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UFC 285: striking, sol... Les clés techniques du choc Gane-Jones

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La tension monte. Ciryl Gane affronte la légende Jon Jones ce week-end à Las Vegas avec en jeu la ceinture des lourds de l’UFC (en direct à partir de 2h dans la nuit de samedi à dimanche sur RMC Sport 2). Entre le Français spécialiste de striking et l’Américain réputé pour sa lutte, l’opposition de styles intrigue. Analyse et tentative de projection.

Il est le meilleur des deux pour faire parler poings et pieds debout. Mais que se passera-t-il si le combat va au sol? Pour Ciryl Gane, qui affronte ce week-end à Las Vegas à la légende Jon Jones pour la ceinture des lourds de l’UFC, la dimension lutte et un grappling est celle qui questionne. Mis en difficulté sur sa défense de lutte par Francis Ngannou lors de sa première chance pour le titre incontesté des lourds il y a treize mois, sans oublier quelques précipitations techniques, "Bon Gamin" va devoir faire face à un "Bones" réputé pour sa lutte, la discipline dont il vient avant d’avoir basculé vers le MMA.

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Pour certains, l’équation est simple. Deux salles, deux ambiances. "Si Jon Jones amène le combat au sol, ce sera sa soirée, estime Alexander Gustafsson, l’homme qui a failli battre l’Américain pour le titre des mi-lourds en 2013, un combat entré au Hall of Fame de l’UFC. Mais s’il garde le combat debout, ce sera celle de Ciryl Gane. Ce sera à celui qui sera le plus intelligent dans la cage." Un combat de MMA débute sur les pieds et c’est à l’avantage du Français. Ultra mobile et rapide, hyper efficace dans sa gestion de la distance, Gane est un cauchemar en striking pour la concurrence dans sa catégorie.

"Il est tellement bon sur ses pieds qu’il a réussi à transformer Ngannou en lutteur, rappelle Chris Weidman, ancien champion des moyens de l’UFC qui avait détrôné la légende Anderson Silva en 2013. Je peux imaginer Gane allumer Jones en striking, le faire passer pour un mec super lent comme les images qu’on voit de lui aux pattes d’ours à l’entraînement, et le terminer avant la limite." Une possibilité encore amplifiée par ses traits morphologiques. A sa grande époque, Jones dominait ses adversaires debout grâce à un avantage: son allonge.

Avec ses bras tentaculaires, bien plus longs que ceux de ses rivaux, celui qui reste le plus jeune champion de l’histoire de l’UFC (à vingt-trois ans, chez les mi-lourds) pouvait jouer avec ses challengers et les toucher depuis une distance où ces derniers étaient impuissants. Mais quand le combattant en face a présenté la plus grosse allonge de son parcours dans cette catégorie, à savoir Alexander Gustafsson, il a beaucoup plus galéré à imposer son striking. Ça tombe bien: Gane a une allonge inférieure à celle de Jones mais qui tourne dans les eaux de celle du Suédois.

"Jones utilise très bien sa longueur, c'est le meilleur pour ça, confirme Gustafsson. Quand il affronte quelqu'un qui a la même allonge que lui ou presque, ça lui complique les choses, bien sûr, mais il s'adapte à merveille. C'est le combattant le plus intelligent que je n’ai jamais affronté. Il est malin et il trouve toujours des solutions." Weidman verse également dans la nuance: "Quand on voit les images, Jon n’a vraiment pas l’air terrible aux pattes d’ours. Mais quand il est dans la cage avec quelqu’un, ses coups de pied sont très rapides et il est très intelligent dans sa façon de mixer les choses. Tout va peut-être se jouer sur qui va mettre le plus de confusion chez l’autre, qui va mener la danse."

Si le Français le malmène debout, la solution évidente pour Américain consisterait à envoyer le combat au sol, à l’image de Ngannou à partir du troisième round en janvier 2022. Si le Camerounais s’était contenté d’imposer sa puissance physique, gardant Gane en-dessous de lui mais sans faire grand-chose (voire presque rien) offensivement, Jones n’est pas du genre à lâcher sa proie dans cette situation. A chaque ouverture, chaque opportunité, il se jettera sur elle pour tenter d’aller chercher une soumission ou d’imposer un violent ground-and-pound (coups au sol). "Je me vois bien le finir au sol, annonce Jones. C’est le chemin le plus rapide vers la victoire."

Pour éviter ce piège, "Bon Gamin" devra puiser dans ses ressources, ce dont on le sait capable même si certains doutent malgré l'immense coeur montré contre Tai Tuivasa en septembre dernier à l'UFC Paris. "Je peux imaginer Jon coincer le dos de Ciryl contre la cage et finir par lui mettre une amenée au sol avant d’avancer sa position tout doucement et de le toucher avec des gros coups de coude, analyse Chris Weidman. Si ça arrive, ce truc de Gane qui se dit un peu fainéant à l’entraînement quand il n’a pas de combat annoncé pourrait avoir de l’effet. On verra s’il a vraiment le cœur d’un champion, s’il va être capable de se relever cinq ou six fois et d’éviter la soumission ou le KO contre quelqu’un comme Jon. (…) Pour Ciryl, ce sera surtout un obstacle mental."

Il faudra aussi voir quel Jon Jones se trouvera face à lui. Pour son premier combat chez les lourds, montée de catégorie qui l’a obligé à prendre du poids, et pour sa première depuis trois ans dans l’octogone de l’UFC, "Bones" ne sera peut-être plus vraiment "Bones". Et ça peut concerner la lutte. Les stats de ses dernières sorties, pointées sur Twitter par l’excellent analyste belge Chris Genachte, vont d’ailleurs plutôt dans ce sens. Si son pourcentage de réussite sur les amenées au sol monte à 44% en carrière, il n’est que de 22% sur ses cinq derniers combats (25% sans la revanche contre Daniel Cormier).

Et face aux profils de grands très mobiles comme peut l’être Gane, Alexander Gustaffson ou Dominick Reyes, on tombe à 16%. Il en suffit parfois d’une pour terminer l’affaire, à l’image de la revanche contre Gustafsson, mais on comprend que dominer le combat sur ce plan ne sera pas chose aisée face à un "Bon Gamin" qui ne craindra pas forcément son striking et sa capacité à casser la distance pour venir au corps-à-corps. Pour y parvenir, il faudra sans doute d’abord fatiguer Gane, comme ça avait été le cas pour Ngannou, le seul à avoir amené le Français au sol à l’UFC.

Ce ne sera pas simple face à un garçon qui bouge si bien qu’il peut imposer son rythme debout (il n’y a eu que quatre tentatives contre lui en dehors du combat contre le Camerounais, toutes en réaction à une situation où Gane s’était rapproché). Mais Jones veut croire en ses qualités, comme il l’a rappelé avec un tweet qui se voulait moqueur: "Le meilleur lutteur qu’il ait affronté, c’est Ngannou". "Et Jon est un bien meilleur lutteur que Francis", rappelle Chris Weidman. Pour contrer tout ça, Gane a travaillé fort. Il s’est entouré de sparring-partners de qualité, les as du grappling Reda Mebtouche et Devhonte Johnson ou encore le Daghestanais invaincu Shamil Gaziev. "On a fait un bon camp d’entraînement", sourit-il comme une promesse.

"La meilleure décision que Ciryl pourrait prendre serait de dédier la majorité de son temps à la défense de lutte plutôt que d’apprendre à se relever quand il est sol car ça paiera plus pour lui face à Jones, estimait il y a quelques semaines Craig Jones, un des meilleurs combattants de grappling au monde et le coach de sol du champion des plumes Alexander Volkanovski pour son récent challenge face au champion des légers Islam Makhachev. S’il passe trop de temps à s'entraîner à se relever, sa défense de lutte ne sera pas aussi affûtée et il aura probablement plus de chances de se faire amener au sol. Et travailler pour qu’il soit très offensif en termes de soumission en étant sur son dos prendrait beaucoup trop de temps vis-à-vis du délai qu’il a pour préparer son combat."

Gane, qui en cas de victoire aimerait s’attaquer ensuite à un autre gros lutteur en la personne de l’ancien champion Stipe Miocic, pointe sa faculté à ne pas sous-estimer son adversaire, ce qui pourrait ne pas être le cas de l’autre côté. "Il aime dire que je n’ai pas un bon striking, bla-bla-bla. Mais je sais que je suis un striker de haut niveau. Et de mon côté, je suis conscient de son niveau de lutte." En face, "Bones" – qui annonce avoir "de nouvelles armes" dans son arsenal – avance en mode confiance. "Je pense avoir avantage majeur en matière de grappling. Ngannou a été capable de le mettre au sol, de le maintenir et de le contrôler. Si j'attrape Ciryl au sol, ou plutôt quand je le ferai, il ne se relèvera pas." Mais il pointe aussi des dangers chez le sol du Français.

"Pendant mon camp d’entraînement, quand je décidais que je voulais amener les gars au sol, c’est ce qui se passait, raconte-t-il. (…) On sait que Ciryl fait de bonnes clés de talon. J’ai beaucoup travaillé pour les défendre, les renverser. Je ne pense pas qu’il puisse gérer un mec comme moi. Je le respecte beaucoup mais j’ai travaillé dur pour ça. Ngannou était très fatigué à la fin de leur combat, il était juste satisfait d’être au-dessus sans même tenter de lui faire mal, et si Ciryl a été fatigué et surpassé par lui sur la longueur du combat, je ne le vois pas le faire contre moi. Je n’arrive pas à l’imaginer." Face à lui, Gane devra aussi se méfier des séquences au clinch, en corps-à-corps, et du contrôle contre la cage, deux domaines où il régale. Sans oublier l'expérience et le vice de "Bones", qui sait utiliser tous les trucs et astuces (il avait par exemple l'habitude de mettre les doigts dans les yeux des adversaires). Fascinant, ce choc pour la ceinture des lourds s’entoure de nombreux points d’interrogation. Il ne faudra plus attendre très longtemps pour avoir des réponses.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport