Le grand dossier RMC Sport (partie 6) - Luis Campos, la mauvaise réputation

Malgré la déception des résultats et la séparation qui s’en est suivie avec le Vitória de Setúbal, Luís Campos va vite se remettre en selle. En mars 2003, une rumeur l’envoie au Marítimo mais c’est à Varzim qu’il signe, tout proche de sa Esposende natale. "C’est bon de retrouver un club prêt de chez soi", sourit le Professor. Le club de Póvoa est un habitué des yoyos entre la Liga et la D2 portugaise. Lorsque Campos s’installe, le Varzim SC vient de se manger un 7-0 par le Porto de Mourinho, en quarts de la Taça. En championnat, l’équipe compte cinq longueurs d’avance sur la charrette mais n’a plus gagné depuis près de trois mois. Une sale habitude que Luís peine à gommer. Deux défaites pour commencer. Pas question d’effacer pour autant ses idées: "Le Varzim ne joue pas pour faire match nul ou ramener un petit point. Je n’ai fait ça qu’une fois et j’ai fini par perdre. Donc, dans mon esprit, on lutte pour la victoire, avec intelligence et caractère."
Début avril, les Varzinsitas gadouillent sur une série de 12 matchs sans victoire. Campos reste confiant: "Je me couche en pensant au maintien mais je ne m’endors pas avec la peur, déclare-t-il. J’ai habitué les gens à gagner et, à la première crise de résultats, ils remettent tout en cause." Le succès obtenu dans la foulée face au Beira-Mar semble lui donner raison et, malgré le score (1-2), la prestation contre le Benfica est encourageante. Mais Varzim rechute. La zone ardente se rapproche. Campos voit rouge après un revers contre Leiria: "Nous avons été une équipe débile. Après les bonnes prestations lors des deux dernières journées, les joueurs ne pouvaient être vaniteux comme ils l’ont été. Je vais leur demander une explication après ce désastre." Le Prof leur colle une séance de visionnage d’une heure. Mais nouveau revers face au Nacional. Plus que deux points d’avance sur les relégables. Et un duel face au Vitória de Setúbal – que Campos a quitté trois mois plus tôt - qui se profile.
Retrouvailles avec Setúbal
Les retrouvailles entre Campos et Setúbal sont spéciales. Le Vitória est bon dernier de Liga. Varzim s’en rapproche. Luís est sous pression. "La pression fait partie de la vie des footballeurs, répond-il. La pression c’est de ne pas avoir d’argent à la maison pour donner à manger à ses enfants." La rencontre est folle. A l’heure de jeu, Varzim et Vitória se neutralisent (1-1). Campos finit par s’imposer 3-2 mais se dit "très triste par la situation que traverse le Vitória de Setúbal" qui ne s’en relèvera pas. Dix jours plus tard, le club coule en D2. Et plusieurs supporters sadinos estiment qu’il aurait pu en être autrement si Campos était resté. Dès l’annonce de sa résiliation, ils étaient plusieurs à manifester devant le siège du club. Dimantino Miranda qui lui a succédé aura du mal à se défaire de la comparaison. Un mois après sa nomination, dans un entretien accordé à Record, l’ancien international portugais, passé par le Benfica et formé au Vitória FC, balance: "Si j’avais eu la chance de débuter la saison ici avec l’investissement qui a été réalisé, je crois que je serais dans une position plus tranquille." La pique fait sourire Luís: "Par respect, je ne répondrai pas." Dimantino serait-il jaloux de la cote d’amour de Campos au Bonfim? Campos sourit: "Pas de commentaire. Demandez-lui." Dimantino saute à son tour, quelques jours après cette interview. Mais, dans la plupart des médias, ce ne sont pas ces signes de soutien à l’égard de Luís Campos qui restent.
"Saison horribilis"
Varzim est condamné lors de la dernière journée du championnat 2002-2003. A l’issue d’un nul contre Santa Clara au cours duquel il est exclu, Campos s’en prend à l’arbitrage: "Il y a eu un manque de fair play. J’ai été exclu pour avoir dit ça à l’arbitre mais jamais je ne l’ai pas insulté. On a fait 2-2, on a été proches de la victoire et il y a un penalty en notre faveur qui n’a pas été signalé. Ce n’est pas sur ce match qu’on descend." "Saison horribilis de Campos", titre Record qui poursuit: "Son nom reste associé à deux descentes: le V. Setúbal et Varzim." Le mythe "Luís Campas" est né. Campas signifie "tombes" en portugais. "Il y a des critiques injustes parce que beaucoup de gens ont la mémoire courte, commente alors Luís Campos. Il y a un passé. Je ne suis pas apparu dans le football cette année."
Un mépris qui pèse sur Campos et ses proches. "Nous vivions intensément ses succès et ses échecs, confie son frangin Paulo campos à zerozero.pt. C’était usant pour nous et pour Luís." En 2019, ce dernier confiera à Record: "Ce qui me préoccupait le plus c’était de savoir comment allaient les personnes dont je suis proche. Et comme j’avais leur soutien et qu’elles avaient le mien, je l’ai mieux vécu."
"Je n’ai jamais été un grand joueur et j’ai construit ma carrière tout seul", poursuit-il. Ce sentiment, ce traitement, José Mourinho l’a exprimé lors de ses débuts comme entraîneur principal. Au moment où ces professeurs débutent en Liga, rares sont les techniciens qui n’ont pas vécu une carrière de footballeur de haut niveau. Dans sa bio publiée en 2004, voilà ce qu’écrit le Special One: "J’ai conscience que je ne fais pas partie du clan, de ceux qui distribuent les cartes. Je n’ai jamais été un joueur à succès et je ne vais pas avoir droit à la protection dont beaucoup jouissent." La carrière de Mister Campos comme entraîneur n’est toutefois pas terminée. Pas encore…
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La prophétie de Luís Campos sur Cristiano Ronaldo
A défaut d’avoir pu entraîner un grand club, Luís Campos a révélé, en tant qu’entraineur, quelques futurs talents : Petit (Esposende), Abel Ferreira (Aves), Delfim (Aves), Nuno Assis (Gil Vicente), Paulo Ferreira (V. Setúbal), Meyong (V. Setúbal), Jorge Ribeiro (Varzim et Gil Vicente)… Et forcément, il en a aussi affronté. Si l’actuel conseiller sportif du Paris SG est l’un des scouts les plus réputés de la planète foot, c’est qu’il cultive son savoir-faire depuis maintenant un long moment. En janvier 2003, le alors treinador du Vitória FC s’apprête à recevoir le Sporting de Lazlo Bölöni, tenant du titre. Les Leões affichent une puissance offensive impressionnante : Jardel, João Vieira Pinto, Kutuzov, Quaresma… Avant la rencontre (qu’il perdra 1-2), Campos concède un entretien à Rádio Renascença. « Le Sporting a des joueurs qui peuvent faire la différence à n’importe quel moment, de grandes individualités, dit-il. Pas la peine de donner des noms tant il y en a mais, à mon avis, il possède celui qui sera le meilleur joueur du monde, s’il maintient son évolution : Cristiano Ronaldo. » Une prédiction qui n’a, alors, rien d’une évidence. Au moment où Luís Campos prononce ces mots, Ronaldo n’a que 17 ans et n’a disputé que 16 bouts de rencontres (5 buts) avec l’équipe première du Sporting.