Lille-Chelsea: pourquoi Edouard Mendy n’a pas percé à l’OM

Et si c’était l’occasion ou jamais pour Lille. Battu à Stamford Bridge (2-0) en 8e de finale aller de Ligue des champions, le club nordiste reçoit Chelsea ce mercredi au stade Pierre Mauroy lors de la seconde manche (21h sur RMC Sport 1). Al’heure où les Blues traversent une crise sans précédent, en raison de la situation de Roman Abramovich et des sanctions prises contre la formation londonienne.
Mais pour espérer rejoindre les quarts, les Dogues de Burak Yilmaz et Jonathan David vont devoir tromper Edouard Mendy. Pas un mince affaire face au gardien sénégalais, élu meilleur gardien de l’année 2021 par la Fifa. Et pourtant, le portier de 30 ans aurait très bien pu ne jamais se retrouver dans les cages de Chelsea et évoluer à la place à l’OM, en concurrence avec Steve Mandanda.
>> Lille-Chelsea et le meilleur de la Ligue des champions c’est sur RMC Sport
"Un peu le fruit du hasard"
Après des débuts en Normandie, au Havre et à Cherbourg, Edouard Mendy s’est retrouvé sans club. Et même tout près de raccrocher après un départ avorté vers l’Angleterre à cause d’un souci d’agent. Sur le point de devenir papa et déjà âgé de 23 ans à ce moment-là, le gardien devait rapidement rebondir ou passer à autre chose. Son arrivée à Marseille s’est jouée à peu de choses et grâce à un coup de pouce du destin. Dominique Bernatowicz, ancien responsable de la formation et de la post-formation des gardiens de but à l’OM revient sur le passage du Sénégalais au sein du club phocéen. Le coach fait partie de ceux qui ont permis à la carrière d’Edouard Mendy de basculer, puisqu’il est à l’origine de son recrutement à Marseille.
"C’était un peu le fruit du hasard. Moi ayant travaillé sur Bordeaux j’ai eu la chance de former un joueur qui s’appelait Ted Lavie et qui a un moment donné est parti sur Cherbourg, où il a rencontré Edouard Mendy. C’est grâce à Ted Lavie que le premier contact s’est fait. Il m’a téléphoné en me disant qu’il y avait un gardien but exceptionnel que je devais voir, explique à RMC Sport l’ancien formateur olympien. Je me suis dit que s’il m’appelait pour me parler de ce garçon c’était que le jeu en valait la chandelle. On cherchait un gardien pouvant faire l’entraînement avec les professionnels, avec le centre ou pour jouer en CFA avec la réserve. Le fruit du hasard, c’est que Ted Lavie m’a téléphoné en me disant qu’il avait son ami Edouard qui était dans la merde, sans club, mais avec du potentiel."
"Il serait venu à pied ou en courant pour faire l’essai"
Il en a lors fait part à sa hiérarchie, alors que Marcelo Bielsa cherchait absolument ce quatrième gardien. Pour de nombreuses raisons, dont son niveau, son expérience et ses demandes salariales, Edouard Mendy semblait alors correspondre. "J’ai pris mon téléphone et je l’ai appelé. Cela s’est passé très très vite, raconte Dominique Bernatowicz. Il m’avait fait un petit résumé de sa situation. Il serait venu pour rien. Il serait venu à pied ou en courant pour faire l’essai car il était vraiment dans la merde."
Et l’ex-formateur de l’OM d’enchaîner: "Quand on me l’a proposé, Ted Lavie savait qui était le gardien de but et qui était l’homme. A l’OM en plus, où c’est quand même assez compliqué, il fallait qu’il soit vraiment nickel. Sinon cela ne pouvait pas le faire. Avec moi et avec José Anigo (ancien dirigeant marseillais), cela a matché tout de suite et c’est comme ça que ce fameux Edouard est venu faire sa période d’essai."
Pas un seul match avec l’OM en L1
Arrivé pendant l’été au sein de l’équipe réserve, puis propulsé troisième gardien avec un contrat pour toute la saison 2015-2016, Edouard Mendy n’aura finalement jamais eu sa chance dans le groupe pro. Ni Marcelo Bielsa, ni Franck Passi, ni Michel ne l’ont convoqué avec l’équipe première. Il faut dire qu’avec Steve Mandanda comme titulaire, et l’expérimenté Yohann Pelé comme doublure, difficile de faire son trou. En concurrence avec Florian Escales au sein de l’équipe réserve, Edouard Mendy jouera finalement un peu moins de dix matchs pendant la campagne en CFA, malgré un potentiel clairement identifié.
"A l’époque c’était impossible de se projeter sur le futur à l’OM. On ne savait déjà pas si nous on resterait alors comment le dire pour un gardien de but, analyse Dominique Bernatowicz. Edouard Mendy, cela ne me regardait plus puisqu’il avait fait l’affaire et que l’on vantait ses mérites avec Stéphane Cassard (l’entraîneur des gardiens en 2016). Mais il fallait savoir qui était l’entraîneur ou le directeur sportif en place et quelle était la projection pour le futur. Moi, je l’aurais fait signer à l’OM. Mais je pense qu’il n’aurait peut-être jamais joué parce qu’il avait Mandanda et pour d’autres raisons. Mais le potentiel avait été décelé. C’était clair, net et précis."
Ce qui manquait à Mendy pour avoir une chance à l’OM
Malgré son expérience à Cherbourg et sa formation en Normandie, Edouard Mendy n’était pas encore un gardien fini lors de son passage à Marseille en 2015-2016. Voilà aussi pourquoi les entraîneurs de l’époque n’ont pas osé le lancer chez les pros.
"Il avait quand même un retard au niveau de la compétition. Il avait un physique élastique et était exceptionnel par rapport à sa taille (1m98, ndlr), mais il avait aussi des lacunes, a concédé l’ancien technicien phocéen. Il jouait moins bien au pied et notamment sur son pied faible. Ses prises de balle à hauteur du visage étaient moins bonnes à cause de ses bras car il ne servait pas de son allonge. Peut-être qu’il se rendait aussi compte qu’il avait encore du boulot. Rester dans l’antichambre avec Stéphane Cassard, cela aurait été l’idéal mais il était compétiteur. Après il avalait tellement d’entraînements et confirmait à chaque séance. Il y avait encore du boulot mais Edouard progressait à une vitesse grand V."
Mendy a refusé le contrat proposé par l’OM pour signer à Reims
Si Steve Mandanda est finalement parti à Crystal Palace à l’été 2016, Edouard Mendy a choisi de ne pas rester à l’OM pour y espérer une hypothétique place de titulaire ou quelques apparitions en Ligue 1. Plutôt que Marseille, le Sénégalais a préféré rejoindre le Stade de Reims en Ligue 2, où il a ensuite pris le dessus sur Johann Carrasso lors de la fin de saison 2016-2017.
"On lui a proposé un contrat et il n’a pas accepté, il faut aussi le dire. Il avait l’ambition de joueur et je pense qu’il a pris la juste décision. On avait reconnu mais il lui manquait du temps de jeu depuis des années et lui voulait jouer, poursuit Dominique Bernatowicz. A l’OM cela aurait été quoi? Jouer avec la réserve et s’entraîner avec les pros à 23 ou 24 ans? Quel était l’intérêt si ce n’était d’avoir les équipements de l’OM? Edouard voulait jouer et se montrer afin de commencer sa carrière. […] Je pense qu’il a fait le bon choix et il a montré qu’il était intelligent. Peut-être qu’en restant à l’OM il aurait joué mais avec quel entraîneur? Avec qui? En 2016, l’OM, c’était quand même assez sulfureux et compliqué."

"Il avait une marge de progression tellement énorme"
Recruté par Reims, Edouard Mendy y a cartonné avant d’exploser au top niveau sous le maillot de Rennes (2019-2020), puis de s’envoler vers la Premier League et Chelsea. Mais son cas ne devrait pas trop laisser de regrets à l’OM.
"A Marseille, j’ai dit ce que j’avais à dire mais je n’ai pas été suivi. Des regrets du club oui et non, résume l’ancien responsable post-formation des gardiens olympiens. Dans le milieu du foot, les gens n’ont pas de figure et diront qu’ils n’ont pas de regrets. Il ne faut pas avoir de regrets parce que si cela ne s’est pas fait entre Edouard et l’OM c’est que cela ne devait pas se faire. Mais ce qu’il a fait derrière, cela devait se faire. C’était sûr. […] J’avais dit à son agent (qu’il lui avait présenté, ndlr) qu’il pouvait aller très très loin. Il avait une marge de progression tellement énorme, mais tout dépend du club ou du pays. Cela dépend de nombreux paramètres."
>> La Premier League est à suivre sur RMC Sport
Et le formateur de saluer l’évolution professionnelle d’Edouard Mendy: "Le Stade Rennais, cela a été son meilleur choix. Ensuite, la transition est vite partie entre Rennes et Chelsea avec Christophe Lollichon et Petr Cech. Son choix a été vite fait. Son mérité aussi, c’est qu’il a toujours été performant."
Resté en contact avec Edouard Mendy, "la cerise sur le gâteau de sa carrière d'entraîneur des gardiens", Dominique Bernatowicz savoure désormais les excellentes prestations du Sénégalais en Premier League et en Ligue des champions avec Chelsea. Avant un potentiel départ, celui qui le verrait bien "partir à la découverte d’un nouveau championnat incessamment sous peu" en raison des difficultés actuelles des Blues, ne ratera pas son huitième de finale retour de Ligue des champions ce mercredi contre Lille.