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UFC Paris 2025: lunettes rafistolées, tactiques millimétrées... Qui sont les Fighting Nerds, ces combattants brésiliens qui veulent mater les Français à Bercy?

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Les Français Nassourdine Imavov et Benoît Saint Denis affronteront lors de l'UFC Paris 4 (samedi 6 septembre, sur RMC Sport 1) les Brésiliens Caio Borralho et Mauricio Ruffy, deux membres des Fighting Nerds, le collectif de combattants le plus en vue du moment. Derrière ce surnom? Une salle d'entraînement de São Paulo qui façonne les champions, un état d'esprit singulier, et... une paire de lunettes. Bienvenue chez les geeks les plus dangereux du monde.

Si l’UFC Paris 2025, ce samedi 6 septembre à l’Accor Arena (sur RMC Sport 1), aura un air de France-Brésil avec trois combattants tricolores face à trois combattants auriverde sur l’ensemble de la carte, il y aura, dans un Bercy assurément chauffé à blanc, une petite histoire dans la grande.

Nassourdine Imavov (-84kg) et Benoît Saint Denis (-70kg), tous deux désormais coachés par Nicolas Ott, vont en effet affronter en main event et co-main event de la soirée Caio Borralho et Mauricio Ruffy, tous deux membres des Fighting Nerds, le collectif de combattants sans doute le plus en vue du MMA mondial ces deux dernières années.

Derrière ce surnom léger et pas forcément effrayant (littéralement, "les intellos qui se battent"), se cache un groupe d'athlètes à l’appétit sans fin, aux résultats jusqu’ici assez remarquables et à la hype immense. "Leur ascension est phénoménale. Je ne crois pas qu’on ait déjà vu ça, aussi rapidement", résume Diego Ribas, journaliste pour ESPN Brésil. "Les Fighting Nerds? Ils répandent la terreur", approuve son confrère américain Josh Lynnes (MMA Weekly).

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Caio Borralho, Carlos Prates, Jean Silva, Mauricio Ruffy: quatre têtes d'affiche, quatre personnages

Si les Nerds sont plusieurs dizaines, et de plus en plus nombreux, ils sont surtout représentés à l’UFC par quatre têtes d’affiche chez les hommes. Il y a d’abord Caio Borralho, le "roi des Nerds" comme il aime se présenter: numéro 7 au classement des -84kg, sur une série de 7-0 depuis son entrée à l’UFC en 2021 via les redoutables Dana White’s Contender Series, l’adversaire de Nassourdine Imavov espère refroidir le "Sniper" et le public français par la même occasion, pour obtenir sa chance pour le titre face au nouveau champion Khamzat Chimaev.

Caio Borralho à l'UFC en mai 2024
Caio Borralho à l'UFC en mai 2024 © Icon Sport

Il y a aussi Carlos Prates: numéro 9 chez les -77kg, il est le seul à afficher pour le moment une défaite (pour cinq victoires) dans l’organisation (à la décision contre Ian Garry en avril), mais il a très vite lavé l’affront en éteignant mi-août le pauvre Geoff Neal d’un splendide coup de coude retourné à l’UFC 319. Vient ensuite Jean Silva: numéro 10 chez les -66kg, le "Lord" - monstre d’explosivité - affiche un 5-0 au sein de la ligue, avec cinq finitions à la clé, et il commence à avoir une bonne tête de prétendant au titre dans les années ou les mois à venir. Et puis le quatuor est donc complété par Mauricio Ruffy: numéro 15 des -70kg, sur un 3-0 depuis son entrée à l’UFC début 2024, auteur de l'un des KO de l'année 2025, il a vu tous les bookmakers le donner favori de son choc face à BSD.

Mauricio Ruffy à l'UFC en mai 2024
Mauricio Ruffy à l'UFC en mai 2024 © Icon Sport

Voilà pour les résultats et les bilans. Mais les Fighting Nerds, ce sont aussi des personnages forts, et singuliers. Des histoires qui accrochent facilement le public et les observateurs. "Jean Silva est le fou de la bande, le taré qui se moque de tout (et qui ne cesse d’aboyer, NDLR)", décrit Diego Ribas. "Carlos Prates est l’anti-héros, qui fume, qui boit", et qui s’en vante. "Mauricio Ruffy, c’est le gars religieux, qui a eu une enfance difficile." Et qui a œuvré comme garde du corps d’un richissime homme d’affaires chinois avant de faire exploser sa carrière professionnelle. "Quant à Caio Borralho, c’est l’ancien professeur de chimie et de maths", termine Diego Ribas. "Ils sont tous différents."

Pablo Sucupira, l'homme derrière le succès des Nerds

Comme les Tortues Ninjas, les Nerds ont leur repaire, leur base - pas si secrète. Tous ont été formés, éduqués et polis dans une même salle d’entraînement, le "Combat Club" de São Paulo, aux tapis tachés de sueur, et aux murs blancs parfois décrépis entre les sponsors et les fresques aux couleurs de la joyeuse bande. C’est dans ce "gym", élu le meilleur du monde en 2024 aux MMA Awards, que les Fighting Nerds sont nés au milieu des années 2010, sous l’impulsion du matheux Caio Borralho et de son entraîneur Pablo Sucupira, ex-copywriter dans une agence de marketing.

"Les Fighting Nerds, c’est plus qu’une équipe, c’est un concept", expliquait le coach il y a quelques mois dans un reportage de l’UFC. "Presque tous les combattants voudraient être un peu plus intelligents. Et tous les nerds, tous les geeks, voudraient être un peu plus courageux. Ce concept, c’est d’être intelligent et courageux à la fois. Si vous êtes intelligent, et que vous êtes courageux, alors vous êtes un Fighting Nerd."

"Je crois qu’un combat, c’est avant tout de savoir comment vous allez vous adapter et solutionner un problème qui se trouve devant vous", présente de son côté Caio Borralho. "Tout dans le combat est une question de résoudre des problèmes."

Et les Fighting Nerds aiment ça. Au Combat Club, où une soixantaine de combattants s’entraînent aujourd’hui, on prône donc une approche réfléchie du MMA, basée avant tout sur le mouvement, et le contrôle. Encore et toujours. "Le truc qui les unit tous, c’est le contrôle", martèle l’entraîneur Pablo Sucupira. "Si tu contrôles ton adversaire, tu es le chasseur. Si tu te fais contrôler, tu deviens la proie. Si dans un combat je perds le contrôle, alors je dois arrêter de me battre, pour reprendre le contrôle, et pouvoir me battre de nouveau. Je dis toujours à mes combattants de contrôler l’octogone et de bien cerner l’espace. Ensuite je leur dis de contrôler les mouvements de leur adversaire, puis de contrôler la distance. Mes athlètes bougent bien, ils sont comme des ballerines dans la cage."

Jean Silva à l'UFC en juin 2024
Jean Silva à l'UFC en juin 2024 © Brazil Photo Press via AFP

Ne vous attendez pas pour autant à voir des clones dans l’octogone. Un combat du brawler Jean Silva aux finishs spectaculaires reste stylistiquement très différent d’un combat de Caio Borralho (qui lui ne compte que deux finitions à l’UFC), par exemple. "La première chose pour chaque combattant, c’est de comprendre quel animal il est", souligne Pablo Sucupira. "Est-ce qu’il est grand, petit, est-ce qu’il est puissant ou rapide? Chacun est son propre animal."

Le Français Jordan Zebo a essayé de découvrir le sien en allant s'entraîner avec eux, à São Paulo, il y a quelques semaines. "Franchement c'était top", témoigne-t-il. "J’ai pu m’entraîner avec tous ces gars très solides. L’ambiance était vraiment très bonne. Même si je suis français, ils m’ont invité chez eux à regarder l’UFC, on a mangé ensemble tous les jours." Mais c'est surtout ce qu'il a vécu entre les murs de la salle, sur les tatamis, qui l'a marqué.

"Les coachs et les athlètes sont tous dans la même direction, ils s’entraînent intelligemment", poursuit Zebo.

"La stratégie est le centre de leurs préoccupations. Il y a beaucoup de cours technico-tactiques seulement. Une fois que leur combat est annoncé, ils vont faire par exemple une séance uniquement de début de round. C’est beaucoup de mises en situation. Le sparring très dur, ce n’est que le vendredi. (...) Il n’y a que ce jour-là où on appuie, le reste du temps c’est light, c’est très tactique." Et Zebo de conclure: "C’était très intéressant de voir le côté 'nerds' du MMA, mais vraiment au plus proche."

Les lunettes de geek, "le meilleur coup jamais réalisé"

Sucupira, qui a recruté au fil des années Flavio Alvaro ou Wagner Mota pour renforcer son staff, se félicite d’avoir su créer à São Paulo une "famille". Mais il est aussi parvenu à signer un superbe coup marketing: celui des… lunettes. En geeks revendiqués, les Fighting Nerds arborent avec fierté tout au long des fight weeks – et même dans la cage après leurs combats – une paire de lunettes faussement rafistolées. Un petit accessoire devenu marque de guerre, un signe distinctif repris par les fans et de nombreuses personnalités à l’image de Mark Zuckerberg ou d’Elon Musk. Avec, à chaque fois, des clichés bombardés en masse sur les réseaux sociaux.

"Les lunettes, c’est le meilleur coup marketing jamais réalisé", s’amuse Carlos Prates. "Un truc facile, qui n’a pas coûté cher. Tout le monde a adoré. Et aujourd’hui, tout le monde est fier de les porter."

"C’est aussi un message pour toutes les personnes qui ont été victimes de harcèlement", veut croire Caio Borralho. "Certains enfants portent des lunettes, mais ils ont honte, car ils les trouvent moches. Imaginez pour eux ce que c’est de voir les meilleurs combattants du monde botter le cul des gens et porter ces lunettes avec fierté."

Carlos Prates à l'UFC en août 2025
Carlos Prates à l'UFC en août 2025 © Geoff Stellfox / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Des objets marketing, ou de véritables cracks?

Le chef de file des Fighting Nerds le reconnait toutefois: "On est très forts dans l’octogone, mais on est aussi très forts en dehors, avec toute la communication." Lunettes, réseaux, collaborations, produits dérivés… Les Brésiliens ont su optimiser et rentabiliser tout l’engouement autour d’eux, et se projettent désormais à l’international: les Nerds ont dernièrement accueilli dans leurs rangs des combattants étrangers, comme le Polonais Michal Oleksiejczuk (ancienne victime de Caio Borralho) et vont ouvrir une deuxième salle dans le New Hampshire, aux États-Unis, sous l’impulsion de Mauricio Ruffy. Au risque de perdre leur identité, de s’égarer? C’est une question. Comme celle de leur niveau réel.

Jusqu’à présent, aucun Nerd n’a obtenu de ceinture, de title shot, ni même atteint le top 5 de sa division. Et aucun, avant le grand test de l’UFC Paris, n’a remporté de combat face à un véritable tueur. Les voit-on plus beaux qu’ils ne sont? Vont-ils découvrir avec fracas leur plafond de verre? Réponse samedi soir à Bercy.

https://twitter.com/clementchaillou Clément Chaillou Journaliste RMC Sport