
Affaire Pinot-Schmitt: pourquoi Alain Schmitt a été relaxé par la justice
On en sait plus sur les motivations des juges de Bobigny qui ont décidé de relaxer en novembre dernier Alain Schmitt, l'ex-entraîneur et compagnon de Margaux Pinot, poursuivi pour des faits de "violences aggravées" sur la judoka. Dans un document de six pages, dont L'Equipe a eu accès, la présidente Sonia Lumbroso, assistée par deux assesseurs, a détaillé ses motivations qui ont entraîné la relaxe du nouvel entraîneur des équipes de Bulgarie, en rappelant d'abord les faits.
Le 28 novembre 2021, vers 2 heures du matin dans le huis clos de l'appartement de Margaux Pinot au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), des policiers ont été appelés "pour des violences conjugales."
La loi avant tout
La voisine de la judoka a donné sa version des faits aux policiers. "Vers 2 h du matin, elle a entendu des bruits forts provenant du logement d'en-dessous, des bruits de meubles qui tombent et des cris de femme accompagnés d'appels au secours ; elle a entendu la voix de sa voisine disant : 'Attends, je vais t'expliquer' et une voix d'homme dont elle n'a pas pu distinguer les propos. Quelques minutes plus tard, elle a de nouveau entendu des appels au secours, a ouvert sa porte et Margaux Pinot s'est précipitée à l'intérieur, vêtue d'une culotte et d'un tee-shirt et pieds nus. Elle lui a dit : 'C'est mon compagnon qui m'a tapée, je lui ai annoncée que je ne voulais plus m'entraîner avec lui, il allait me tuer'".
La juge Lombroso explique qu'il appartient "au tribunal d'examiner les éléments à charge et à décharge et de déterminer s'il dispose de preuves suffisantes pour entrer en voie de culpabilité". Alors que les témoignages du père et d'une amie de Margaux Pinot, ainsi que de trois proches d'Alain Schmitt ont été exclus, la magistrate a justifié sa décision. "Aucun n'a été témoin ni des faits jugés, ni même de la relation de couple dont ils racontent pour l'essentiel des épisodes qui leur ont été relatés par Alain Schmitt ou Margaux Pinot, chacun décrivant l'autre comme agressif."
Pourtant, le témoignage de Madeleine Malonga, membre de l'équipe de France de judo, amie de Margaux Pinot et entraînée par Alain Schmitt, est retenu. "Elle a témoigné à la fois d'une relation amoureuse longtemps tenue secrète, compliquée, avec des velléités de séparation de la part de Margaux Pinot mais aussi du caractère plutôt posé d'Alain Schmitt qu'elle n'a jamais vu violent ou avoir des accès de colère, même alcoolisé, ajoutant: il peut être méchant verbalement mais pas physiquement", souligne la juge.
Des déclarations différentes
Dans ce document, la présidente de la 17e chambre correctionnelle pointe qu'"il doit être relevé que Margaux Pinot a eu des déclarations qui ont quelque peu évolué au fil du temps et qui peuvent être contredites par les faits. Ainsi quand elle arrive chez Mme XXX (Le nom du témoin a été anonymisé, ndlr), elle dit immédiatement qu'elle a subi des violences parce qu'elle voulait changer d'entraîneur, ce qui est à l'évidence faux (le matin du 28 novembre, Alain Schmitt devait s'envoler à destination d'Israël pour y prendre un poste d'entraîneur-adjoint de la sélection féminine), et elle ne l'a plus soutenu par la suite. De même, ce n'est que dans sa deuxième audition par les enquêteurs que Margaux Pinot évoque une phrase prononcée par son compagnon: 'Il me disait que ma carrière était terminée et qu'en Israël, il trouverait une fille qui me défoncerait'".
Des propos confirmés par Alain Schmitt, qui ont provoqué "la colère de Margaux Pinot, qui, la première, aurait eu un geste brusque. Par ailleurs, Margaux Pinot a fourni aux policiers une photo d'une mèche de cheveux qui lui aurait été arrachée, la mèche étant posée sur un meuble, sur une paire de ciseaux. Quelques heures plus tard, les policiers effectuent des constatations dans l'appartement et la mèche de cheveux se trouve alors sur le sol."
Des "coups volontaires" et "un corps à corps"
Dans la dernière partie du document, la présidente Sonia Lumbroso donne des détails sur les éléments objectifs. "Tout comme les lésions observées sur l'un et l'autre, les traces de lutte constatées dans l'appartement s'expliquent aussi bien par la version donnée par Margaux Pinot, à savoir des coups volontaires, que par celle d'Alain Schmitt, c'est-à-dire un corps à corps où chacun essaye de repousser l'autre, où les deux protagonistes se cognent conte les murs, les meubles et les portes, cette dernière version ne pouvant s'analyser en des violences volontaires. Ainsi, la preuve n'est pas suffisamment rapportée que Alain Schmitt a commis des violences volontaires sur sa compagne Margaux Pinot, il convient de le relaxer des fins de la poursuite."
Relaxé en première instance, Alain Schmitt n'en a pas encore terminé avec la justice. Toujours selon les informations de L'Equipe, l'ex-entraîneur de Margaux Pinot devra se présenter le 8 avril devant la Cour d'appel de Paris afin d'y être rejugé pour les mêmes faits. Un procès en deuxième instance décidé après l'appel formé par le parquet de Bobigny, qui avait requis un an de prison avec sursis à son encontre en novembre dernier.