
Mondiaux de natation: Manaudou ne "s’attend pas à faire des miracles"
Les choses sérieuses commencent pour Florent Manaudou aux championnats du monde de natation à Budapest. Eliminé en demi-finales du 50m papillon samedi (12ème), le champion olympique de Londres en 2012 entre en lice sur son épreuve de prédilection le 50m nage libre ce jeudi. Manaudou qui après sa médaille d’argent décrochée à Tokyo l’été dernier, la troisième consécutive sur le 50m, a décidé de repartir jusqu’en 2024.
En changeant tout, ou presque. Il a quitté Marseille pour Antibes où il s’entraîne désormais avec ses deux meilleurs amis Quentin Coton et Yoris Grandjean. Pour tenir jusqu’en 2024, Manaudou, 31 ans a fait un long break post-olympique et n’a repris l’entraînement qu’en janvier. Une "année de transition" comme il l’a expliqué avant le départ pour Budapest. Florent Manaudou qui ne "s’attend pas à faire des miracles" en Hongrie mais qui s’épanouit dans son rôle de capitaine de l’équipe de France. Dans la transmission à la nouvelle génération de nageurs à deux ans des JO.
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Florent vous n’avez pas l’air très optimiste sur vos chances dans ces mondiaux ?
C’est une compétition de transition, cela a été une année un peu spéciale parce que j’ai changé de lieu d’entraînement, j’ai recommencé à m’entraîner mi-janvier. Je ne me suis pas entraîné comme d’habitude, je n’avais pas cette constance qui me caractérise. J’ai pris le plaisir un peu ailleurs tout en prenant mes marques à l’entraînement avec les nouveaux coachs et le nouveau lieu d’entrainement. Je ne peux pas m’attendre à faire des miracles dans cette compétition, même si ça reste du 50m et qu’on peut s’attendre à tout je ne pense pas nager très très vite. Mais ça me permettra de prendre un peu plus de plaisir sur la compétition en ayant moins d’objectifs.
C’est aussi bien de ne pas être attendu, ça enlève un peu de pression?
Je ne suis généralement pas très tendu. L’année dernière je l’étais un peu plus. C’est l’année où j’ai été le plus tendu. Là cette année c’est vrai que ça m’enlève un peu de pression. Mais ce n’est pas une technique pour m’enlever de la pression, c’est vraiment que je ne me suis pas entraîné jusqu’à mi-janvier… Et quand on s’entraîne moins, on performe moins sinon ce ne serait pas très juste et on ne s’entraînerait jamais. C’est le but du jeu, de faire une année un peu différente même si une fois dans l’eau je donne le maximum. Je vais donner les 60% que j’ai cette année et on verra bien ce que ça donne.

C’est dur à accepter de se présenter derrière le plot dans ces conditions?
La maintenant j’ai l’impression que c’est facile mais une fois que je suis derrière le plot je sais que j’ai la capacité d’oublier tout ce que j’ai fait avant et j’aurais l’impression d’être là comme dans n’importe quel championnat du monde ou Jeux olympiques. Ça va être spécial mais je sais que l’objectif principal c’est Paris 2024 et que j’ai pris cette année exprès pour être frais sur les deux prochaines années donc il faut aussi que je me rappelle de ça le moment venu. Mais pour l’instant ça va, même si je ne me sens pas extrêmement bien comme les autres années, j’ai quand même nagé moins de 22s à Monaco et ce n’est pas trop mal non plus. Il me manque beaucoup de constance dans le travail. Mais c’était un choix en début de saison, je ne peux pas me plaindre maintenant. C’était le but de faire ça et de découvrir des choses.
Qu’est-ce que vous avez découvert?
Que j’aimais bien être plus impliqué dans ma préparation. On discute des séances avec Quentin et Yoris, chacun a un plan un peu différent, et on voit ensemble pour savoir lequel est le mieux. C’est quelque chose qui me plait énormément. J’ai aussi appris cette année que pour les deux prochaines années il ne faut pas trop que je m’éparpille à faire des choses avec les sponsors. Il faut bien les baliser. Cette année j’ai fait un peu à l’envie, au besoin de mes sponsors car je sais que les années olympiques c’est un peu compliqué pour les voir. J’ai privilégié ça un peu cette année. Il y a eu des déplacements un peu inutiles aussi, la compétition aux USA, le JAX50 est-ce que c’était vraiment utile de faire ça et de se mettre du décalage horaire dans la tête, je ne pense pas. Donc j’ai appris ça cette année, et les coachs m’ont laissé libre choix de faire tout ce que je voulais, de faire la préparation que je voulais et c’est comme ça qu’on apprend.
Dans l’idée du retour il y avait un besoin de liberté dans votre organisation. Ce n’est pas forcément compatible?
Non parce que le besoin de liberté que j’ai… Je nagerais deux fois par semaine (rire). Donc ce n’est pas forcément bon. Je sais que la motivation est là de temps en temps mais être motivé tous les matins en se réveillant ça n’existe pas. Donc il faut de la rigueur et c’est quelque chose de compliqué dans la vie d’un sportif de haut niveau. A moi d’avoir de la rigueur pendant deux ans. Je n’en ai pas eu beaucoup cette année mais justement c’est quelque chose qui me plait, de découvrir encore des choses, d’être moins drivé et faire des choix moi-même. Je me trouve un peu plus volontaire parfois quand il faut bosser parce que c’est moi qui le décide. Je prends aussi du plaisir à m’entraîner plus dur parfois et quand c’est moi qui décide c’est plus facile de me gérer autour.
L’envie de nager est toujours là?
L’envie de nager je ne sais pas, mais l’envie d’être à l’entraînement avec tout ce que ça implique, les coachs autour de moi, oui. Quand je vais à la piscine il n’y a presque plus de moments où j’y vais à reculons et où je me dis que ça va être dur etc… J’ai la chance d’avoir deux entraîneurs qui sont vraiment mes amis proches. Et donc quand je vais à l’entrainement j’ai l’impression d’aller voir mes amis. Et c’est plutôt cool! On a réussi quand je suis dans l’eau ou en réunion, je suis nageur et eux sont les coachs. Et en-dehors on redevient amis. J’avais peur de ça car j’ai eu cette expérience avec mon frère. C’était il y a longtemps et j’étais plus jeune mais ce n’était plus mon frère c’était mon coach uniquement. Et c’était compliqué et dur. Je sais que je pourrai compter sur mes coachs quand je suis à la piscine ou en musculation et que je pourrai compter sur mes amis en dehors dans la vie de tous les jours.
A quel moment vous allez redevenir un nageur à 100%
A partir de septembre de l’année prochaine je pense, ça va monter petit à petit. Mais j’ai envie d’avoir cette constance et d’être à 100% au moins sur les deux dernières années de ma carrière et de monter vraiment en puissance. Là on a travaillé des choses qui étaient plus facile à travailler en étant en détente.
On vous sens beaucoup dans la transmission avec les jeunes de cette équipe de France
Ca se voit? J’ai beaucoup plus envie de transmettre depuis mon retour. Je n’avais pas le temps et j’étais loin d’être le plus ancien jusqu’en 2016 donc j’avais moins ce besoin et cette envie. Et je me suis un peu réfugié là-dedans étant capitaine l’an dernier après les championnats de France parce que je n’avais pas eu de bons championnats. Cela m’a tout de suite plu alors que je ne pensais pas que ce serait un rôle bien pour moi et qui me plaise autant. Les jeunes observent, je sens qu’ils regardent les anciens. Et je trouve ça agréable. Je pense que le sport c’est aussi transmettre de temps en temps.
On a aussi le sentiment que vous êtes plus impliqué directement dans la nouvelle organisation de l’équipe de France avec le nouveau patron le néerlandais Jacco Verhaeren.
C’est très différent, déjà le staff est différent et Jacco amène un élan de fraicheur à tout ça. J’adore ça. Déjà ça a été un bon entraîneur il l’a prouvé avec beaucoup de nageurs et c’est quelqu’un qui a remis la fédé australienne sur de bons rails. Il a de bonnes idées. Bon après on est en France donc il y a toujours des réticents et je sais qu’en France c’est compliqué de faire bouger les choses mais je trouve qu’il y arrive bien. Il échange énormément avec Mélanie (Hénique la capitaine des filles) et moi.
J’ai vraiment l’impression d’avoir un rôle entre le staff, la fédération et les nageurs. On a fait des brainstorming après les championnats de France à Limoges entre nageurs, on a fait remonter des choses et c’est mon rôle de présenter les choses auprès de Jacco et du staff. C’est plus facile pour que pour certains autres, je les connais presque tous, et en plus de ça je parle anglais donc je peux m’exprimer facilement auprès de Jacco. Il apporte quelque chose au niveau de l’énergie qui est agréable. Et le fait qu’il vienne de l’étranger, je trouve qu’il est en dehors de tous les anciens problèmes qu’il y avait entre les clubs, les coachs, la fédé et certains coachs. Il est neutre là-dessus.
Qu’est-ce qui fonctionne par exemple et qui a été mis en place?
Le lendemain des championnats de France à Limoges par exemple, on est restés sur place toute l’équipe de France. On y est allé un peu à reculons parce qu’on aime bien habituellement prendre quelques jours de repos après les championnats. Et au final c’était une journée extraordinaire, et je n’exagère pas. C’était vraiment très très fort en émotions. Pour le staff c’était bien, pour les nageurs aussi parce qu’on a appris à se connaitre. Chaque année l’équipe se renouvelle et c’est toujours différent. On a pu discuter entre nageurs 4 ou 5 heures d’affilé. C’est quelque chose que l’on ne fait jamais en fait. Et on a créé un collectif après Limoges et je trouve ça génial.