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"C'était horrible": ils disputaient leur premier Paris-Roubaix et racontent leur souffrance

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S'attaquer pour la première fois de sa carrière à l'Enfer du Nord et la violence de ses pavés reste une expérience terriblement marquante. Trois bizuths racontent comment ils ont vécu ce long dimanche de souffrance (et de joie, aussi, un peu).

Après observation, la question mérite d'être posée : le coureur cycliste ne serait-il pas un peu sado ? Qui plus est quand il s'en va risquer sa clavicule, ses omoplates et une partie de saison sur les chemins de Paris-Roubaix. Avec l'envie, à peine franchi la ligne au bout de cinq heures de lutte, d'y revenir le plus vite possible. "Bon là, tout de suite, je ne suis pas très chaud, mais oui je reviendrai !", résumait plutôt bien ce dimanche le Finistérien Florian Dauphin, 25e et premier Français de l'Enfer du Nord, transporté par un tourbillon d'émotions au moment de décrire la douleur ressentie sur les 55km de chemins pavés au menu de cette 122e édition longue de 259km.

Une douleur entremêlée d'un puissant sentiment de fierté. Celui d'avoir été au bout de l'effort. Sans calcul et sans expérience à de telles hauteurs. "Franchement, je n'ai jamais fini dans cet état-là !", racontait le rouleur de 26 ans de TotalEnergies, passé pro l'an dernier, venu boucler son tour et demi de piste sur le Vélodrome un peu moins de six minutes après l'ogre Mathieu Van der Poel. "C'est mon premier Paris-Roubaix, ma plus longue course ça devait être 220km... Là avec le fictif, ça fait 266 ! En plus, tu es à fond tout le temps ou presque, ça roulait à bloc, avec vent de dos. C'était horrible, je finis dans un état... Je suis cuit !"

Sans pitié, Paris-Roubaix est le genre d'épreuve qui place le coureur seul face à lui-même et à sa souffrance. À la loterie des galères, il suffit d'une vilaine crevaison, d'un freinage trop brusque sur un pavé piégeux ou d'une banale erreur de pilotage (même Tadej Pogacar peut en témoigner), pour se retrouver noyé. "Il n'y a jamais de moment tranquille sur cette course", dixit Florian Dauphin. "Le pire, je crois que c'est la Trouée d'Arenberg, c'était horrible. Tu ne sais pas ce que tu fais, tu pédales, tu pédales..." En espérant éviter le grain de sable qui viendra tout gâcher. "Paris-Roubaix, c'est exceptionnel", embrayait Rayan Boulahoite, lui aussi chez TotalEnergies et lui aussi bizuth au départ de Compiègne.

"On n'est jamais prêts"

"Ça a été difficile d'entrée de jeu : ça roulait très, très vite. À l'approche des secteurs pavés, on a beaucoup frotté et il y a eu beaucoup de chutes. J'ai été épargné jusqu'aux pavés mais dès le premier à Troisvilles, j'ai glissé et je me suis retrouvé par terre. Dans celui de Quérénaing, j'ai crevé sur le bas-côté. On était en descente, à plus de 50 km/h et la roue s'est dérobée. Ça fait partie du jeu", tentait de relativiser le rookie de 21 ans, les mains bien amochées mais le sourire intact malgré la pointe de frustration d'avoir fini hors délais. "On n'est jamais prêts pour Paris-Roubaix", insistait-il, occis par une course qui se plaît chaque année à concasser ses fidèles.

"On a beau se préparer, faire des simulations, des kilomètres sur les pavés, des reconnaissances, des tests de pression et tout ce qui va avec, rien ne dépasse la réalité. Alors le Vélodrome, c'est la récompense après tant de difficultés. C'est là qu'on mesure le chemin accompli et moi je suis très fier d'être là." C’est aussi là, sur le Vélodrome, que se lit sur le visage des coureurs la dureté et la beauté de Paris-Roubaix. Il y a chez certains des larmes de joie, chez d’autres des messages réconfortants aussitôt envoyés aux proches pour les rassurer. Étendus au sol, au milieu d’un essaim de journalistes et de personnels, il leur faut parfois de longues minutes pour digérer la baffe nordiste.

Un an après sa quatrième place dans la catégorie Espoirs, Eddy Le Huitouze a lui aussi découvert la Reine des classiques version grandeur nature. Un autre monde pour un gamin de 22 ans. "On était à plus de 50km/h de moyenne au début, ça roulait vraiment vite ! Ça ne s'est jamais réellement posé au final. Les premiers ont fini à près de 47 de moyenne, c'est énorme sur un parcours comme ça", exposait le jeune talent morbihannais de Groupama-FDJ. "Pour moi, c’était dur dur ! J'ai eu une crevaison assez tôt, entre deux secteurs. Après je me suis retrouvé loin, c'était impossible de rentrer. Je me suis retrouvé dans un gros groupe, puis ça a encore pété et je n'avais plus rien pour finir. Je suis arrivé en un seul morceau, c'est déjà ça, c'était le but du jeu." Un jeu aux règles impitoyables mais terriblement addictif.

Rodolphe Ryo, à Roubaix