Bleus souffrir en phase finale s'ils n'augmentaient pas leur niveau de jeu après deux premières phases et une partie de tableau bien plus faible que celle d'en face. De leur propre aveu, les Bleus ont encore des choses à régler et cela s'est vu. Toute la compétition durant, l'équipe de France a peiné à huiler son jeu, à trouver des décalages et lorsque cela fut le cas, les ailiers n'ont pas été chirurgicaux (55% pour Benoît Kounkoud, 66% pour Dylan Nahi). Alors ils ont tenté de forcer dans l'axe, parfois à outrance, sans chercher à apporter plus de rapidité dans un jeu parfois trop lisible. Le groupe a changé, il est assurément moins expérimenté et les automatismes prennent parfois du temps à se mettre en place mais il faudra montrer autre chose si cette équipe compte briguer l'or à l'Euro l'an prochain... au Danemark.
Quid de Guillaume Gille ?
"Il n'est pas encore l'heure de faire le bilan." Après le match pour la 3e place le sélectionneur n'a pas souhaité revenir sur les raisons de l'échec face à la Croatie, le lendemain du match non plus d'ailleurs. Le debriefing va se dérouler ces prochains jours. L'occasion pour le tacticien des Bleus et son staff de s'apercevoir qu'ils n'ont pas vraiment réussi à peser dans les matchs qui comptent. À aucun moment en phase finale les Bleus ont assis leur domination, dans l'obligation de s'en remettre à des gestes de dernières secondes sur un but du milieu de terrain de Luka Karabatic contre l'Égypte ou une parade particulière de Chales Bolzinger face au Portugal. Contre la Croatie, aucun changement tactique n'a été observé au moment où la Croatie prenait le large et que la France se cassait les dents sur une défense organisée en 5-1. Aymeric Minne aurait-il dû hériter d'un temps de jeu plus conséquent, Bolzinger aurait il dû être lancé dans le bain plus tôt lorsque Desbonnet peinait à se montrer efficace ? Ciblé après les Jeux Olympiques suite à la prise de parole de Dika Mem sur le dernier temps morts, Gille a gardé sa méthode de coaching participatif en se montrant peut-être plus tranchant en témoigne le dernier temps-mort face au Portugal où le temps de parole laissé aux joueurs s'est trouvé très restreint suite aux consignes données par le sélectionneur. Certains choix se sont aussi avérés payants : responsabiliser Thibaud Briet, convoquer Julien Bos après la retraite de Valentin Porte et conforter Dika Mem dans son rôle de leader offensif. Confirmé par le Président Philippe Bana à son poste sur RMC avant et après la demi-finale perdue, Guillaume Gille a la tranquillité d'esprit pour construire afin de permettre aux Bleus de retrouver leur rang, tout en haut du building international.