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Equipe de France: Didier Deschamps, la force tranquille

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Si Kylian Mbappé et Olivier Giroud ont logiquement attiré la lumière sur eux lors de la qualification des Bleus pour les quarts de finale de la Coupe du monde 2022, Didier Deschamps se distingue par son calme et sa maîtrise de l’événement. Le sélectionneur vit au Qatar sa cinquième phase finale à la tête de l’équipe de France.

"Je ne l’ai jamais senti aussi bien et sûr de lui". Cette confidence d’un proche du groupe France résume tous les échos sollicités sur Didier Deschamps. Décrit comme "serein" par son fidèle adjoint Guy Stéphan, le sélectionneur recueille aujourd’hui les fruits d’une longue préparation de cette Coupe du monde 2022.

Mettre les joueurs dans les meilleures conditions

Lors de chaque rassemblement de 2022, l’esprit de Didier Deschamps était tourné vers le rendez-vous qatari de fin d’année. Durant les matchs de juin ou de septembre, le sélectionneur a pu affiner ses convictions et donc ses choix, que ce soit en matière d’options tactiques ou de choix de joueurs. Lors de l’annonce de la liste le 9 novembre, il annonce sans secret qu’il va privilégier une défense à quatre durant le Mondial. Ce n’est pas un hasard. "Il a très, très bien préparé ce rendez-vous, raconte Stéphan. Il sait exactement ce qu’il veut faire et où il veut aller". Parmi ses trouvailles: Dayot Upamecano avec Raphaël Varane. Son choix est fait même avant le déplacement au Danemark. Il trouve les prestations du défenseur central au Bayern Munich énormes. Seul hic: ses performances hésitantes en Bleu. Il se prépare donc à un travail de management spécifique avec le joueur pour le mettre en confiance. Et cela semble porter ses fruits aujourd’hui, au vu de la compétition de l’ancien de Leipzig.

Autre exemple: donner à Antoine Griezmann un rôle hybride au milieu de terrain. Plus reculé qu’à son habitude. Deschamps est convaincu du bienfait que cela apportera à l’équipe et sait qu’Antoine accueillera favorablement ces nouvelles consignes. Sa relation avec le milieu de l’Atlético de Madrid est spéciale et il le lui rend bien. "Je lui dois énormément, a reconnu le joueur en conférence de presse. Je lui dois tout en équipe de France. Je donne tout pour lui. J’essaie de tout faire pour qu’il continue à avoir confiance en moi. Chaque match, chaque action, c’est comme un merci que je lui envoie".

"S’adapter, ce n’est pas se contredire"

Après l’échec du dernier Euro, Didier Deschamps a-t-il changé son approche de l’événement? Ou certaines méthodes avec les joueurs? "Il n’a pas fondamentalement changé ses habitudes, répond Olivier Giroud. Si ce n’est peut-être qu’il échange beaucoup avec chaque joueur. C’était un peu moins le cas avec moi à l’Euro. Il nous parle beaucoup énormément à l’approche du match".

Préparation, réflexion, communication et anticipation. Des maîtres-mots au cœur de la méthode Deschamps qui s’est aussi retrouvé à gérer des imprévus et notamment trois forfaits après sa liste: ceux de Christopher Nkunku, Karim Benzema et Lucas Hernandez. S’il n’était pas question de se lamenter, "DD" n’en oublie pas l’aspect humain. Il tiendra à s’exprimer dans les communiqués de la FFF qui annoncent les forfaits et prendra le temps d’appeler ces trois joueurs après leur départ.

Sur le côté droit, il était parti avec Benjamin Pavard comme titulaire. Après le match face à l’Australie, il dit ses quatre vérités au défenseur du Bayern Munich après une prestation décevante. L’échange entre les deux hommes ne permet pas au sélectionneur de le remettre dans l’équipe. Va donc pour Jules Koundé sur le côté droit, jugé plus utile pour l’équipe, malgré le passif en équipe nationale de Pavard. "Didier, il a un plan A, puis un plan B, puis un plan C si besoin", souffle un proche du sélectionneur. "Je m’adapte", aime-t-il répéter. Il a même donné, le jour de sa liste, une définition personnelle de ce verbe: "S’adapter, ce n’est pas se contredire, c’est prendre en compte une réalité qui peut évoluer".

L’importance de la vie de groupe

Mais même s’il sait s’adapter, Didier Deschamps n’aime jamais autant les situations qu’il maîtrise. Et dans le cadre d’une phase finale, notamment un Mondial, un élément qu’il veut contrôler à 100% et qu’il juge primordial, c’est la vie de groupe. Lors du bilan de l'Euro 2021 raté, l’une des erreurs que le staff a relevées est le choix du camp de base. Pour le Qatar, hors de question dans l'esprit du coach de commettre la même erreur. Donc anticipation, encore et toujours. Durant de longs mois, Didier Deschamps a supervisé le choix du camp de base à Doha, en se déplaçant au Qatar pour juger lui-même sur place. Le Al-Messila Resort est l’un des complexes les plus convoités par les nations qualifiées. Il coche toutes les cases. Première victoire pour la France, qui plante le drapeau tricolore dans cet hôtel de luxe. "L’endroit est aéré et permet de bien vivre", souligne Guy Stéphan, après vingt jours de vie commune.

Si Didier Deschamps semble au top tête dans sa tête, c’est peut-être aussi parce qu’il est bien dans son corps. Sa silhouette reste affûtée depuis de long mois. À Doha, il fait sa séance de sport tous les matins avec ses adjoints et, notamment, sa désormais célèbre heure de gainage. Avec son staff, il programme chaque journée avec minutie, sans pour autant se montrer autoritaire. S’il demande de la ponctualité sur les horaires, pour notamment que tout le monde soit à table à 13h30 pour le déjeuner, c’est déjà arrivé depuis le début du Mondial qu’il demande à Mohamed Sanhadji (l’officier de sécurité) d’appeler les cuisines de l’hôtel pour décaler un repas de quinze minute parce que les joueurs traînent un peu dans le vestiaire. Dans la salle du repas, deux tables rondes sont réservées pour le staff, et la place de Deschamps est sur la chaise qui fait face à l’ensemble du groupe. Ce qui lui permet de n’avoir personne dans son dos et de voir tous ses joueurs d’un simple coup d’oeil.

Didier Deschamps à l'entraînement avec les Bleus, à Doha le 24 novembre 2022
Didier Deschamps à l'entraînement avec les Bleus, à Doha le 24 novembre 2022 © Icon Sport

Il n’a pas non plus oublié "sa première vie" de joueur, comme il le dit parfois. Il sait l’importance des proches durant un tournoi. C’est pour cela qu’il a autorisé des moments d’échanges avec femmes, enfants et même plus, au lendemain de la qualification pour les quarts de finale avec une journée de repos complète et un quartier libre de plusieurs heures. Personnellement, il a pu profiter de sa femme Claude, mais a aussi tenu à aller saluer les différents entourages des joueurs. "Il rayonne", constate un témoin présent lundi au camp de base. "C’est le chef, mais on ne le sent pas au-dessus. Il est au milieu de son groupe. Pas au-dessus".

L’avenir, c’est le présent

Le prochain match des Bleus face à l’Angleterre est programmé samedi 10 décembre. C'est 21 jours avant la fin de son contrat comme sélectionneur (31 décembre). Impossible de trouver un proche du groupe dire qu’il a entendu Didier Deschamps évoquer la fin de son aventure à la tête des Bleus. "Il est à fond concentré sur la Coupe du monde", jure Guy Stephan. "Focus à 100% sur son objectif", insiste une autre source. Durant ce séjour au Qatar, Noël Le Graët, le président de la Fédération française de football, vient tous les jours au camp de base et échange au quotidien avec son sélectionneur. Mais, promis, l’avenir ne sera pas discuté avant la fin de la compétition. Sa situation contractuelle ne semble de toute façon pas avoir d’influence sur son autorité sur le groupe.

Didier Deschamps sait qu’il ne lui reste que trois matchs pour garder cette maîtrise et entrer encore un peu plus dans l’histoire. L’avenir peut bien attendre trois matchs.

Loïc Briley avec AP, à Doha