Tour de France: avant une folle dernière semaine, qui a pris le dessus dans la bagarre Vingegaard-Pogacar?

Relire ce bouquin qui attend désespérément d’être fini? Lancer une énième série TV? Hiberner pendant 24 heures? Prendre des nouvelles de ses proches ou, pire, travailler? Sevrés de leur dose quotidienne de Tour de France, les amoureux de vélo vont devoir se trouver une autre occupation le temps d’une journée. Car après une deuxième semaine éprouvante autant pour les têtes que pour les cuisses, les 157 survivants encore en lice vont avoir droit à un peu de repos.
Les choses sérieuses reprendront dès mardi avec au menu l’unique chrono de cette édition 2023. Un tracé de 22 kilomètres imaginé au cœur de la Haute-Savoie, entre Passy et Combloux, avec la célèbre montée de Domancy et sept dernières bornes en montée. Autrement dit, un terrain de jeu idéal pour relancer le meilleur feuilleton de l’été : le duel Jonas Vingegaard-Tadej Pogacar. Ce dimanche soir, le champion sortant devance toujours son rival de dix petites secondes. Le plus petit écart après 15 étapes sur le Tour entre les deux premiers depuis les huit secondes séparant Alberto Contador et Andy Schleck en 2010.
La stratégie du pas à pas pour Pogacar
A Saint-Gervais, l’acte II de la bataille des Alpes a accouché d’un match nul annonciateur d’une dernière semaine assez dingue. L’ogre slovène a bien tenté une attaque juste après la flamme rouge, mais Vingegaard n'a pas lâché d’un centimètre et les deux hommes ont franchi la ligne ensemble, inséparables tels des frères siamois, presque main dans la main.

"C’est une partie de poker menteur de très haut niveau, savoure notre consultant RMC Sport, Cyrille Guimard. Lequel a le plus peur de l’autre? On ne le sait même pas! On a simplement des impressions. Personne n’avait prévu qu’il ne se passe rien aujourd’hui. Le constat est là, ils n’arrivent pas à prendre le dessus l’un sur l’autre. Mais rappelez-vous que le contre-la-montre est une véritable épreuve de vérité. Attendons le résultat de ce chrono, on y verra plus clair. Enfin, peut-être..."
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Il y a une semaine, au moment de reposer les batteries une première fois, l’avance de Vingegaard était de 17 secondes. C’est sur les pentes du Grand Colombier, vendredi, que "Pogi" a grappillé une partie de son retard, en misant sur le travail de sape fourni par ses ouailles d’UAE et une attaque tranchante dans les derniers hectomètres, avec une pointe à 36,4km/h, rien que ça. A Morzine, la tension est montée d’un cran dans le mano a mano. On était dans Joux Plane, la dernière ascension d'une étape dantesque, lorsque Pogacar, épaule contre épaule avec Vingegaard, a lancé son sprint à 700 mètres du sommet pour aller gratter des secondes de bonifications. Mais il a dû se rassoir aussitôt, bloqué par des motos.
"La dernière semaine sera folle"
Le tenant du titre en a profité pour passer en tête au sommet, empochant les huit secondes de bonus, contre seulement cinq pour Pogacar, qui en a ensuite repris deux en coupant la ligne à la deuxième place derrière Carlos Rodriguez. Un épisode venu mettre un brin d'huile sur le brasier d'une rivalité plus que respectueuse.
"J’ai la conviction qu’ils sont exactement au même niveau, soutient Jérôme Coppel, 13e du Tour 2011 et consultant pour l'Intégrale Tour sur RMC. S’il y en a un qui tire une cartouche au mauvais moment, il sait qu’il risque de tout perdre. On n’est pas habitué à ce genre de scénario. D’habitude, il y a toujours un favori un peu plus fort que les autres. Là le suspense est total, c’est top!"
Observateur privilégié de cette bagarre cinq étoiles, Cédric Vasseur, manager de Cofidis, s’attend à ce que ce Tour "se joue sur trois rendez-vous: le contre-la-montre mardi, le col de la Loze avec l'arrivée à Courchevel mercredi et Le Markstein samedi", dans les Vosges, la veille de l’arrivée à Paris.
"Le final n'était pas suffisamment difficile pour créer des écarts aujourd’hui et ce sont ces trois moments qui permettront au plus fort des deux de mettre l'autre en difficulté. Les autres étapes seront pour les sprinteurs ou les baroudeurs. Pogacar a envie mais Vingegaard ne montre aucun signe de faiblesse. Au niveau des deux équipes, ça se vaut plus ou moins. Un jour, c'est Jumbo-Visma qui est un peu plus fort, un autre jour c'est UAE. La dernière semaine sera totalement folle."
"Ils ont envie de se battre!"
Même analyse (et sentiment d’impuissance) du côté de David Gaudu, neuvième du général: "Ça fait un moment qu’on n’a pas vu un duel comme ça dans le cyclisme. Ils sont au-dessus de la mêlée. Pour nous ça fait mal aux jambes, mais pour les suiveurs c’est génial (sourire). Et c’est encore loin d’être fini."
"On va s’amuser encore une semaine, sourit Mauro Gianetti, manager de la formation UAE. On voit vraiment que l’écart est minime. Ça peut se jouer sur le contre-la-montre mais ce n’est pas sûr. Les deux sont tellement costauds. On ne sait pas s’il y aura de grandes différences mardi. C’est quand même dommage qu’on soit les chasseurs, mais on est près (du maillot jaune). C’est une bataille physique, tactique et psychologique, tout est important. Ils ont envie de se battre! C’est difficile de dire quelle étape convient mieux à Tadej ou Vingegaard. Il faut essayer, c’est à nous d’attaquer."
Son poulain, lui, promet "des écarts" dans deux jours. "Et puis il y a l'étape le lendemain, avec une des ascensions les plus dures du monde (le col de la Loze). Là ce sera décisif mardi et mercredi, et aussi la 20e étape, qui peut faire la différence. J'ai reconnu le contre-la-montre, j'ai beaucoup aimé le parcours, ça me correspond bien. J'imagine que demain on y retournera faire une fois la boucle, pour peaufiner les derniers détails du contre-la-montre. Je connais bien l'ascension de mercredi, on l'a fait il y a trois ans. J'aimerais avoir un écart avec Vingegaard, c'est sûr, mais dans ce type de situation avec un coureur aussi fort que Jonas, je suis content de n'être qu'à 10 secondes, comme ça je peux être plus offensif plutôt que passif." Et pour le spectacle, rien de mieux qu'un Pogacar en mode agressif.