OM-OL: comment Lyon a construit son succès au Vélodrome et repris espoir pour l’Europe

Désormais septième, l’OL s’est relancé dans la course à l’Europe en allant gagner 3-0 au Vélodrome dimanche soir. Au-delà du "prestige" apaisant pour quelques heures les supporters, et un succès apportant selon un joueur lyonnais "du soulagement" ("Car on est dans ce que l’on veut faire"), l’affaire comptable semble moins concluante: à part sur l’OM, l’OL n’a repris de point à aucun de ses principaux concurrents (Rennes, Monaco et Nice l’ont emporté ce week-end), si ce n’est Strasbourg et Lens.
Lyon est revenu à deux points de la 6e place, qui peut éventuellement devenir le premier ticket européen accessible pour les Lyonnais. Cette place devient en effet qualificative pour la Ligue Europa Conference dans le cas où Nice remporte la finale de la Coupe de France et termine dans le top 5. Pour une équipe jamais mieux classée que 6e (à trois reprises et la dernière fois le 1er décembre au soir de la 16e journée), l’affaire pourrait sonner comme anecdotique.
Mais parce que l’OL n’est pas un club comme un autre, habitué aux rendez-vous du milieu de semaine depuis 1997 – sauf en 2014 après un barrage estival manqué face à Astra Giurgiu, et en 2020, après l’interruption du Championnat pour cause de pandémie –, le Graal européen ne peut être galvaudé. Même si cela tient de scénarii multiples, variés et sur lesquels, les hommes de Peter Bosz n’ont aucune prise ou presque.
L’OL doit faire le job, et regarder
Il faut déjà faire le Grand Chelem à Metz (8 mai), face à Nantes (14 mai) et à Clermont (21 mai). Sur le papier, il en faudrait théoriquement plus pour faire peur à un groupe qui vient de l’emporter chez le dauphin du PSG. Mais avec ce Lyon 2021-22, si le pire n’est jamais certain, il n’est jamais loin. Partons du principe que l’OL fasse carton plein, la suite dessine des lendemains incertains. Il faudrait un miracle pour décrocher le 3e tour préliminaire de Ligue des champions: Rennes (3e) et Monaco (4e) ont un bel avantage, et deux nuls sur trois matches leur assurerait un avantage définitif. Il faudrait alors un effondrement de Nice (5e, qui reçoit deux fois sur trois) et de Strasbourg (6e) pour espérer une place en Ligue Europa ou plus probablement en Ligue Europa Conference. Voire ce concours de circonstance, et un succès niçois en Coupe de France. N’en jetez plus.
Alors, dans l’intimité du groupe, on prend ses responsabilités. Et pas uniquement dans cet avant-match de Marseille. Depuis quelques semaines, dans ce collectif où trop souvent, on évoque un manque de leaders, certains se révèlent. Enfin. Après le match de Montpellier (5-2, 34e journée), Peter Bosz avait ainsi confirmé en on ce qu’il se murmurait en off dans les parages du centre d’entraînement: "C’est bien quand l’entraîneur parle, mais c’est encore mieux quand ce sont les joueurs qui le font". Il faisait allusion à des prises de parole de certains joueurs, agacés par le scénario vécu ce jour-là, cet avantage de 2-0 avant la 45e minute gaspillé en l’espace de 3 minutes juste avant la mi-temps (2-2). Des prises de parole qui se traduiront ensuite sur le terrain en seconde période, pour un large succès.
Et ces "voix qui s’élèvent à l’intérieur", selon une source interne, s’entendant aussi à l’extérieur, notamment en zone mixte, où les joueurs font face aux journalistes. De cet exercice par exemple, Moussa Dembélé n’était pas friand. Avec le brassard de capitaine, il s’en donne désormais (presque) le devoir, preuve de sa volonté de faire avancer les choses par les mots. Idem pour Karl Toko-Ekambi. Celui qui a qualifié le Cameroun pour la Coupe du monde par un but décisif face à l’Algérie a, lui aussi, "l’influence fédératrice" comme résumé par un cadre du groupe. Il a ainsi demandé lors d’une prise de parole remarquée au cœur de l’hiver, dans un moment de doutes, que tout le monde passe des paroles aux actes en insistant sur la place indigne de l’équipe au classement à l’époque.
Le houleux OL-Montpellier comme détonateur
Hasard ou coïncidence, ces deux-là justement passent des paroles aux actes: Dembélé empile les buts (17 en Ligue 1, dont 13 en 16 matches en 2022) dans la foulée d’un Toko Ekambi, lui aussi efficace avec des buts lors de ses trois matches disputés en avril, et alors qu’il devait gérer des gênes musculaires et un Covid. "Quand ils parlent, ils sont écoutés", résume un habitué du vestiaire lyonnais, comme ils l’ont fait en avant-match au Vélodrome.
Quant à la dernière anicroche entre fans et joueurs contre Montpellier le week-end dernier – le geste du Camerounais aux supporters muets volontairement car mécontents de la saison –, elle a agi comme le révélateur d’une alchimie interne. Dans une forme de "seul contre tous" qui a encore plus soudé les joueurs, qui savaient que "KTE" avait été blessé par des insultes proférées envers sa famille les heures d’après l’élimination en Coupe d’Europe.
Anthony Lopes, qui ne fut pas le dernier à serrer les dents (il n’est pas totalement guéri de sa grosse béquille au genou, reçue le 10 avril à Strasbourg), résumait la situation après l’OM. "Ça me fait ch*** de voir ce que l’on est capable de faire, et la situation dans laquelle on est", dira-t-il devant micros et caméras, alors qu’il avait "réveillé" tout le monde lors de la préparation dans le vestiaire. Il lui fallait aussi faire sortir la "frustration" de son rôle de spectateur depuis quatre matches, couplée à l’élimination européenne au cœur de la période.
Un Bosz conforté en vaut deux
Et puis, il y a le staff néerlandais autour de Peter Bosz qui apprend chaque jour du fonctionnement "à la française", loin de la rigueur germanique qui les habite. L’unité affichée avec Jean-Michel Aulas et son bras droit Vincent Ponsot, lors d’une conférence de presse organisée moins de douze heures après l’échec de West Ham où Bosz a été conforté, agit comme une jouvence. Ses causeries sont ainsi remarquées par le président qui le dit désormais régulièrement.
Preuve d’une amélioration aussi de son français dans la transmission des émotions, indispensable à la performance, il a su évoquer, même avec du vocabulaire dont il a dû s’excuser de quelques contours grossiers, les ingrédients à mettre dans l’effort. Du cœur, aux jambes, en passant par le reste… Au final, les Lyonnais ont parcouru sept kilomètres de plus que leurs adversaires, dimanche soir au Vélodrome.
Le rééquilibrage de l’effectif au mercato de janvier amène aussi le staff vers des principes de jeu qui en a fait sa réputation. L’amélioration se voit dans les chiffres: 10e après la phase aller, l’OL est 6e sur la phase retour de la Ligue 1. Mieux, en imaginant un carton plein sur les trois derniers rendez-vous, Lyon finirait avec 37 points sur cette phase retour, pas très loin de la fameuse moyenne des 2 points par match pour être sur le podium.
Enfin, la mue opérée par de nouvelles mesures de rigueur plus coercitives, avec des retours chez soi en cas de retard (en lieu et place des amendes financières) et des tours de terrain supplémentaires avant les séances collectives, si la balance indique un écart de poids de quelques grammes, porte ses fruits. Le groupe fait bloc et le staff peut ainsi le responsabiliser. A la mi-temps du match contre Marseille, Peter Bosz a ainsi proposé deux options à ses hommes, dans une forme de démocratie participative qu’il a tentée avec calme et méthode. Ils ont dû choisir celle qui leur allait le mieux: après un rapide débat, il a lancé les instructions de jeu. La suite est connue: soudé, en bloc et efficace, l’OL s’empare du leadership de ce match à enjeux colossaux.
Et au final, le coach a pu sourire sur le banc et taper sur l’épaule de Claudio Caçapa, l’un de ses adjoints. Preuve que le plan s’est déroulé sans accroc. Et preuve, aussi, que l’OL a tout en main pour le poursuivre jusqu’au soir de la 38e journée. Même si l’essentiel, une qualification européenne, dépend surtout des autres.