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Athlétisme : "Si je deviens maire en 2026, ce sera ma priorité", les confidences de Quentin Bigot

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Non qualifié pour les Jeux olympiques de Paris, le lanceur de marteau Quentin Bigot, qui sort de deux saisons compliquées, se laisse jusqu'à 2025 pour performer avant de se concentrer sur un autre objectif: les élections municipales. Candidat à Gandrange (Moselle), la ville de son enfance, il se dit prêt à passer du sport à son possible nouveau rôle de maire, "sans douleur ni amertume".

A 32 ans, le lanceur de marteau Quentin Bigot bascule déjà dans sa vie d’après. Il se rêve maire de Gandrange, sa ville de toujours, en 2026. Et le médaillé d’argent aux Mondiaux de Doha en 2019 assume que son nouveau rôle deviendra sa priorité absolue. Après deux saisons difficiles, entre opération du dos en 2023 et résultats sportifs décevants en 2024, il évoque également une probable retraite sportive après les championnats du monde de Tokyo en septembre 2025.

Avez-vous réussi à suivre les Jeux olympiques de Paris depuis votre canapé, malgré la déception de votre non-sélection?

Je ne vous cache pas que c’était difficile mais je n’ai pas pu bouder les Jeux… c’était quand même Paris 2024. Ça aurait été vachement égoïste de ne pas regarder du tout, d’autant que j’ai beaucoup d’amis de l’équipe de France qui y étaient. J’ai regardé le marteau hommes et c’était très compliqué. La médaille de bronze se joue au centimètre près à hauteur de ma performance aux derniers Jeux de Tokyo. Le podium était donc accessible, entre guillemets, si j’avais été à mon meilleur niveau. Mais c’est la vie et il faut accepter l’histoire comme elle est. On a fait le maximum depuis mon opération du dos et on savait que ça allait être compliqué. Il n’a pas manqué grand-chose. Il y a de la déception mais je n’ai rien à regretter depuis mon opération. Ça facilite la digestion.

Votre entraîneur Pierre-Jean Vazel est parti travailler à World Athletics depuis la rentrée. Comment travaillez-vous désormais?

Notre Pierre-Jean est parti vers d’autres horizons. Je travaille seul, sans coach. Honnêtement, j’ai 32 ans, cela ne change plus grand-chose sur le fond. Je me suis entrainé seul pendant des années. Je suis sur une continuité, avec Pierre-Jean, on était ensemble depuis dix ans. Je n’ai plus de coach et je n’en veux pas, à vrai dire. Avec Pierre-Jean, ce qu’on a construit ensemble, ce qu’on a fait, je ne vois pas avec qui je pourrais le transposer aujourd’hui. De plus, je suis très bien chez moi et aucun coach ne se déplacera ici en Moselle. Je n’ai pas besoin d’être chapeauté. Avec Pierre-Jean, ce n’était pas une relation descendante, pas directif. On proposait chacun beaucoup. Je n’ai pas envie de me prendre la tête en plus, car je ne vais pas lancer encore 107 ans, je ne vais pas faire une carrière à la Mélina Robert-Michon (la lanceuse de disque aux sept JO). Pour être franc, je me laisse encore 2025 et après, ce seront les élections municipales.

"J'ai l'impression d'avoir fait ce que j'avais à faire"

Vous êtes donc officiellement candidat à la mairie de Gandrange (Moselle, près de 3.000 habitants), la ville de votre enfance?

Je suis engagé oui, et si je suis élu maire en 2026, ce sera ma priorité. Et le changement se fera sans douleur, ni amertume.

Est-ce que ça signifie la fin de votre carrière de lanceur de très haut-niveau? Vous ne vous voyez pas lancer le marteau avec l’écharpe tricolore ?

Je ne compte pas arrêter de lancer totalement. Mais ma priorité sera la mairie, je compte faire correctement le boulot. C’est une ville de 3.000 habitants donc si j’ai une bonne équipe autour de moi, ça pourrait me laisser le temps d’avoir une autre activité. Mais un lanceur de haut-niveau, c’est 20 heures d’entraînement par semaine. La priorité deviendra la mairie.

Si on lit entre les lignes, cela veut dire que vous ne visez plus Los Angeles 2028? Vos derniers Jeux Olympiques auront donc été ceux de Tokyo en 2021?

C’est possible. L’avenir est parfois très incertain. Il faut déjà gagner les élections. Même si c’est bien parti, il faut déjà faire le boulot. J’ai d’autres ambitions dans ma vie personnelle, dans ma vie de famille. J’arrive à un âge où j’ai l’impression d’avoir beaucoup donné, cela fait 20 ans que je lance le marteau. Il y a eu des hauts et des bas. Des bas qui m’ont coûté très cher et qui m’ont fait perdre des plumes (suspension de deux ans pour dopage en 2014). Ça use mentalement car on m’en parle encore, je sais que le regard des athlètes est encore lourd. C’est pesant. J’ai l’impression d’avoir fait ce que j’avais à faire. Après avoir fait 80m en 2022, j’ai dit à Pierre-Jean à l’époque que je pouvais arrêter n’importe quand. J’étais heureux. J’ai fait une médaille internationale, des finales mondiales. Si on m’avait dit ça avant ma carrière, j’aurais signé des deux pieds et des deux mains.

"De l'égoïsme du sportif à quelque chose de plus altruiste"

La politique va donc remplacer le sport dans votre vie désormais?

Il y a des similitudes avec le sport de haut niveau d’ailleurs. Je me prends au jeu de ma ville, que j’aime. Tu te bouges pour trouver des financements, des partenaires, pour monter des projets et donner le sourire aux gens. Pendant des années, les gens se sont mis en quatre pour moi, pour mes performances. C’est à mon tour de donner du temps aux autres. Je passe de l’égoïsme du sportif à quelque chose de plus altruiste. Quand tu es maire, tu te mets en quatre pour les gens. J’ai envie de rendre aux gens de Gandrange.

Vous vous estimez déjà en campagne?

On dit que la campagne commence le lendemain de la dernière élection municipale. Mais je ne sais pas car je ne m’étais pas imaginé maire au départ. J’étais sur la liste de l’opposition lors de la dernière élection. On a perdu et la tête de liste n’a pas souhaité continuer. Je suis quand même conseiller municipal et naturellement les gens m’ont dit que je devais reprendre le flambeau et me lancer. Je me suis pris au jeu. Devenir maire devient une ambition. Je muris le projet, mon équipe, donc d’une certaine manière, je suis en campagne et ça va venir vite. Les élections sont dans un an et demi. De plus en plus de Gandrangeois gravitent autour de moi, ça donne envie.

Sous quelle étiquette vous présentez-vous?

Je n’ai pas d’étiquette car j’estime que dans un village de 3.000 habitants, ce n’est pas nécessaire. Qu’on soit de gauche ou de droite, ça ne change rien. Le but est de se retrouver autour des projets locaux. Après, j’ai mes opinions politiques. Je suis plutôt Gaulliste, droite républicaine.

"Je me vois faire plusieurs mandats"

C’est plutôt rare dans le sport d’assumer ce penchant là…

Les gens se disent plus de gauche. Mais au niveau local, on me taquine en me demandant si je suis de gauche ou de droite finalement… si on doit faire du social pour aider localement, on fait du social. Je regarde simplement les besoins des gens de ma ville. C’est la seule mission de l’élu. Le village n’est plus du tout le même qu’il y a 50 ans. On est passé d’un village ouvrier, du monde de la sidérurgie à un monde de travailleurs transfrontaliers avec le Luxembourg à côté.

Est-ce qu’un avenir national, de député par exemple, vous fait rêver ?

Je suis critique avec la politique nationale aujourd’hui. Les députés sont trop déconnectés du terrain. Quand tu es maire, tu agis pour le quotidien des gens. Je me vois faire plusieurs mandats mais je ne sais pas où ça peut m’emmener. Le département, ça reste un ancrage fort localement, notamment en Moselle. Honnêtement, je ne me vois pas aller au-dessus car ça ne me correspond pas. A moins que je sente que je puisse changer radicalement les choses dans notre pays mais je ne crois pas. J’ai plutôt envie de faire du bien aux gens qui m’ont fait du bien, qui m’ont vu grandir.

Aurélien Tiercin