Football: "La DNCG n’en a rien à foutre du monde amateur", le cri du cœur du président de Poissy après l'exclusion du club

En cette période de l’intersaison, les clubs français ont été soumis à l’examen de la DNCG. Si les regards se sont tournés vers l’OL après l’encadrement de la masse salariale et des indemnités de mutations décidé contre le club rhodanien, John Textor n’est pas le seul président à devoir jouer les équilibristes. De passage mardi devant la commission d'appel DNCG de la Fédération Française de football, Olivier Szewczuk a appris une terrible nouvelle. Le président de l’AS Poissy a reçu la confirmation de l’exclusion de son club de tous les championnats nationaux. Maintenu sportivement en National 2 (D4), le dirigeant du club situé dans les Yvelines risque désormais de repartir de zéro. Le tout pour une dette de 275.000 euros qu’il pouvait, selon lui, honorer sans problème après avoir convaincu un partenaire de soutenir le club financièrement.
"Je suis arrivé à la DNCG, je m’étais bien évidemment entouré de mon expert-comptable qui est depuis six ans à l’AS Poissy, d’un avocat et d’un collaborateur de ce fameux partenaire. Nous sommes arrivés avec un chèque de 220.000 euros comme j’avais des réserves de 80.000 euros. Avec l’expert-comptable on s’est dit qu’on avait vraiment répondu à toutes les questions et aujourd’hui on a le chèque sous séquestre, a raconté Olivier Szewczuk pour RMC Sport. Evidemment que dans cet esprit-là, je suis arrivé très heureux à la DNCG. Je n’avais divulgué l’information à personne parce que je la gardais pour moi. Ce n’était pas un gros secret mais tout le monde nous voyait déjà descendre ou autre. Mais j’avais les garanties nécessaires. Je suis arrivé avec ce chèque et un document très important d’un cabinet d’avocat expliquant que c’était suspensif et que le chèque était sous séquestre dans ce cabinet qui a pignon sur rue à Paris et qu’il serait débloqué dans les 48h ou dans les 24h en fonction de la décision de la DNCG."
Szewczuk ne se sent pas assez soutenu par la mairie de Poissy
Proche de Karl Olive, qui l’a fait venir à Poissy voilà six ans, Olivier Szewczuk s’est battu pendant plusieurs saisons pour maintenir le club en N2. Ce passionné de football, passé par le centre de formation du PSG et ancien joueur du Paris FC a multiplié les initiatives dans la ville de Poissy. C’est notamment lui qui a organisé la venue de joueurs ukrainiens,- pays dont il est originaire- après le début de la guerre contre la Russie en mai 2022. C’est aussi lui qui a contribué au match caritatif disputé par Emmanuel Macron avec le Variétés Club de France en octobre 2021. Des actions solidaires qui ne lui ont pourtant pas permis d’obtenir le soutien de la municipalité ces derniers mois quand le club en a eu le plus besoin. Idem quand il a donné de la visibilité à l’AS Poissy en faisant venir avec succès des joueurs comme Clément Chantôme ou Mounir Obbadi.
"Là on m’abandonne pour 270.000 euros de dette. C’est quoi ce délire! C’est quoi ce délire! Et j’ai le chèque entre les mains avec un courrier séquestre. Tout était en place pour que je dise à tout le monde au club qu’on allait grandir, a encore assuré cet ami de Luis Fernandez. Vu sa carrière actuelle, Karl Olive m’a dit qu’il ne pouvait plus être à mes côtés (l’élu a quitté la mairie de Poissy en 2022, ndlr). Madame le maire avait fait une réunion… Je n’ai rien contre elle non plus, néanmoins devant témoins puisque l’on a fait une réunion des sages pour expliquer le bilan, madame le maire m’a dit que la N2 elle n’en avait rien à foutre. Elle l’a dit trois fois avant de se reprendre un peu à la fin en disant qu’elle était un peu énervée. Je lui ai dit que c’était dur parce qu’elle aurait pu me le dire avant."
Et le président de l’AS Poissy d’enchaîner: "J’ai dit à Karl Olive que quand il m’avait fait venir il y a six ans, c’était pour la N2 et que cette N2 ce n’était pas une fin en soi. C’était une vitrine pour que les enfants, les mômes et les U20 rêvent un peu. […] A un moment donné c’est ça le milieu du football. Tout cela c’est dégueulasse, c’est sale. C’est sale et je ne comprends pas. C’est un cri du cœur. Je ne demande rien à personne, je n’ai jamais rien demandé et j’ai donné entre 80 000 et 90 000 euros de ma poche depuis six ans. J’ai aidé des gens dans la galère. Et là personne, pas de son pas d’image."
Un cri du cœur pour le football amateur
Au-delà des difficultés financières qu’il estime être capable de combler cet été, Olivier Szewczuk a surtout fracassé le système actuel de la DNCG. Selon lui, la Fédération française a abandonné le football amateur pour se concentrer uniquement sur le monde pro. A ses yeux, la FFF "met le foot amateur contre le foot professionnel" alors que le budget de Poissy (environ 800 000 euros) reste à des années lumières de celui des clubs pros de Ligue 1. Pourtant, le gendarme financier de la FFF s’est montré aussi rigoureux avec eux que pour les formations de l’élite.
"S’ils nous avaient donné une réponse favorable, à la limite même en N3, mes partenaires seraient restés. Surtout on n’aurait pas mis le club en l’air. On a commencé à parle de cela avec les membres de la DNCG et ils ont été inflexibles: 'C’est comme cela, c’est loi' a dit une juriste. J’ai répondu que je connaissais la loi mais que là on parlait du monde amateur. Là on va mettre un club sur le carreau, a encore regretté le président pisciaçais. Avec la R1, je suis en cessation de paiement alors qu’avec le chèque j’aurais pu régler les joueurs pour le mois de juin. Avec les éducateurs et autres j’en ai quand même pour une enveloppe de 40 000 euros. Je fais comment moi? Moi on me met en cessation judiciaire après tout ce que j’ai donné en six ans dans le monde du foot.
Olivier Szewczuk de poursuivre, des larmes dans la voix: "Je ne me plains pas, je ne me suis jamais plains. Vous savez, les Ukrainiens ne se plaignent jamais car on est dans la résilience et la bienveillance. Je n’ai même pas dit à ces gens-là (à la DNCG) qu’ils n’étaient pas dans la bienveillance. En me levant je leur ai simplement dit que j’avais fait ce qu’ils demandaient avec un chèque sous séquestre pour mettre le club à zéro et pour repartir avec une nouvelle mouture. […] En N2, on est régis comme des professionnels, c’est-à-dire que quand on va les voir à la DNCG on a l’impression d’être des petits garçons. Et de l’autre côté on a toute une ville avec ses problématiques et avec des éducateurs qui nous disent qu’ils ne sont pas assez payés. Ce sont pourtant des mecs supers qui s’engagent sur le terrain."
Le rendez-vous manqué avec le PSG, l’échec d’un partenariat de rêve
A l’heure où l’AS Poissy a été condamné par la FFF et joue désormais sa survie, la commune des Yvelines a accueilli le PSG. Ce mercredi, c’est depuis le centre d’entraînement flambant neuf installé à Poissy que le club francilien a officialisé l’arrivée de Luis Enrique comme entraîneur. Et l’arrivée du PSG dans sa ville, a également fait naître quelques regrets chez Olivier Szewczuk. Le président du club amateur a vainement tenté de nouer un partenariat avec l’ogre de la Ligue 1.
"Le PSG est arrivé, imaginez pour moi… Cela fait des années que j’essaye d’avoir cette N3 en leur disant qu’ils n’ont plus de N3 et que cela serait super qu’ils viennent jouer en N2 chez nous. Pour leurs jeunes, moi je l’ai découvert en tant que jeune joueur, quand tu montes en D3 tu t’aguerris à 15 ou 16 ans. Quand vous touchez à cela, automatiquement vous êtes plus costaud. J’ai expliqué au PSG en leur disant que c’était dommage de végéter, a ensuite détaillé le président du club de Poissy. Cela aurait été un vrai bonheur de faire un partenariat. Là, le PSG arrive en grande pompe à Poissy. J’ai envoyé une lettre à Nasser al-Khelaïfi par l’intermédiaire de l’une de ses connaissances mais malheureusement je pense qu’il ne l’a pas eue. C’était fait avec tellement de bienveillance en expliquant que c’était une joie pour Poissy, du bonheur. Y compris pour moi avec trois abonnements depuis 30 ans, je suis un fou furieux au Parc des Princes. Je suis un amoureux de ce club. Au PSG, il y a de l’argent et ce n’est pas par jalousie que j’en parle du monde professionnel. Il est à côté mais il faut nous le dire qu’il est à côté que nous on doit rester en amateur. C’est un cri d’alarme d’un mec comme moi qui s’est battu toute sa vie. Je me suis battu toute ma vie pour les autres."
L’AS Poissy partenaire du PSG, un doux rêve qui restera donc sans réponse. Mais là encore, Olivier Szewczuk a insisté sur le fait qu’il n’avait rien contre le club francilien. Simplement, cela ne s’est pas fait.
"Je n’en veux évidemment pas au PSG que je n’ai pas pu rencontrer. Certains pourraient se dire que je suis là en train de m’emmerder alors que le PSG arrive à Poissy. Imaginez le rêve que cela aurait été de rencontrer ces types-là et serrer la main à des pros que je vénère, a estimé le dirigeant du club de N2 avec une pointe d’admiration dans la voix. Je n’en veux pas au PSG, bien au contraire. Je n’ai simplement pas eu l’occasion, malheureusement, d’être reçu. Mais ce n’est la faute à personne. Je n’en veux pas non plus à la mairie."
Et d’ajouter avec une nouvelle pique contre le gendarme financier du football français: "Mais à la DNCG, oui, je lui en veux. C’est le système que je critique et je suis en adéquation avec beaucoup de présidents qui m’appellent pour me dire que j’ai été abandonné et que la DNCG n’en a rien à foutre du monde amateur."
Szewczuk: "Nous, les Ukrainiens, nous sommes résilients et je suis un combattif, un combattant"
Condamné en appel par la commission DNCG de la Fédération française de football, Olivier Szewczuk ne compte pas en rester là. Non sans demander conseil à un avocat, le président de l’AS Poissy veut se battre en entend épuiser tous les recours qui s’offrent à lui.
"D’où est-ce que l’on a vu une commission de la Fédération française de football qui va déjuger les mêmes personnes qui m’ont reçu quinze jours avant. C’est une histoire de fou, c’est le serpent qui se mord la queue. C’est un cri du cœur, a martelé le dirigeant auprès de RMC Sport […] Je continue à me battre. Là je suis en train de voir avec les avocats, pour mon honneur et pour le club afin de voir pour le CNOSF et pour le TAS parce que c’est de l’injustice. Je lance un cri du cœur à tous les présidents de clubs qui sont bénévoles comme moi."
A l’image du peuple ukrainien dans sa guerre face à la Russie, Olivier Szewczuk luttera avec toutes les armes à sa disposition, il ira jusqu’au bout et entend faire appel au CNOSF et même au Tribunal Arbitral du Sport si nécessaire.
"C’est un cri du cœur, j’en suis malade. C’est très très dur à vivre et pourtant je ne suis pas un pleureur, a continué le président pisciaçais tout en parvenant difficilement à cacher son émotion dans sa voix. Quand je vois les images de l’Ukraine en guerre, je me demande ce que les gens ont contre nous. Mais nous, les Ukrainiens, nous sommes résilients et je suis un combattif, un combattant. J’ai toujours été dans le combat dans le foot, j’adore le foot et je transpire le foot. Et là c’est moi que l’on condamne, c’est à moi que l’on ne fait pas confiance alors que j’avais le chèque dans les mains. Au secours messieurs! Aidez-moi! C’est un cri du cœur."
Avant d’insister avec conviction: "Je n’abandonne jamais. Est-ce que les Ukrainiens abandonnent devant les Russes? Non, ils n’abandonnent pas. On marche, on avance. Moi j’avance aussi. Et même si ce n’est pas moi et que je dois passer le relais, j’ai ma fierté chevillée au corps. J’irais au bout de l’histoire."
Un mince espoir de changer le système
Au-delà du seul cas de l’AS Poissy, Olivier Szewczuk veut aussi se faire le symbole de ce football amateur délaissé par la FFF. Dans son combat, le dirigeant du club yvelinois souhaite bousculer les habitudes. Et si possible pas faire tomber tout le système…
"Pourquoi ne pas réussir à faire changer les choses. Après tout, ce sont des humains en face de moi et ils pourraient se dire que c’est con cette histoire. Je suis condamné avant même d’être jugé parce que mardi après 45 minutes ils m’ont coupé en disant qu’ils avaient aussi d’autres dossiers à gérer. Ils m’ont dit de ne pas m’inquiéter, et quand je suis sorti je me suis dit que c’était plié, a relancé le dirigeant de l’AS Poissy. Une heure après la sanction est tombée. Juste une heure, histoire de dire dégager-le. Comme Sedan, regardez leur trou financier, et comme Nancy où c’est la fête du slip. Je leur ai demandé de la bienveillance."
Une bienveillance qu’Olivier Szewczuk a eu du mal à trouver auprès de la DNCG mais qu’il ne désespère pas de trouver dans le football français. "Tout le monde m’a lâché. J’espère que ce qu’il se passe va faire jurisprudence pour un certain nombre de gens et de dossiers comme celui de Poissy. Parce que c’est dégueulasse. Je le dis une dernière fois, c’est humainement difficile et c’est en train de jouer sur ma santé. Mes enfants me disent d’arrêter parce que ce n’est pas possible mais j’aime les gens et j’essaye encore et encore de trouver les solutions. J’ai bataillé. […] Je veux sauver ce club!"
Sportivement, deux options pour Poissy
Dans le flou pour le futur, Olivier Szewczuk garde espoir mais a prévu plusieurs hypothèses pour l’AS Poissy. La première option, celle dont rêve le dirigeant, c’est d’obtenir gain de cause et de rester en Nationale 2. La seconde option, c’est le retour en R1 après le maintien des sanctions par la DNCG.
"Maintenant, premièrement je me bats. Deuxièmement je dépose un dossier. Troisièmement j’attends la convocation du tribunal judiciaire et je vois si les instances et tous les gens qui aiment ce club reviennent vers moi en disant que c’est un cri du cœur du président et qu’ils veulent m’aider, a finalement estimé Olivier Szewczuk pour RMC Sport. Ce que je sais c’est que c’est une terrible injustice mais je ne pleure pas et je n’en veux à personne. Je n’en ai pas après la mairie ou les sponsors mais j’en ai quand même peut-être un petit peu après cette Fédération qui m’a traité comme un bon à rien et comme un petit garçon."