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Tour de France: pourquoi Pogacar et Vingegaard font peur à tout le monde

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Le Tour de France cuvée 2023, qui s'élance ce samedi de Bilbao, promet un duel au sommet entre Jonas Vingegaard, le vainqueur sortant, et Tadej Pogacar, bien décidé à récupérer son trône. Pour les autres favoris au général, ces deux-là sont sur une autre planète.

"Vous penserez à moi dans trois semaines à Paris. Moi, je vous le dis, Pello Bilbao va gagner ce Tour de France." Le pari est osé, pour ne pas dire improbable, mais il est lancé avec une telle assurance qu'on serait presque tenté de miser notre PEL sur le grimpeur de la Bahrain-Victorious en suivant uniquement ce conseil prodigué par Andoni, 12 ans, venu voir avec ses parents la présentation des équipes du Tour de France sous la pluie de Bilbao, jeudi.

C'est la deuxième fois que le Pays basque espagnol est choisi pour lancer la plus grande course cycliste du monde, après le départ de San Sebastian en 1992. "On est fiers", reconnaît Julen, le papa d'Andoni, qui a sorti de ses placards le mythique maillot orange d'Euskaltel-Euskadi. "On aimerait voir un gars d'ici comme Pello (qui a grandi à Guernica, à une trentaine de kilomètres de Bilbao, ndlr) réussir quelque chose de beau. Peut-être dès samedi pour la première étape. Mais pour la victoire finale, ça risque d'être compliqué vu les deux monstres en face..."

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Julen, qui glisse ces mots discrètement pour ne pas briser les rêves les plus fous de son cadet, sait manier l'euphémisme. Car les monstres en question, Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard, n'ont a priori rien à craindre de Pello Bilbao ni des autres tant ils semblent tous les deux hors d'atteinte. Une, deux voire trois classes au-dessus de la concurrence incarnée pêle-mêle par Jai Hindley, Enric Mas, Egan Bernal, Mattias Skjelmose, Richard Carapaz, Ben O'Connor, Mikel Landa... Sans oublier, bien sûr, David Gaudu, Romain Bardet ou Guillaume Martin pour citer les chances françaises. Entre Pogacar et Vingegaard, c'est une affiche cinq étoiles qui s'annonce. Un combat avec tous les ingrédients réunis pour une sacrée baston pendant trois semaines. Dans le rôle du champion sortant, un Danois réservé et pas vantard de 26 ans, épaulé par une machine de guerre (Jumbo-Visma). De l'autre côté, un ogre slovène de 24 ans bien décidé à récupérer le beau jouet jaune qu'il s'était accaparé en 2020 et 2021.

Pinot espère "une belle bataille"

"Ça fait partie des beaux duels de l'histoire du Tour", confirme Thibaut Pinot, qui va les retrouver pour la première fois depuis le Tour 2022. "J'espère qu'il n'y aura pas d'incident, ce serait mieux pour la course qu'ils soient là jusqu'à Paris. Ce serait sympa d'avoir une belle bataille comme l'an dernier", espère le grimpeur de la Groupama-FDJ. "Il faut être réaliste, ils sont une jambe au-dessus. On ne sait pas ce qui peut se passer dans les faits de course, mais sur le papier il n’y a pas photo", embraye Guillaume Martin, huitième du Tour 2021 et leader chez Cofidis. En attendant d'assister aux premières escarmouches entre Pogacar et Vingegaard, l’affrontement psychologique a commencé avant le départ en conférence de presse.

Episode 96 / TDF : Ce Tour de France est-il taillé pour les Français ? Avec Valentin Madouas, champion de France 2023
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Avec un trône à reconquérir, Pogacar s'est gentiment chargé de coller l'étiquette de favori à son principal rival : "Il a été dominant sur le Dauphiné (victoire avec 2'23" d'avance sur le deuxième Adam Yates, ndlr), tout en disant qu'il n'était pas à son meilleur niveau. On imagine ce que ça peut donner sur le Tour..." Réponse en mode "À toi, à moi" de Vingegaard: "Oui, bon, je pourrais dire la même chose de lui. En réalité peu importe qui est le favori, c'est le plus fort qui gagnera à la fin." Passé de chasseur à chassé, il ne pourra pas compter cette année sur Primoz Roglic, au repos après sa victoire au Giro, et sera rapidement testé sur les routes exigeantes du Pays basque. Mais sa forme est a priori excellente, au moins autant que sa fraîcheur mentale, et il a promis d'être "prêt" d'entrée.

Le poignet de Pogacar, vraie incertitude?

"L’objectif est le même, c’est gagner le Tour, assume Christophe Laporte, un de ses anges gardiens chez Jumbo-Visma. On sait ce qu’on a à faire. Jonas a fait tout ce qu’il pouvait pour arriver sur le Tour à son meilleur niveau. On verra rapidement ce que ça va donner parce que le départ sera difficile." Pogacar, lui, a démarré l'année par une razzia, sur des bases dignes d'Eddy Merckx, avec des performances maousses sur Paris-Nice, où il ne s'est pas contenté de remporter la "course au soleil" pour sa première participation. Sûr de ses forces, il a outrageusement dominé en essorant au passage son bourreau du Tour de France. Impuissant, Vingegaard a bouclé l’épreuve à une troisième place loin de ses nouveaux standards. Jamais rassasié, "Pogi" s’est ensuite offert le Tour des Flandres, l'Amstel et la Flèche wallonne. Rien que ça.

Mais le chef de file de l'équipe UAE-Emirates a connu un sérieux coup d'arrêt en se brisant le poignet le 23 avril pendant Liège-Bastogne-Liège. "Je n'ai pas encore récupéré toute ma mobilité. J'ai passé des examens lundi qui ont montré que deux des trois os cassés étaient complètement réparés. Le troisième prend un peu plus de temps à se consolider. Mais ça ne me gêne pas du tout à l'entraînement. Je n'ai pas de douleurs. L'objectif sera de gagner le Tour. Les jambes sont bonnes, le mental est super bon. On a beaucoup appris l'année dernière où Jonas a été plus fort à certains moments de la course. On a une équipe super forte cette année, tout le monde est en grande forme. C'est bien aussi qu'on ait un plan B avec Adam (Yates) car je ne suis pas certain d'être à 100%", a-t-il indiqué jeudi. Ses supporters ont pu être rassurés par son retour fracassant le week-end dernier dans son championnat national. En plus d'écraser le chrono avec cinq minutes d'avance sur son dauphin, il s'est imposé sans trembler lors de la course en ligne. "Il ne sera peut-être pas à 100% dès le départ, mais avec la troisième semaine qui sera très dure il aura de quoi faire", estime Pinot.

Choc attendu dès la première étape

"J'ai pu faire la reconnaissance de la première étape. Il y aura des bonifications en haut du dernier mur, donc les favoris du général vont lutter pour les prendre. C'est acté dans ma tête que Pogacar et Vingegaard vont attaquer. Il faudra être prêt à tout donner pour les suivre, on verra déjà quelles sont les forces en présence. Pour moi il n'y a pas d'inconnues sur Pogacar, il sait qu'il peut revenir à son niveau et il va le faire. Je ne serais pas surpris de voir Jonas le tester le premier jour et Tadej lui répondre pour lui montrer qu'il est au niveau", sourit David Gaudu. Même discours du côté de Romain Bardet, le leader de l'équipe DSM, qui ne voit aujourd’hui personne capable de les faire vaciller : "S'ils sont à leur niveau, ils sont normalement au-dessus du reste. Tout peut arriver, mais tout le monde s'attend à voir presque deux courses dans la course. L'une pour le maillot jaune, l'autre pour la troisième place entre 10-15 mecs. Pogacar est un génie du vélo, il a quelque chose en plus, je ne suis pas inquiet pour lui."

Pas plus que Cyrille Guimard, notre consultant RMC Sport : "Mon podium final pour ce Tour, c’est Pogacar devant Vingegaard et O’Connor. L’an dernier, Pogacar s'est fait ramasser. Il était arrivé un peu trop sûr de lui, il n'a pas toujours couru juste et son équipe était moribonde. Elle est mieux structurée cette fois et lui est en confiance. On parle de son accident sur Liège, mais il avait de toute façon prévu de faire une pause à ce moment-là de la saison… Peut-être qu’il a encore des douleurs, oui, c’est possible, mais ça devrait le faire. Il est simplement prudent dans son discours, c’est normal. Il est obligé de la jouer un peu modeste." Pour ne pas effrayer davantage ses concurrents et ne pas se rajouter davantage de pression à l’heure de retrouver Vingegaard. Et pour ceux qui seraient d'avance lassés de ce duel qui occupe tous les esprits, il est toujours possible de se ranger derrière un outsider. Qui a dit Pello Bilbao?

Par Rodolphe Ryo (à Bilbao)